Conférence internationale : allocution d’ouverture du Président

08 décembre 2015

 

Discours de Peter Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge, 32e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Chers collègues et amis,

C'est un honneur pour moi de vous accueillir à cette XXXIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui constitue une plate-forme véritablement unique où notre Mouvement et les Hautes Parties contractantes aux Conventions de Genève se réunissent pour dessiner les contours de l'action humanitaire de demain.

Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, dans laquelle les conflits armés sont plus complexes que jamais et font intervenir des acteurs de plus en plus nombreux. Ils durent plus longtemps qu'auparavant, ont des effets régionaux beaucoup plus larges et voient les protagonistes employer des tactiques et des armes plus diverses. Surtout, ils causent aux populations touchées des souffrances d'une atrocité inouïe. Cette nouvelle ère est celle des conflits armés prolongés, qui font de notre monde un monde en guerre.

Ces conflits ont des effets systémiques et généralisés, allant de l'implosion des services publics essentiels comme la santé, l'approvisionnement en eau et en électricité et l'assainissement à la destruction de tout ce qui permet à une société de se développer, à savoir l'éducation pour les enfants, des emplois pour les adultes et la sécurité pour les personnes les plus vulnérables. Les souffrances humaines provoquées par les conflits contemporains revêtent de nombreuses formes : des morts, des blessés et des personnes rendues désespérées, privées de but et souffrant de traumatismes physiques et psychologiques que le temps seul ne guérira pas. La violence, qui est presque toujours exacerbée par la pauvreté, l'exclusion, la discrimination ou l'injustice, touche de bien trop nombreuses personnes et domine bien trop de sociétés. Il en résulte une fragilité chronique à l'échelle mondiale, aux niveaux des individus, des communautés, des systèmes et des régions entières.

La situation nous impose de faire deux choses : d'une part, intensifier nos activités au regard des besoins existants, d'autre part rendre notre intervention plus pertinente encore. Pour ce faire, nous devons renforcer la coopération et la coordination au sein du Mouvement, sur la base des circonstances propres de chaque contexte et en tenant compte du mandat, des compétences et du savoir-faire de chaque composante.

Hier, le Conseil des Délégués a adopté des textes qui, dans un avenir proche, vont influencer notablement le fonctionnement, la perception et la portée du Mouvement. La résolution sur le renforcement de la coordination et de la coopération au sein du Mouvement améliorera notre façon de travailler ensemble et nous permettra de mieux servir les personnes vulnérables ; l'initiative du Mouvement relative à la marque favorisera une meilleure visibilité et une meilleure compréhension de notre mission ; et le message au Sommet humanitaire mondial de l'an prochain orientera l'ordre du jour de nos pairs dans le secteur humanitaire plus large.

Cela étant, les priorités politiques dominent le monde, et nous avons une contribution précieuse à apporter, en particulier par rapport à deux questions humanitaires qui revêtent une importance cruciale de nos jours : la migration et le terrorisme.

La migration a atteint dans le monde une dimension sans précédent avec quelque 60 millions de personnes actuellement déplacées à cause de la violence et de la guerre, soit plus qu'à aucun moment au cours de la deuxième guerre mondiale. Nous devons nous rappeler que personne n'abandonne sa maison, sa famille et toute son existence sur un coup de tête. Or les raisons qui ont poussé les déplacés à fuir ne sont pas près de disparaître, car la crise est loin d'être terminée.

La stratégie relative à la migration, que notre Mouvement a adoptée en 2011, demeure aussi pertinente aujourd'hui qu'il y a quatre ans, et nous devons poursuivre sa mise en œuvre complète. Deux points sont essentiels : la vulnérabilité associée au statut, et le pragmatisme plutôt que le nombrilisme. Le premier critère sur lequel doivent être fondées l'assistance humanitaire et les activités de protection est la vulnérabilité des migrants, tandis que leur statut juridique détermine leurs droits. La vulnérabilité et les droits ne doivent pas être mis en opposition. Les États ne peuvent pas se concentrer uniquement sur ce qui se passe à l'intérieur de leur territoire. Les routes migratoires traversent les frontières. Notre intervention conjointe doit en faire de même.

Les États et les composantes du Mouvement doivent élaborer des partenariats innovants afin d'aider et d'autonomiser les personnes déplacées, des pays d'origine aux pays de destination. Maintenir les déplacés dans des camps n'est pas une solution. Nous devons donner aux migrants la capacité et la possibilité de mener une vie normale. J'appelle tous les États à rendre des ressources disponibles pour répondre aux besoins existants, qui sont phénoménaux.

