Droit international humanitaire et entreprises militaires et de sécurité privées - FAQ
Les entreprises militaires et de sécurité privées qui opèrent dans des situations de conflit armé sont elles aussi tenues de respecter le droit international humanitaire.
Que sont les entreprises militaires ou de sécurité privées ?
Quelle que soit la façon dont elles se décrivent, les entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP) sont des entités commerciales privées qui fournissent des services militaires et/ou de sécurité. Ces services comprennent en particulier la garde armée et la protection de personnes et d'objets tels que les convois, les bâtiments et autres lieux, la maintenance et l'exploitation de systèmes d'armement, la détention de prisonniers, et le conseil ou la formation des forces locales et du personnel de sécurité local. Depuis la fin de la guerre froide, le recours à ces entreprises s’est tellement répandu qu’il existe actuellement une industrie florissante des EMSP : elles offrent un éventail de services de plus en plus varié, et certaines emploient plus de 10 000 collaborateurs.
Quel est le statut des membres du personnel des EMSP au regard du droit international humanitaire ?
Le statut des membres du personnel des EMSP est déterminé par le droit international humanitaire, au cas par cas, en particulier selon la nature et les circonstances des fonctions dans lesquelles ils sont impliqués.
À moins qu’ils ne soient incorporés dans les forces armées d’un État ou qu’ils exercent des fonctions de combat pour un groupe armé organisé appartenant à une partie au conflit, les membres du personnel des EMSP sont des civils. En conséquence :
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ils ne peuvent pas être pris pour cible ;
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ils ne peuvent pas faire l’objet d’attaques, sauf s’ils participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation.
Si toutefois des membres du personnel des EMSP mènent des activités qui reviennent à participer directement aux hostilités :
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ils perdent cette protection contre les attaques pendant la durée de cette participation ;
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s’ils sont capturés, ils peuvent être traduits en justice pour leur simple participation aux hostilités, indépendamment du fait qu’ils aient commis ou non des violations du droit international humanitaire.
Garder une base militaire pour la protéger des attaques ennemies, recueillir des renseignements militaires tactiques et actionner des systèmes d’armement dans des opérations de combat sont des activités auxquelles le personnel des EMSP peut être associé et qui constituent une participation directe aux hostilités.
Sur la notion de participation directe aux hostilités en droit international humanitaire, voir le Guide interprétatif sur la notion de participation directe aux hostilités en droit international humanitaire (en anglais), publié par le CICR.
S’ils opèrent dans des situations de conflit armé, les membres du personnel des EMSP ont l’obligation de respecter le droit international humanitaire ; ils peuvent être tenus pour pénalement responsables de toute violation qu’ils commettraient, et ce, qu’ils soient au service d’un État, d’une organisation internationale ou d’une entreprise privée.
Les membres du personnel des EMSP ne sont-ils pas tout simplement des mercenaires des temps modernes ?
La définition de mercenaire que propose l’article 47 du Protocole additionnel I est très restrictive. Pour qu’un employé d’une EMSP soit considéré comme mercenaire, certains critères strictes et cumulatifs doivent être réunis. Tout d’abord, aucun ressortissant d’une partie au conflit ne peut être mercenaire. En outre, pour correspondre à la définition de mercenaire, une personne doit être spécialement recrutée pour participer de manière directe et effective aux hostilités ; elle doit en outre être motivée par le profit personnel. Or, la plupart des employés des EMSP ne tombent pas sous cette définition.
Tout État ayant ratifié la Convention des Nations Unies et/ou celle de l’Union africaine sur le mercenariat a l’obligation de poursuivre les mercenaires et de les punir. Du point de vue du droit humanitaire, le fait pour un individu d’être mercenaire a, comme unique conséquence juridique, qu’il ne peut se prévaloir du statut de combattant ou de prisonnier de guerre lorsqu’il prend part à un conflit armé international. Ce qui ne le prive pas pour autant du droit de bénéficier, le cas échéant, de conditions de détention convenables, ainsi que d’un jugement équitable.
Des mesures sont-elles prises au niveau international pour réglementer les EMSP ?
Un certain nombre de mesures ont été prises au niveau international en vue de clarifier, de réaffirmer ou de développer les normes juridiques internationales qui réglementent les activités des EMSP, en particulier pour veiller à ce que ces entreprises respectent les règles de conduite édictées par le droit international humanitaire et le droit des droits de l’homme.
