Au Kasaï, le commerce se fait à vélo
Dans les provinces du Kasaï, en République démocratique du Congo, le vélo est le moyen le plus efficace de transport pour de nombreux commerçants qui apportent nourriture et biens essentiels dans les villages les plus reculés.
Joseph, le visage en sueur, pousse depuis des heures son vélo dans la brousse. Il fait chaque semaine des va-et-vient entre la ville de Kananga, capitale de la province, et le village de Tshebue, situé à plus de 200 kilomètres. Nous sommes au cœur du Kasai-Central.
« A partir de Tshebue, j'achète du maïs, du manioc et des bananes que je ramène à Kananga pour revendre », explique Joseph. « De là, j'achète des articles comme du savon et des babouches pour aller les revendre à Tshebue. » Il se fait accompagner de sa sœur et d'un jeune commis pour l'aider dans ses tâches.
Cet homme infatigable fait partie des marchands à vélo, les « Bayanda » en langue locale, ou « hommes forts ». Dès le lever du soleil, ils envahissent routes et chemins pour acheter et revendre denrées alimentaires et autres biens de première nécessité, faisant la navette entre les villages de la région.
A l'aller comme au retour, il faut à Joseph trois jours pour atteindre sa destination. « Nous passons la nuit dehors quelles que soient les conditions, parfois sans manger », raconte-t-il. « Et il arrive souvent que notre vélo se casse. Les réparations entament les bénéfices. »
Sur la route, la sécurité n'est pas garantie : ces commerçants peuvent se faire ravir leurs biens, d'autres se font parfois tuer. Les « Bayanda » sont aussi obligés de payer un droit de passage aux postes de contrôle, qui se sont multipliés ces derniers temps.
Une activité en déclin
Découragés par tant de contraintes, ces commerçants à vélo raccrochent, provoquant une raréfaction de certains produits alimentaires sur le marché. Les prix montent. Actuellement à Kananga, le kilo de maïs se négocie à 1000 francs congolais. Le revenu moyen tourne autour de 1500 francs par jour pour les habitants de la région.
Cette ville accueille toujours de nombreux déplacés qui ont fui les violences de 2017 et 2016. Tous ne sont pas rentrés chez eux malgré l'accalmie. Avec cette pression démographique, la demande est à la hausse.
« C'est à peine si les ménages arrivent à se fournir un repas quotidien », indique Freddy Bakulu, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). « Il faudrait désenclaver les zones agricoles en réhabilitant les infrastructures routières afin de permettre à Kananga d'être approvisionnée normalement. »
En 2016 et 2017, des violences entre les forces nationales de sécurité et une milice locale, doublées de tensions interethniques, ont forcé une partie de la population à quitter leurs villes et leurs villages dans la région du Kasaï qui comprend au total cinq provinces : Kasaï-Oriental, Kasaï-Central, Kasaï, Sankuru et Lomami.