Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques - 2017

30 novembre 2017

Vingt-deuxième session de la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques, La Haye, Pays-Bas, Déclaration du CICR

L'année 2017 marque le vingtième anniversaire de l'entrée en vigueur de la Convention sur les armes chimiques dont le succès est remarquable : cinq États seulement ne sont pas encore parties à la Convention. L'engagement pris par les États – éliminer les armes chimiques, empêcher toute utilisation de ces armes et prévenir leur réapparition – a donc aujourd'hui une portée quasi universelle.

À l'approche de la quatrième Conférence d'examen, prévue en 2018, et étant donné que rien ne peut justifier de rester à l'écart de la Convention, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) se joint aux appels demandant que la République populaire démocratique de Corée, l'Égypte, Israël, la Palestine et le Soudan du Sud ratifient cet instrument ou y adhèrent sans délai.

Grâce aux efforts résolus des États détenteurs et au soutien de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), 95% de tous les stocks d'armes chimiques déclarés ont été détruits et l'on voit se concrétiser la promesse faite par la Convention d'un monde exempt de ces armes atroces. Le CICR félicite la Fédération de Russie qui a récemment achevé de détruire l'intégralité de ses stocks.

L'interdiction est largement respectée, mais nous tous ici présents savons bien que, pour la cinquième année consécutive, des substances chimiques – notamment un agent neurotoxique (le sarin) ainsi que du gaz moutarde et du chlore – ont été utilisées comme armes.

L'emploi d'agents chimiques de guerre – confirmé à plusieurs reprises en Syrie et en Iraq ainsi que lors de l'empoisonnement d'un individu en Asie du Sud-Est – constitue une aberration qui doit être condamnée avec la plus grande fermeté par tous les États, comme devrait l'être d'ailleurs tout emploi d'armes chimiques, par qui que ce soit et où que ce soit.

En mars 2017, les membres des équipes médicales du CICR ont constaté par eux-mêmes les conséquences d'une attaque chimique dans les environs de Mossoul, en Irak. Ils ont aidé le personnel médical local à décontaminer et traiter 15 patients admis à l'hôpital Rozhawa d'Erbil après avoir été exposés à un agent chimique vésicant.

L'attaque au gaz sarin commise le 4 avril 2017 à Khan Cheikhoun, en Syrie, a été l'une des attaques chimiques les plus meurtrières du conflit syrien, selon ce que rapportent la Mission d'établissement des faits de l'OIAC et le Mécanisme d'enquête conjoint de l'OIAC et de l'Organisation des Nations Unies.

Le CICR condamne fermement les utilisations répétées et confirmées d'armes chimiques. Au nom de l'humanité, le CICR appelle une fois encore toutes les parties aux conflits armés – en Syrie, en Irak et ailleurs – à respecter l'interdiction de ces armes barbares.

S'agissant de défendre la norme et de faire respecter le droit, un rôle essentiel est joué par la manière dont la communauté internationale réagit aux violations de l'interdiction des armes chimiques. Les États parties ont, individuellement et collectivement, la responsabilité de faire davantage pour empêcher l'utilisation d'armes chimiques, et de veiller à ce que les responsables – qu'il s'agisse d'États, de groupes armés non étatiques ou d'individus – aient à répondre de leurs actes.

Le CICR se félicite à cet égard de la décision prise récemment par le Conseil exécutif de l'OIAC de procéder à l'examen de la menace que pose l'utilisation d'armes chimiques par des groupes armés non étatiques.

Sans doute convient-il de répéter ici que l'interdiction d'utiliser des armes chimiques est une règle du droit international humanitaire coutumier, juridiquement contraignante pour toutes les parties, dans tout conflit armé.

Les événements de ces cinq dernières années ont aussi jeté une lumière crue sur les difficultés que rencontrent ceux qui s'efforcent de venir en aide aux victimes d'attaques à l'arme chimique. Les États parties ont à la fois l'obligation de renforcer leurs moyens d'intervention civils et le droit de solliciter et de recevoir l'assistance d'autres États parties en cas d'utilisation, ou de menace d'utilisation, d'armes chimiques.

Le CICR, pour sa part, a mis en place des moyens d'intervention destinés à assurer la sûreté et la sécurité de son personnel exposé aux risques chimiques et à venir en aide aux victimes lorsque les circonstances le permettent.

Ainsi, à la suite de l'incident survenu près de Mossoul, le CICR a fourni aux équipes médicales travaillant dans plusieurs hôpitaux de la région une formation complémentaire ainsi que l'équipement nécessaire pour la décontamination et la prise en charge de patients ayant été exposés à des agents chimiques.

Le CICR est également préoccupé par le fait que l'emploi du chlore comme arme chimique risque d'entraîner d'autres conséquences humanitaires en compromettant l'utilisation du chlore dans un but bénéfique, pacifique et vital : la production d'eau potable.

Afin que la norme interdisant les armes chimiques soit respectée et renforcée, le CICR tient à rappeler ici sa vive préoccupation face à la mise au point et à l'utilisation comme armes à des fins de maintien de l'ordre de certains produits chimiques hautement toxiques, connus sous le nom d'« agents chimiques incapacitants » ou de « produits chimiques agissant sur le système nerveux central ».

L'empoisonnement n'est pas un moyen de guerre licite ; il ne peut pas non plus être un moyen licite de maintien de l'ordre.

Le CICR estime que l'emploi de produits chimiques toxiques comme armes à des fins de maintien de l'ordre devrait être limité aux seuls agents de lutte antiémeute. Il appelle une fois encore chacun des États parties à rejoindre le cercle de ceux qui ont déjà confirmé l'adoption d'une politique et d'une législation nationales allant en ce sens.

À cet égard, le CICR se félicite de la prise de position d'un groupe d'États toujours plus nombreux (près de quarante à ce jour) qui ont déclaré que des discussions devaient avoir lieu entre les États parties afin, d'une part, d'examiner les risques que pose – pour la vie des personnes et pour le respect de la Convention – l'utilisation de produits chimiques hautement toxiques en tant qu'armes à des fins de maintien de l'ordre et, d'autre part, d'élaborer des recommandations concrètes à l'appui de l'action prioritaire de l'OIAC visant à prévenir la réemergence des armes chimiques.

En conclusion, aujourd'hui plus que jamais, le CICR appelle l'ensemble des États parties à honorer leurs engagements afin d'éliminer les armes chimiques, faire cesser leur usage actuel et, de manière plus large, prévenir leur réapparition.