En tant que Mouvement, nous allons continuer de fournir une assistance médicale et d'autres formes d'assistance matérielle aux migrants vulnérables, d'aider leurs familles dans la mesure du possible et de soutenir les personnes détenues, en particulier les mineurs. Le CICR continuera d'apporter son appui aux communautés dans les pays d'origine et les régions voisines, soit près des lignes de front des conflits qui sont la source première du déplacement, afin que moins de personnes soient forcées de fuir de leur foyer. Nous intensifierons aussi notre soutien aux partenaires du Mouvement le long des routes migratoires.

Depuis quelque temps, la violence indiscriminée des attaques terroristes qui secouent le monde – je pense notamment aux événements tragiques récents à Yola, Bamako, Paris et Beyrouth – a créé un sentiment généralisé d'insécurité et a conduit les États à prendre des mesures toujours plus fermes. Il est important de noter dans ce contexte que toutes les attaques délibérées contre des non-combattants et les attaques visant à semer la terreur sont interdites par le droit international humanitaire (DIH).

Le CICR et le Mouvement continueront de rappeler haut et fort aux parties qu'elles doivent protéger l'humanité et appliquer le DIH et les autres cadres pertinents, comme le droit des droits de l'homme, pour prévenir et gérer de tels actes inacceptables de violence. Nous devrons redoubler d'efforts pour faire en sorte que les normes soient connues, comprises et respectées. Nous devrons également démontrer que l'emploi de la force doit se faire dans les limites de la loi, et que le traitement des détenus conformément aux normes internationales joue un rôle indubitable en vue de réduire les actes terroristes et les autres formes de violence extrême.

De par notre engagement dans le monde auprès des porteurs d'armes et l'expérience que nous avons acquise en visitant chaque année des centaines de milliers de détenus, nous sommes bien placés pour aider les gouvernements à se conformer au mieux aux normes de la guerre. J'appelle les États à respecter les règles d'humanité lorsqu'ils prennent des décisions difficiles liées à leurs actions militaires et sécuritaires.

Mesdames et Messieurs, chers collègues,

Le but de cette conférence n'est pas de nous mettre à l'honneur et je ne vais donc pas m'attarder sur les efforts extraordinaires déployés chaque jour dans le monde par les 15 000 collaborateurs du CICR et les quelque 17 millions de volontaires et employés des Sociétés nationales et de la Fédération internationale, qui visent à aider et à protéger les personnes touchées par les conflits, la violence et les catastrophes. Permettez-moi néanmoins de prendre un instant pour évoquer nos amis et nos collègues qui ont perdu la vie alors qu'ils s'employaient à sauver celle d'autres êtres humains.

Comme vous ne le savez que trop bien après quatre années de préparation, cette conférence doit avant tout nous permettre de nous réunir, de témoigner de notre engagement à améliorer le respect du DIH et de renforcer notre détermination à protéger la mission médicale, à prévenir la violence sexuelle, à défendre un traitement humain en détention et à promouvoir une plus grande responsabilité dans l'emploi et le transfert d'armes.

Quotidiennement, nous constatons que de nombreux États et acteurs non étatiques ne respectent pas le DIH et échouent à faire respecter cette branche du droit, en dépit des obligations qui leur incombent en vertu des Conventions de Genève. Ces règles sont trop souvent ignorées ou violées alors qu'elles sont la seule chose qui puisse protéger les personnes en cas de guerre. Nous devons nous montrer honnêtes avec nous-mêmes : nous échouons collectivement à protéger les plus vulnérables des effets des conflits armés et de la violence.

Les attaques fréquentes dont sont victimes dans le monde les structures et les personnels de santé alors qu'ils bénéficient d'une protection spécifique au titre du DIH illustrent parfaitement cet échec. Nous avons besoin d'un engagement renouvelé à respecter la lettre et l'esprit du droit, dont le principe de précautions maximales dans l'attaque et la tolérance zéro envers les erreurs.

Un autre exemple de cet échec est la large disponibilité et l'emploi abusif des armes, qui ne pourront être contrecarrés que si les transferts d'armes responsables et l'utilisation adéquate des armes deviennent la règle. Au Yémen, en Syrie et en Somalie, pour ne nommer que quelques pays, j'ai vu de mes yeux les effets qu'ont les armes explosives lorsqu'elles sont employées dans des zones densément peuplées. Je réitère donc ici les appels du CICR et du Mouvement, qui ont demandé instamment à toutes les parties d'éviter d'utiliser des armes explosives dans des zones peuplées. Nous exhortons aussi tous les États à adhérer au Traité sur le commerce des armes et à le mettre en œuvre fidèlement.

Le respect du droit international humanitaire est le seul véritable moyen d'assurer une meilleure protection en période de conflit armé. Cependant, le DIH est avant tout une réalisation des États, qui se sont réunis et ont décidé de marqué l'histoire en créant ces règles et qui, souvent, s'attachent avec grand soin à assurer leur respect. Cette Conférence vous offre aujourd'hui une occasion unique de réaliser une nouvelle percée historique en établissant un mécanisme qui pourrait contribuer notablement à atteindre cet objectif fondamental.

