Être sage-femme en Somalie

  • Fartun Nur Abdulle, 25 ans, Dusamareb, région de Galgaduud. Sage-femme depuis : 3 ans.
    Fartun Nur Abdulle, 25 ans, Dusamareb, région de Galgaduud. Sage-femme depuis : 3 ans.
    Fartun tient un mannequin de nourrisson pendant une formation en obstétrique organisée à Nairobi pour les sages-femmes du Croissant-Rouge de Somalie. « L’idée de devenir sage-femme m’est venue suite à l’un des accouchements de ma mère. Elle est entrée en travail alors qu’elle était à la maison, sans personne pour l’aider. Les douleurs lui ont fait perdre connaissance. Quand des gens sont finalement venus, ils n’ont pu que l’asperger d’eau. Je me suis sentie à la fois désolée pour elle et impuissante. C’est ce jour-là que j’ai décidé de devenir sage-femme, pour éviter qu’une telle situation se reproduise. »
    CC BY-NC-ND / ICRC / Abdikarim Mohamed
  • Barlin Cabdi Mohamed, 43 ans, Bardhere, région de Gedo. Sage-femme depuis : 20 ans.
    Barlin Cabdi Mohamed, 43 ans, Bardhere, région de Gedo. Sage-femme depuis : 20 ans.
    Barlin retire les sécrétions du « bébé » avant sa réanimation. « Je me souviens d’une femme enceinte de jumeaux qui était en travail depuis deux jours. Il n’y avait pas d’hôpital dans la région. Je l’ai aidée à mettre au monde le premier bébé, mais il y a eu des complications pour le second. Nous avons été obligés de la transporter en voiture jusqu’à Beled Hawa [la grande ville la plus proche]. Elle a accouché du deuxième jumeau alors que nous étions en route. Je suis tout le temps restée auprès d’elle dans la voiture. C’est l’un des meilleurs souvenirs que je garde de mon travail. »
    CC BY-NC-ND / ICRC / Abdikarim Mohamed
  • Nimco Hussein Osman, 22 ans, Dusamareb, région de Galgaduud. Sage-femme depuis : 3 ans.
    Nimco Hussein Osman, 22 ans, Dusamareb, région de Galgaduud. Sage-femme depuis : 3 ans.
    Nimco observe une démonstration d’accouchement par le siège (quand la partie inférieure du corps du bébé se présente en premier et non sa tête). Pour des raisons de sécurité, la plupart des accouchement de ce type se font par césarienne plutôt que par voie basse. « Le dispensaire du Croissant-Rouge est équipé pour gérer les accouchements normaux [à faible risque]. Un jour, une femme est arrivée : elle venait de donner naissance chez elle avec l’aide d’une accoucheuse traditionnelle. Le bébé était né, mais le placenta était resté à l’intérieur. Heureusement, son col de l’utérus était encore ouvert alors j’ai pu la stabiliser et retirer le placenta. Elle a perdu beaucoup de sang. »
    CC BY-NC-ND / ICRC / Abdikarim Mohamed
  • Ayni Osman Hiding, 44 ans, Baidoa, région de Bay. Sage-femme depuis : 9 ans.
    Ayni Osman Hiding, 44 ans, Baidoa, région de Bay. Sage-femme depuis : 9 ans.
    Ayni vérifie le rythme cardiaque d’un fœtus. « C’était un cas de bébé mal positionné. Avant que la mère nous soit amenée, une accoucheuse traditionnelle avait essayé de le mettre au monde, mais sans succès. La mère souffrait énormément. Nous nous sommes rendu compte qu’un accouchement par voie basse serait impossible – il fallait attendre un médecin pour pratiquer une césarienne. Pendant tout ce temps, la mère hurlait de douleur et nous demandait pourquoi nous ne faisions rien pour l’aider. Nous avons finalement pu l’amener au bloc et le médecin l’a opérée. Nous croyions que l’enfant était mort-né. Je commençais à l’emmailloter quand j’ai cru sentir un battement de cœur, très faible. Le bébé semblait défiguré et avait le visage gonflé à cause des complications, donc son état était difficile à juger. J’ai immédiatement commencé la réanimation et ça a fonctionné. À la fin, mère et enfant étaient sains et saufs. Je n’oublierai jamais ce moment. »
