COP28 - le CICR demande que l'action pour le climat soit renforcée dans les situations de conflit
Le changement climatique et la dégradation de l’environnement compromettent la survie de l'humanité. Il est vital que de grands efforts visant à limiter le changement climatique soient menés d'urgence sur le plan politique, afin d'éviter les conséquences les plus effroyables de cette crise pourrait avoir sur les êtres humains et leur environnement. Même si d'ambitieuses mesures d'atténuation sont adoptées, le dérèglement climatique continuera d'avoir de lourdes répercussions sur la vie des gens pendant plusieurs générations. Aussi bien l'intensification de l'adaptation au changement climatique que l'accroissement des financements destinés à soutenir cette action sont donc indispensables pour limiter les répercussions humanitaires du changement climatique.
Les pays qui vivent un conflit armé et d'autres violences – dont une large majorité figure sur la liste des pays les moins avancés (PMA) – – sont parmi les pays les plus vulnérables face à la crise climatique. Leur capacité à s'adapter à un climat en mutation est très fortement limitée par les effets perturbateurs des guerres sur la société. En principe, leur vulnérabilité très prononcée et les fortes limitations de leurs capacités devraient garantir que la priorité leur soit accordée dans l'action pour le climat. Dans les faits, les pays vivant un conflit sont certains des plus négligés pour ce qui est de l'action pour le climat et des financements. Il est indispensable de mener une action pour le climat qui soit adaptée à ces lieux pour réduire les besoins humanitaires, protéger les acquis du développement et éviter un effondrement systémique et une situation de fragilité durable.
En prévision de la vingt-septième Conférence des Parties (COP27) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) exhorte les parties à la Convention-cadre et les organes directeurs de la Conférence des Parties à s'engager à prendre trois mesures pour faire en sorte que les personnes vivant dans des situations de conflit ne soient pas laissées de côté :
1. Considérer que les pays traversant un conflit sont hautement vulnérables face aux risques climatiques, car leur capacité d'adaptation est limitée.
La communauté internationale s'est engagée à fournir un soutien aux pays qui sont très vulnérables face aux risques climatiques. La plupart des États qui connaissent un conflit armé et des violences le sont. De fait, la grande majorité des États considérés comme les plus vulnérables et les moins prêts à s'adapter au changement climatique sont prisonniers de conflits. Ce n'est pas parce que le changement climatique serait la cause directe de conflits. Cette réalité est plutôt due au fait que le changement climatique amplifie les besoins humanitaires déclenchés par un conflit, tandis qu'un conflit accroît la fragilité des institutions, des services essentiels, des infrastructures et des organes de gouvernance, qui sont d'une importance déterminante pour aider la population à faire face à l'évolution du climat et à s'y adapter. Reconnaître cette vulnérabilité particulière de manière plus volontaire et explicite permettrait d'accorder une attention accrue à la recherche de solutions qui répondraient durablement aux besoins de ces pays et garantirait la mise en œuvre d'urgence d'une action pour le climat adaptée dans ces lieux.
NOUS EXHORTONS LES PARTIES À LA CCNUCC À :
- • Constater la vulnérabilité particulière des pays et des communautés vivant un conflit face aux risques climatiques et la mettre en relief, car c'est indispensable pour obtenir qu'une action efficace pour le climat soit menée dans ces situations
2. S'acquitter pleinement des engagements internationaux en faveur du renforcement de l'action pour le climat dans les pays qui sont particulièrement vulnérables au changement climatique, ce qui suppose de renforcer cette action dans les pays qui vivent des conflits et des violences.
L'aide apportée aux communautés pour les aider à s'adapter à l'évolution du climat est particulièrement faible dans les lieux touchés par un conflit en raison des difficultés que présente la programmation à long terme dans ces contextes. Dans la CCNUCC et dans l'Accord de Paris, les États développés sont convenus d'apporter une aide sous forme de financements ou de compétences spécialisées aux pays, y compris à un grand nombre de pays touchés par les conflits armés et les violences qui sont aussi vulnérables face aux effets des changements climatiques, et particulièrement les PMA, les petits États insulaires en développement et les pays africains 4. Parallèlement, les objectifs de développement durable découlent de l'engagement de ne laisser personne de côté 5. Pour remplir pleinement ces engagements, il faut appliquer des méthodes conçues pour toucher et aider les personnes vivant dans des environnements instables, afin qu'elles puissent réagir face à l'évolution du climat et s'y adapter.
