République démocratique du Congo : le calvaire des familles fuyant les violences au Kasaï

25 septembre 2017
République démocratique du Congo : le calvaire des familles fuyant les violences au Kasaï
Tous les jours tôt le matin, les équipes du CICR et de la Croix-Rouge nationale livrent les aliments et le matériel nécessaire afin qu'à midi la nourriture soit prête. CC BY-NC-ND / CICR

Plus de 12 000 personnes sont dans une situation humanitaire alarmante dans la ville de Kikwit, province du Kwilu, dans l'ouest de la République démocratique du Congo.

Ces populations, composées principalement de femmes et d'enfants, fuient depuis mars dernier à la fois les heurts extrêmement violents entre une milice locale et les forces de sécurité nationales, et les violences interethniques qui secouent la région voisine du Kasaï. Elles ont trouvé refuge dans des familles d'accueil, dans des églises ou dans des écoles, où elles vivent dans une précarité extrême.

« À leur arrivée, les familles qui n'avaient pas d'abri s'entassaient au bord de la rivière Kwilu ou sous les portiques des magasins, et y passaient la nuit à même le sol », confie Dudu Musway, président provincial de la Croix-Rouge congolaise à Kikwit. « Certaines souffraient de diarrhée, de fièvre typhoïde et de troubles alimentaires ».

Surpris par l'intensité des combats et fuyant les violences dans leur région, parents et enfants ont parcouru deux ou trois semaines durant plus de 300 kilomètres dont une grande partie à pied. « J'ai été indigné de voir une femme, et son bébé de deux semaines tout nu, errant dans les rues à la recherche de nourriture », témoigne Fortunat Osuth, enseignant au lycée Kagwa, l'une des grandes écoles catholiques de la ville. Il fait partie des habitants qui ont alerté la mairie sur l'arrivée des premières familles du Kasaï.

Choquées par des scènes de brutalité, les femmes sont psychologiquement perturbées. « Elles ont subi un traumatisme profond. Certaines ont vu leur mari se faire décapiter, leurs enfants égorgés », explique Anièce Kiyungu, membre d'une association de femmes locales.

La solidarité des familles, les efforts des organisations humanitaires et l'implication des autorités urbaines ont été salués par les populations touchées, mais les responsables de la ville ont été vite débordés par l'afflux massif des déplacés. « Dès les premières arrivées en mars, avec l'aide des chefs de quartiers, nous les avons répertoriées pour mieux les accueillir, mais la situation est vite devenue ingérable », explique Jean-Claude Mungala, maire adjoint de la ville.

La Croix-Rouge congolaise et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) se sont mobilisés pour apporter une assistance humanitaire en deux phases, d'abord une distribution urgente de repas chauds, puis une aide financière pour renforcer la résilience des ménages.

« Sous la supervision des volontaires de la Croix-Rouge, les déplacés se sont organisés pour cuire et distribuer les aliments à près de 9 000 personnes tous les jours », précise Calvin Mastaki, responsable de l'équipe CICR à Kikwit « Des personnes de bonne volonté nous ont cédé des terrains pour y aménager six cuisines collectives ».

« Ces repas sont un grand soulagement, un motif d'apaisement pour les familles », estime Ezéchiel Kandomba, directeur des études à l'institut Pungu, une école locale. Il avait accepté que sa parcelle serve à organiser une cuisine pour les victimes. « Je l'ai fait par compassion », déclare-t-il.

Trouver un abri sûr est un casse-tête pour les déplacés. De nombreuses familles vivent dans la promiscuité en dormant à même le sol. CC BY-NC-ND / CICR

Du cash comme moyen d’autosuffisance

L'assistance financière a été organisée via le bureau local d'une banque. Chaque famille a reçu une carte d'identification qui lui permet de retirer l'argent liquide.

« Ce soutien en espèces vise à donner aux déplacés les moyens de couvrir une partie importante de leurs besoins essentiels et, si nécessaire, de générer des revenus à travers un petit commerce pour avoir une certaine autonomie», déclare Bruno Mesureur, coordinateur du CICR chargé de ce programme.

« Cet argent servira d'abord à nous habiller. Depuis mon arrivée à Kikwit, je n'ai qu'un seul vêtement et mes enfants n'en rien. Ensuite, je pense acheter du charbon et en faire le commerce », se réjouit Luzolo, mère de deux enfants et enceinte d'un troisième. Comme elle, des membres de plusieurs milliers de familles vont utiliser cet apport d'argent pour essayer de redémarrer leur vie après le traumatisme subi.

Luzolo au guichet de la banque retire l'argent fourni par le CICR. CC BY-NC-ND / CICR

Les troubles et les violences extrêmes dans le Kasaï voisin ont jeté plus d'un million de personnes sur les routes. Le CICR et la Croix-Rouge de la République démocratique du Congo assistent actuellement 29 000 personnes dans les provinces du Kasaï-Central et du Kwilu, et sont sur le point d'acheminer plus d'aides pour les déplacés et les personnes qui rentrent chez elles.