    CC BY-NC-ND / ICRC / Abdikarim Mohamed
  • Fardosa Abdi Abdullahi (à droite), 24 ans, Mogadiscio, région de Banadir. Sage-femme depuis : 4 ans.
    Fardosa Abdi Abdullahi (à droite), 24 ans, Mogadiscio, région de Banadir. Sage-femme depuis : 4 ans.
    Fardosa manipule le « bébé » pendant une séance sur les accouchements avec complications. « Le taux de mortalité maternelle est élevé en Somalie. Ma mère avait eu du mal à trouver une sage-femme pendant sa grossesse. Une fois, une femme enceinte est arrivée au dispensaire où je travaille avec de graves saignements. Nous avons réussi à la sauver ainsi que son bébé. J’essaie de faire ma part pour que moins de femmes meurent en couches. »
    CC BY-NC-ND / ICRC / Abdikarim Mohamed
  • Nadhifa Abukar Mohamed, 32 ans, Mogadiscio, région de Banadir. Sage-femme depuis : 6 ans.
    Nadhifa Abukar Mohamed, 32 ans, Mogadiscio, région de Banadir. Sage-femme depuis : 6 ans.
    Nadhifa apprend les gestes à réaliser sur le placenta. « Une nuit, j’étais seule de garde quand une femme est arrivée, en grande souffrance car elle avait déjà passé beaucoup de temps à essayer d’accoucher avec une accoucheuse traditionnelle, sans succès. Son col de l’utérus était assez ouvert pour permettre le passage du bébé, il n’y avait plus le temps de l’examiner ou lui donner des médicaments. Elle a commencé à avoir des convulsions alors que j’enfilais mes gants. J’étais là, seule, avec la patiente qui tressaillait sur le lit et le bébé qui allait venir d’un instant à l’autre. J’ai appelé à l’aide mais on ne m’a pas entendue. Je ne savais pas quoi faire : maintenir la mère pour qu’elle ne tombe pas du lit ou m’occuper du bébé sur le point de naître ? J’ai attaché la femme au lit avec des sangles et j’ai couru jusqu’au placard le plus proche pour prendre des médicaments et lui donner avant de porter mon attention sur le bébé. Dieu soit loué, la mère a finalement mis au monde un enfant en pleine santé. »
    CC BY-NC-ND / ICRC / Abdikarim Mohamed
03 avril 2019

Comment ne pas se sentir submergé par l'impuissance quand on ne peut rien faire pour soulager les souffrances d'une femme en train d'accoucher ? Imaginez-vous devoir mettre un bébé au monde en plein trajet pour le dispensaire. Ou sentir soudainement un faible battement de cœur alors que vous tenez dans vos bras un nourrisson que vous pensiez mort-né. Ce ne sont là que deux exemples de situations réelles vécues par des sages-femmes en Somalie.

Il arrive certes que des accouchements tournent mal, mais une planification adéquate et des soins prénatals pendant la grossesse aident à prévenir les complications qui pourraient mettre en danger la vie des nouveaux-nés et des mères. Malheureusement, dans les zones de conflit, l'accès aux soins de santé de base est limité et très peu de femmes enceintes peuvent prétendre à des soins spécialisés.

En Somalie, trop d'accouchements se déroulent encore sans l'assistance experte des sages-femmes. Douze d'entre elles, employées par le Croissant-Rouge de Somalie, ont participé à une formation en obstétrique organisée à Nairobi (Kenya). Nous leur avons demandé quelles étaient leurs sources d'inspiration et quels épisodes de leur vie professionnelle resteront à jamais gravés dans leur mémoire.