Image d'illustration. Un père retrouve sa fille.

République centrafricaine : "On ne peut pas lutter contre ses émotions"

Le 25 juillet 2018 à Bangui, en République centrafricaine (RCA), trois orphelins retrouvaient leur tante après une longue et douloureuse absence. Notre déléguée Françoise Lambert a partagé ces moments d’émotion.
Article 24 septembre 2018 République centrafricaine

Je n'avais encore jamais travaillé pour le CICR sur le terrain. Quand cette organisation me propose de partir en République centrafricaine comme conseillère communication, je me mets à réfléchir : les conditions de sécurité ne sont pas optimales, ce contexte est un des plus difficiles au monde. Et puis je me dis: « Et pourquoi pas une nouvelle fois l'Afrique, que j'ai parcourue comme réalisatrice de documentaires ? Pourquoi pas un pays que je ne connais pas, terminer par le centre du centre avant de m'en aller vers d'autres horizons ? » J'étais prête. Mais très vite, je me suis aperçue que rien ne vous prépare à maîtriser l'émotion qui vous submerge sur le terrain.
Peu de temps après mon arrivée à Bangui, j'apprends que mes collègues vont réunir avec leur famille trois enfants orphelins qui viennent de passer de longues années dans un camp de réfugiés. Mon travail consistant à raconter des histoires et à récolter des images, je décide naturellement de couvrir l'événement.

Des recherches compliquées mais qui aboutissent

En 2015, la violence qui se déroule à Zemio, à l'Est du pays, fait fuir un papa et ses trois enfants. Ils trouvent refuge de l'autre côté de la rivière, en République démocratique du Congo, et vont grossir la population du camp de réfugiés de Ango. Une semaine seulement après leur arrivée, le papa meurt d'une maladie foudroyante. De l'autre côté de la rivière, à Bangui, la tante des petits, ayant appris le décès tragique de son frère, demande au CICR de retrouver les enfants.
Il faudra une longue année pour que les retrouvailles se fassent. Il aura fallu repousser les difficultés logistiques : la saison des pluies ne permettait pas le décollage de l'avion devant transporter les enfants du camp de Ango jusqu'à Kinshasa et, de là, vers Bangui.
Il aura fallu attendre que la fièvre de violence de mai 2018 retombe pour s'assurer que l'environnement de retour offre suffisamment de sécurité pour les enfants. Il aura fallu de la confiance de la part des proches dans le travail du CICR et de la persévérance dans les efforts pour qu'enfin ces trois enfants foulent la terre de leur quartier et retrouvent la chaleur de leur famille.

« Notre famille est enfin réunie, nous sommes plus forts désormais » affirme Jacqueline, la jolie et fière cousine des enfants.« Comment pourrions-nous ne pas être heureux ? »

Elle montre un drap blanc tout neuf déposé sur le grand matelas, à même la terre, qui sert de couche à la famille.
La joie de cette famille était immense et a récompensé tous les efforts. Ce fut un moment unique pour moi. Je ne m'attendais pas à ces larmes que je n'ai pu retenir et que j'ai partagées avec des gens que je ne connaissais pas il y a encore quelques heures.

Une souffrance intense et silencieuse

En République centrafricaine, les violences entre différents groupes armés ont des conséquences dévastatrices sur l'équilibre social et familial de la population civile. Un Centrafricain sur quatre est soit déplacé à l'intérieur du pays (600 000) ou réfugié à l'étranger (400 000). Quand bien même la crise humanitaire dépasse en ampleur d'autres crises de par le monde, elle n'en demeure pas moins sous-médiatisée. Pourtant, au centre de ce conflit oublié, des êtres humains souffrent, attendent de l'aide, espèrent pouvoir reprendre leur vie. Parmi eux se trouvent des enfants, des milliers d'enfants. Leur vulnérabilité est extrême.
Les demandes de recherche de proches disparus sont nombreuses. Le traitement de certains cas peut prendre des années. Mais même après de longues recherches, l'histoire se termine bien et les proches goûtent au bonheur extraordinaire de serrer dans leurs bras celui ou celle qu'ils attendaient tous les jours. J'ai partagé ce moment-là, qui restera gravé au plus profond de moi-même.

Dès sa création, le CICR, appuyé par les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, s'est attelé à rétablir les liens familiaux, à élucider le sort des personnes disparues et à échanger des messages familiaux. Un site spécifique existe : familylinks.icrc.org. Ce dernier est cependant de peu d'utilité en RCA où l'accès à Internet reste problématique.
En République centrafricaine, le CICR continue à utiliser des moyens traditionnels de recherche et a réuni onze enfants non accompagnés en RCA de janvier à juin 2018.