NOUS EXHORTONS LES PARTIES À LA CCNUCC À :
- Transposer à une plus grande échelle les efforts menés afin d'intensifier l'action pour le climat dans les pays touchés par un conflit, notamment en renforçant les connaissances et les compétences pratiques de la population de ces lieux, afin de la préparer, de prendre des mesures et d'améliorer la résilience face aux pertes et aux dommages occasionnés par le changement climatique.
- Faire en sorte que l'action pour le climat touche non seulement les pays vivant un conflit mais aussi les communautés qui sont les plus vulnérables, même lorsqu'elles se trouvent dans des zones instables et difficiles d'accès. Les activités d'adaptation au changement climatique et de réduction des risques de catastrophe qui sont menées à l'échelon local et s'articulent avec les actions centralisées sont indispensables à cette fin.
- Remédier aux divisions structurales et à la compartimentation dans les organisations, car elles empêchent de mener une action pour le climat reposant sur des informations fiables et tenant compte des situations de conflit.
3. Faire en sorte que l'action pour le climat menée reçoive des financements suffisants, adaptés aux objectifs visés et accessibles.
Le financement de l'action pour le climat présente deux déséquilibres critiques qui limitent gravement la possibilité de mener une action pour le climat efficace dans les pays fragiles et touchés par un conflit. Premièrement, un profond fossé sépare les financements fournis aux pays stables à revenu moyen de ceux qui sont fournis aux PMA, catégorie dans laquelle les pays souffrant de conflits ou de violences sont surreprésentés. Malgré l'engagement pris dans l'Accord de Paris d'augmenter le soutien aux PMA entre 2016 et 2020, ceux-ci n'ont reçu qu'environ 17 pour cent du montant total du financement du climat correspondant à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 70 pour cent de l'ensemble du financement climatique étant affectés à des pays à revenu moyen (et seulement 22 pour cent aux 57 États définis comme fragiles par l'OCDE).
Le financement n'est pas réparti à parts égales entre les pays qui constituent le groupe des PMA, au sein duquel les pays les plus fragiles reçoivent généralement le financement le plus bas. À l'intérieur des pays, le financement de l'action pour le climat ne parvient souvent pas aux zones touchées par les conflits, en particulier lorsque ces territoires ne sont pas sous le contrôle de l'État, ce qui signifie que des millions de personnes sont exclues. Ainsi, non seulement les zones d'un pays touchées par un conflit sont souvent exclues pour atténuer les risques, mais seule une infime partie du financement international de l'action pour le climat est affectée à l'action locale. En outre, bien que les États se soient engagés dans l'Accord de Paris à assurer un meilleur équilibre entre le financement de l'adaptation au changement climatique et le financement de l'action pour le climat et le financement de la réduction des risques liés au changement climatique, le financement de l'adaptation au changement climatique reste très en retrait. Pour remédier aux déficits de financement de la lutte contre le changement climatique, il faudra continuer sans relâche de réviser les critères qui régissent actuellement l'accès à ce financement, ainsi que les méthodes utilisées pour évaluer les risques, et il faudra élaborer des méthodes de travail spécialement adaptées aux lieux touchés par un conflit. Lors de l'examen des pertes et des dommages, il importera de ne pas créer par inadvertance des déficits de financement du même ordre.
NOUS EXHORTONS LES PARTIES À LA CCNUCC À :
- Examiner la manière dont les mécanismes de financement sont administrés pour faire en sorte que l'aversion pour le risque n'empêche pas des millions de personnes de recevoir une aide dont elles ont cruellement besoin et envisager de mettre en place des fenêtres de financement spécialisées qui permettront d'adopter une programmation différenciée afin d'atteindre les communautés les plus vulnérables et isolées.
- Adresser aux mécanismes de financement des orientations sur les politiques et les règlements leur permettant de fonctionner avec une certaine souplesse, afin qu'il devienne possible de mener des activités dans des situations de fragilité et des contextes de conflit.
- Créer des possibilités de fournir des financements de différentes ampleurs à l'adaptation au changement climatique afin d'encourager aussi bien les projets de grande envergure que ceux de petite envergure qui visent à répondre à des besoins propres à un contexte. Dans les situations de conflit, donner à différents partenaires les moyens d'assurer des prestations en simplifiant les processus de réception de fonds et en aidant les intervenants qui ont accès aux situations de conflit et que leurs mandat et compétences spécialisées autorisent à travailler dans de telles situations à tirer parti des possibilités d'accès au financement qui existent.