Cameroun : prévenir une pandémie sur fond de crise
Au Cameroun, les personnes déplacées dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest doivent affronter de nouvelles épreuves depuis la flambée de Covid-19 dans le pays.
Cette situation est une source de préoccupation majeure pour Laurantine Ngundue, déplacée d'Ekona dans la région du Sud-Ouest. Avant le déclenchement de la crise anglophone qui déchire le pays, Laurantine était enseignante. Après avoir perdu son emploi, elle a tenu un petit commerce.
J'ai peur du Covid-19, car si un membre de ma famille est touché, nous risquons tous de mourir, faute de soins et d'argent.
Pour aggraver les choses, les stocks qu'elle destinait à la vente ont tous été détruits par suite des affrontements entre forces militaires et groupes armés dans la région. Afin d'échapper au pire, Laurantine et sa famille ont fui dans la brousse en quête de sécurité.
Cela fait deux ans que je reste dans la brousse, car je crains d'être abattue si je rentre chez moi. La situation devient de plus en plus dure.
Bien que la zone où elle s'est réfugiée compte un hôpital opérationnel, Laurantine s'inquiète du manque de personnels et de médicaments. En outre, elle ne dispose pas des ressources qui lui permettraient, le cas échéant, de couvrir les frais médicaux pour elle et sa famille.
Alors que la pandémie de Covid-19 représente un danger vital, en particulier dans les zones en proie à une crise, la violence vient lourdement compromettre les infrastructures sanitaires et l'accès aux structures médicales. Le système de santé déjà fragile est mis à rude épreuve, et les conditions de vie précaires deviennent encore plus difficiles. La situation est extrêmement préoccupante, car les capacités de dépistage, de traitement et de suivi des malades sont entravées, ce qui, par voie de conséquence, augmente les risques de transmission du virus.
Les personnes déplacées par les violences sont particulièrement exposées aux complications médicales. Leur logement temporaire peut abriter de nombreuses personnes et n'offrir que de piètres conditions d'hygiène et d'hébergement ou un accès limité aux soins médicaux et à une alimentation saine. Par ailleurs, respecter les distances physiques dans de telles conditions peut être un véritable défi.
Pour lutter contre le Covid-19, ma famille et moi essayons d'appliquer les mesures préventives préconisées par l'Organisation mondiale de la santé, par exemple nous laver systématiquement les mains.
Cependant, le lavage des mains et le respect des mesures préventives ne réduisent pas les besoins de ces populations vulnérables, qui luttent encore chaque jour pour joindre les deux bouts.
« Avant la crise, je possédais une épicerie qui me permettait de faire vivre ma famille. Malheureusement, depuis l'apparition de cette nouvelle maladie, les affaires ne marchent plus aussi bien qu'avant », ajoute Levis.
Contrairement à Levis, qui exerce une activité lucrative, de nombreuses autres personnes déplacées dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest vivent dans la brousse, où les conditions précaires les exposent à un risque tout aussi élevé en cas de flambée de Covid-19. Ces personnes, qui dépendent uniquement de l'aide pour survivre, doivent maintenant affronter une nouvelle épreuve : améliorer leurs habitudes d'hygiène afin de prévenir une flambée qui pourrait aggraver leur situation.
Depuis l'apparition du Covid-19 au Cameroun, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) adapte ses programmes en cours en y intégrant systématiquement la pandémie. Outre le dialogue qu'il mène en permanence avec les autorités et les acteurs armés pour promouvoir le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire, préserver la vie et la dignité des personnes et leur assurer un accès aux services essentiels, le CICR a commencé à faire connaître les mesures préventives au sein des communautés à travers des spots radiophoniques, l'affichage d'informations à des endroits stratégiques, et l'installation de points d'eau et de savon pour le lavage des mains dans les lieux publics.
Le mois dernier, dans le cadre d'un projet d'assistance à Ekona, le CICR a distribué 1 252 assortiments d'articles essentiels à 650 familles déplacées. Avant la distribution, les bénéficiaires ont été sensibilisés aux mesures préventives contre le Covid-19 et ont pu assister à des démonstrations de lavage efficace des mains. Cela est désormais obligatoire dans le cadre de toutes les activités que le CICR mène auprès des communautés au Cameroun.
Mama Konla Adeline, une bénéficiaire, a déclaré : « Je suis très satisfaite de l'assistance du CICR. Si une nouvelle distribution devait avoir lieu, l'idéal serait de nous fournir des conteneurs pour stocker l'eau. »
Le programme d'assistance Covid-19 du CICR a également été étendu aux lieux de détention, car la surpopulation, les mauvaises conditions d'hygiène et le manque de ventilation peuvent poser des difficultés supplémentaires pour prévenir et combattre les maladies infectieuses. Le CICR fournit une assistance matérielle aux autorités pénitentiaires pour les aider à maintenir une hygiène individuelle et collective suffisante parmi les détenus, afin de prévenir et de contenir la propagation du Covid-19. À cette fin, 3 640 détenus de la prison centrale de Douala ont reçu des articles d'hygiène individuelle et collective. Parallèlement, du matériel et des produits d'assainissement et de désinfection, notamment du chlore, de l'eau de Javel, des gants, des brosses avec poignées, des bottes, des détergents et des pains de savon, ont été distribués aux prisons de Buéa, Bamenda et Yaoundé.
Au total, près de 20 000 détenus, soit environ 60 % de la population carcérale du Cameroun, ont bénéficié de cette aide. En outre, le CICR a soutenu la gendarmerie nationale, notamment son centre de détention situé au secrétariat d'État à la défense à Yaoundé, en lui fournissant du matériel d'hygiène et de prévention.