En réponse à l’initiative conjointe du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse et du CICR, 17 États ont adopté, en 2008, le Document de Montreux sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées opérant pendant les conflits armés (en anglais). Ce document réaffirme les obligations juridiques existantes qui incombent aux États s’agissant des EMSP, et recommande toute une série de bonnes pratiques concernant la mise en œuvre de ces obligations. Il recueille aujourd’hui l’adhésion de 46 États ainsi que de deux organisations internationales. Du 11 au 13 décembre 2013, États et organisations internationales sont réunis pour une conférence de suivi baptisée Montreux +5, où ils ont l’occasion d’échanger leurs expériences en matière de réglementation des EMSP. La conférence vise également à mobiliser un plus large soutien tant pour la mise en œuvre que pour l’adoption du Document de Montreux.
Quelles mesures les EMSP peuvent-elles prendre pour garantir que leurs employés respectent le droit international humanitaire ?
Différentes mesures, qui doivent être prises tant avant que pendant le déploiement du personnel des EMSP, sont indispensables pour garantir que ce dernier respecte le droit international humanitaire. Ces mesures comprennent notamment :
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l'application de procédures d’enquête sur les candidats lors du recrutement ;
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une formation adéquate des membres du personnel au droit international humanitaire ;
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l'adoption de procédures opérationnelles standard et de règles d'engagement conformes au droit international humanitaire ;
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l'adoption de dispositions disciplinaires internes.
Quelle est la responsabilité des États s'agissant des EMSP auxquelles ils font appel ?
Lorsqu’ils font appel aux services d’EMSP, les États ne sauraient se soustraire aux responsabilités qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire. Ils restent tenus de veiller à ce que les normes applicables en la matière soient observées et le droit respecté.
Dans le cas où une personne employée par une EMSP commet des violations du droit international humanitaire, l’État qui a recours aux services de cette entreprise peut être tenu responsable desdites violations si elles peuvent lui être imputées au titre du droit international, en particulier lorsque l’EMSP agit sur les instructions ou sous le contrôle des autorités de l’État.
Les États doivent faire en sorte que les membres du personnel de ces entreprises respectent le droit international humanitaire. Parmi les mesures les plus importantes qui peuvent être prises à cette fin figurent:
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exiger que le personnel de ces entreprises soit convenablement formé au droit international humanitaire ;
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exiger que les règles d'engagement et les procédures opérationnelles standard des EMSP soient conformes au droit international humanitaire.
Les États doivent en outre faire en sorte qu'il existe des mécanismes permettant d’obliger les employés soupçonnés d'avoir violé le droit international humanitaire de répondre de leurs actes.
Quelle est la responsabilité des États dans lesquels des EMSP sont enregistrées ou sur le territoire desquels elles mènent leurs activités ?
Tous les États ont l'obligation de respecter le droit international humanitaire et de le faire respecter, y compris par les employés des EMSP. Les États dans lesquels de telles entreprises sont enregistrées ou sur le territoire desquels elles mènent leurs activités sont particulièrement bien placés pour influer sur le comportement de ces entreprises par l’application de leur législation nationale.
L'instauration d'un système de licence et d'un cadre réglementaire constitue l'un des moyens par lesquels les États concernés peuvent exercer un contrôle et une surveillance sur ces entreprises. Au nombre des éléments essentiels d'un tel cadre réglementaire national pourrait figurer la nécessité de déterminer les services qui peuvent ou ne peuvent pas être sous-traités à des EMSP ou aux employés de ces entreprises. La question de savoir si un service particulier risque d’impliquer la participation directe des membres du personnel des EMSP aux hostilités devrait elle aussi être prise en considération.
Les États pourraient en outre subordonner l’octroi d’autorisations ou de licences aux EMSP au respect d’un certain nombre de critères, les obligeant notamment à :
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former leur personnel au droit international humanitaire ;
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adopter des procédures opérationnelles standard et des règles d'engagement conformes au droit international humanitaire, ainsi que des mesures disciplinaires adéquates.
Les États concernés pourraient aussi soumettre tout nouveau contrat à une autorisation dont l’obtention dépendrait de la nature des activités envisagées et de la situation dans le pays où une EMSP souhaite opérer. Ils pourraient également lui imposer des sanctions si elle mène des activités sans avoir obtenu l’autorisation nécessaire pour le faire ou en cas de non-respect des termes de cette dernière (par exemple, retrait ou suspension de la licence d’exploitation, confiscation de la garantie, sanctions pénales, etc.).
Un tel système de règlementation devrait être complété par un système permettant de traduire en justice les personnes accusées d'avoir commis des violations du droit international humanitaire.