Madame la Présidente, Excellences,
Moins de cruauté dans les conflits signifie moins de haine, facilitant ainsi leur résolution. C’est pourquoi, parmi les cent pas à franchir vers la paix, les premiers doivent être humanitaires.
Les origines du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge remontent aux lendemains de la bataille de Solférino, lorsque des femmes ont pris l'initiative de soigner les blessés de guerre, indépendamment du camp pour lequel ils combattaient.
Les femmes ont toujours été au cœur de l’action humanitaire. Cependant, leur rôle et leur contribution essentielle n’ont été reconnus que trop tard. De plus, certaines questions humanitaires cruciales, touchant principalement les femmes mais ayant des répercussions sur des sociétés entières, ne sont pas suffisamment prises en compte.
Quelle est notre contribution spécifique en tant que femmes ?
Mon équipe a posé cette question à plusieurs femmes à la tête d’importantes délégations du CICR. Pour notre cheffe de délégation au Soudan du Sud, il s’agissait d’inspirer d’autres femmes à occuper des postes de direction. Son homologue en Haïti a souligné l'importance d'écouter toutes les voix présentes. Au Qatar, ma collègue a partagé des expériences vécues avec des femmes réfugiées, favorisant ainsi une empathie profonde.
Ces témoignages soulignent que, dans les conflits armés, la violence est intrinsèquement liée aux questions de genre et n'affecte pas de la même manière les femmes, les hommes, les filles et les garçons. Il est donc crucial que les organisations humanitaires disposent d’équipes diversifiées, incluant des femmes à des postes élevés, pour mieux écouter, comprendre, intégrer et faire valoir les besoins des communautés touchées auprès des parties en conflit, et ainsi alléger les souffrances humaines.
Excellences,
Moins de cruauté dans les conflits implique de prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils, en particulier contre toute forme de violence sexuelle. Depuis près de 25 ans, les résolutions successives du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité appellent les États à respecter et à mettre en œuvre le droit international humanitaire, protégeant ainsi les femmes et les filles, trop souvent décrites comme les victimes de violences sexuelles de la part des porteurs d’armes, ou considérées comme un problème secondaire relégué à une prochaine étape.
Souvent, les femmes sont absentes ou en minorité parmi les décideurs menant la guerre. Malgré les impacts mortels et disproportionnés des conflits sur les femmes, la question du genre est reléguée à un second plan – perçue comme inacceptable ou hors sujet dans des tables de négociations occupées par les urgences de la guerre. Pourtant, ce qui se passe avant et pendant un conflit définit l'issue de celui-ci.
Si les femmes sont absentes du marché du travail, n'ont pas accès aux soins de santé lorsqu'elles sont blessées ou malades, doivent vivre avec les cicatrices physiques et mentales de la violence sexuelle, et sont appauvries, comment pourront-elles prendre place à cette table ? Il est donc vital que les femmes ne soient pas simplement présentes à la table pour faire nombre, mais qu'elles soient habilitées à représenter leurs communautés. Seules celles qui contrôlent des ressources auront, au bout du compte, l'influence nécessaire lorsque des décisions importantes seront prises.
Nos demandes :
Premièrement, intégrer la dimension de genre dans la planification et la conduite des opérations militaires.
Combler l’écart entre les sexes dans les données opérationnelles et intégrer une perspective de genre dans l'application et l'interprétation du droit international humanitaire dans vos plans d'action nationaux pour le programme femmes, paix et sécurité sont des étapes essentielles.
Deuxièmement, renouveler l’engagement en faveur d’une action humanitaire neutre et impartiale, menée par un personnel humanitaire diversifié.
Bien que les parties au conflit aient la responsabilité de respecter le droit international humanitaire et de créer des solutions durables, les organisations humanitaires ont également le pouvoir et la responsabilité d'adresser la souffrance résultant des impacts et inégalités liés au genre. Il est de notre responsabilité de veiller à ne pas – même involontairement – aggraver les désavantages pour les femmes, les filles et d'autres personnes marginalisées. C’est l’essence même du « do no harm ».
Préservons l’espace humanitaire et, en tant que femmes, en tant qu’humanitaires, nous contribuerons à préserver l’humanité. La protection de celles et ceux confrontés à la plus grande discrimination et déshumanisation est au cœur du respect du droit, comme voie vers la paix.