Ziguinchor : une savonnerie artisanale pour entretenir sa famille
Awa Sagna fait partie de la population déplacée de longue date en raison du conflit armé en Casamance. Elle vit dans la commune de Ziguinchor depuis plusieurs années. Avec le soutien du CICR, elle a créé une savonnerie artisanale pour subvenir aux besoins essentiels de sa famille.
Des déplacés installés en ville
Le conflit en Casamance a contraint, au cours des trois dernières décennies, des milliers de personnes à se réfugier en Gambie et en Guinée-Bissau. D'autres se sont installées dans des quartiers périphériques de la ville de Ziguinchor, la capitale régionale. L'espoir d'un retour dans leur village d'origine est bien présent, mais cette perspective semble encore lointaine pour ces familles. Elles éprouvent des difficultés quotidiennes à couvrir leurs besoins essentiels.
De Bissine à Ziguinchor
C'est en 1994 qu'Awa, alors très jeune, et sa famille sont parties de Bissine, dans l'arrondissement de Niaguis (département de Ziguinchor), pour la commune de Ziguinchor. « Nous avions toujours vécu dans la quiétude avant que le conflit n'oblige les populations de mon village à le quitter. C'est ainsi que ma famille a quitté Bissine pour s'installer d'abord à Kandialang puis à Santhiaba, avant de gagner définitivement Diabir, un quartier périphérique de la commune de Ziguinchor».
Au village, Awa aidait sa tante dans les travaux de production d'huile de palme, l'agriculture, le maraîchage et l'exploitation bananière. Elle garde de très bons souvenirs de son village. « Il faisait bon vivre à Bissine et tout était à notre portée. On pratiquait le troc : par exemple, une bassine de poissons était échangée contre une de mil ».
Une intégration active
À Ziguinchor, Awa a décidé d'intégrer un groupement de femmes qui s'emploie à la transformation de fruits et légumes. Plus tard, elle s'initie à la fabrication de savons. Avec l'expérience acquise, Awa et les femmes déplacées de son village ont été orientées par la présidente du groupement vers un partenaire. Celui-ci les a équipées en matériel pour la transformation, mais le projet n'a pas prospéré.
Une savonnerie artisanale
Sur les conseils de sa formatrice qui lui a appris ce métier, elle a alors décidé de lancer sa propre affaire. « J'ai bénéficié d'un financement du CICR destiné aux femmes déplacées, accompagné d'une formation en gestion et en entreprenariat et de conseils, sur une période de 6 mois. C'est ainsi que j'ai aménagé mon local, acheté mes équipements (une table de coupe, 7 moules, 2 fûts, etc.) et des matières premières pour produire le savon ».
« Sabou Awa » (savon Awa) est le nom qu'elle a donné à son produit. Elle travaille en collaboration avec ses deux tantes et produit deux fois par mois, puis stocke. Par ailleurs, deux de ses enfants (un garçon et une fille) lui viennent parfois en aide dans la production. Elle s'adapte aussi en fonction des commandes des clients et peut lancer d'autres productions au besoin. C'est à son domicile que les clients viennent s'approvisionner.
« Je produis du savon ordinaire pour le linge et un autre type pour la toilette. Le savon ordinaire est vendu à 300 frs l'unité et celui de toilette à 500 frs ».
Responsable de sa famille
Veuve depuis 2014, Awa est aujourd'hui âgée de 39 ans. Elle a à sa charge ses 4 enfants (3 garçons et 1 fille) en plus des 3 petits enfants de son époux défunt.
Awa s'organise de telle sorte qu'après une production et vente de savons, elle récupère d'abord les recettes destinées aux matières premières, puis verse une partie des bénéfices sur son compte ouvert dans une institution financière de la place pour constituer une épargne et éviter le gaspillage.
C'est en partie aussi grâce aux bénéfices générés qu'elle prend en charge les dépenses de sa famille, malgré les difficultés. « J'ai effectué toutes mes dépenses de la Tabaski de l'année passée grâce aux bénéfices du projet, sans contracter de dettes », explique-t-elle fièrement. Elle motive les membres de son équipe en leur donnant des savons et un montant symbolique. Elle ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour les payer mais participe cependant à leur formation.
Des ambitions pour l'avenir
Si sa savonnerie se développe bien, Awa ambitionne d'aménager un plus grand local. « Mon souhait serait aussi d'ouvrir une boutique au marché ou dans un autre quartier pour vendre mes savons ».
Par ailleurs, elle partage ses savoir-faire avec des femmes à Ziguinchor et parfois même à Dakar. « Je forme les femmes à la production de savon mais également à celle de jus de pomme de cajou, à la conservation des noix d'anacarde (salée, pimentée, poivrée) ou des céréales». Selon Awa, les connaissances acquises doivent être démultipliées afin d'aider les femmes à mieux entreprendre.
Malgré le déplacement de longue durée, des femmes comme Awa s'efforcent d'améliorer leurs conditions de vie et celles de leur famille, et d'acquérir une autonomie financière.