Le processus de consultation relatif à la résolution a été long et approfondi. Il reflète désormais la plus large convergence possible à partir des points de vue variés qui ont été exprimés pendant quatre ans. Le projet de résolution que vous avez devant vous reconnaît qu'une plate-forme intergouvernementale régulière et spécifique permettant les échanges sur les principales questions de DIH, notamment l'établissement volontaire de rapports et les débats thématiques, constitue le meilleur moyen d'améliorer le respect du DIH.

Disons-le clairement : diluer encore le texte érodera la base qui soutient actuellement la résolution, tandis que renforcer encore le mécanisme ne servira qu'à aliéner ceux qui ne sont pas encore convaincus.

Nous ne sommes pas ici pour prendre une décision basée sur des craintes ou des espoirs ni pour décider de l'avenir de façon irrémédiable. La question n'est pas de savoir si nous sommes face à un mécanisme parfait : le texte qui est devant nous est le meilleur compromis que nous trouverons.

Je vous prie donc tous instamment de faire tous les efforts pour que nous puissions nous mettre d'accord sur ce mécanisme.

Nous sommes ici pour prendre une mesure certes pragmatique, mais nécessaire pour soutenir nos efforts continus en vue d'améliorer le respect du DIH. Le moment est venu de travailler ensemble.

Mesdames et Messieurs, chers collègues,

Le dilemme permanent de l'action humanitaire est – et continuera d'être – la dépendance à l'égard des solutions politiques.

Aujourd'hui, j'appelle à nouveau les États à s'employer à trouver des solutions politiques aux conflits armés contemporains, car la seule façon de mettre un terme aux souffrances des populations touchées par la guerre est de mettre un terme aux conflits armés eux-mêmes.

Après tout, nous avons vu que des efforts diplomatiques menés avec détermination peuvent ouvrir la voie à des accords pacifiques. Je ne doute pas de la capacité de la communauté internationale à investir les efforts et les ressources nécessaires pour trouver plus d'issues heureuses et montrer que les règlements pacifiques sont préférables aux embargos, aux sanctions et à la violence.

Parallèlement, notre ambition en tant qu'humanitaires est de répondre efficacement – d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif – aux besoins des populations, par le biais d'une action humanitaire fondée sur des principes. Malgré une générosité exceptionnelle, en particulier de la part de nos donateurs de longue date, nous rencontrons des difficultés à financer notre budget qui ne cesse de croître, lui qui conjugue des secours d'urgence dans les crises immédiates à des efforts de stabilisation à long terme dans les conflits prolongés. Les composantes du Mouvement doivent continuer de travailler de concert pour démontrer la valeur ajoutée de l'action humanitaire fondée sur des principes.

Les Principes fondamentaux adoptés à Vienne il y a 50 ans – humanité, neutralité, impartialité, indépendance, unité, universalité et volontariat – sont aussi pertinents aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a un demi-siècle.

Le meilleur moyen de faire en sorte que notre réponse soit véritablement utile est d'associer à chaque étape les personnes que nous voulons servir. Notre campagne intitulée Des paroles aux actes vise à promouvoir une nouvelle forme de communication interactive avec les bénéficiaires et les communautés, en permettant une véritable participation des personnes sur le terrain.

En aucun cas nous ne souhaitons nous isoler du reste du secteur humanitaire. Le Sommet humanitaire mondial qui se tiendra l'an prochain à Istanbul sera pour nous l'occasion de souligner à quel point la complémentarité, plutôt que l'uniformité, est le moteur de l'innovation et produit de bons résultats.

Une coopération plus étroite entre les acteurs locaux et internationaux, au sein de notre Mouvement et au-delà, pourrait enrichir nos opérations de nouvelles expériences, réflexions et connaissances. Nous entendons souvent dire que l'aide doit être locale. Pourtant, au sein du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, nous savons pertinemment que la complémentarité aux échelons local et international est ce qui nous permet de mener nos activités et de faire en sorte que nous répondions aux besoins du mieux que nous puissions, dans les situations d'urgence immédiate et les conflits prolongés comme dans les situations de catastrophe naturelle ou provoquée par l'homme, les situations de fragilité chronique et les conflits aigus.

Au-delà de notre Mouvement, une coopération dynamique avec la communauté humanitaire dans son ensemble, les États et le secteur privé permettra d'élargir et d'enrichir la réponse humanitaire et de la rendre plus efficiente et plus utile encore pour les personnes vulnérables. Nous devons tous joindre nos efforts pour nouer un dialogue avec nos interlocuteurs, encourager le respect et, au bout du compte, influencer et changer les comportements, car l'échec actuel en matière de protection est une réalité et suscite une grave préoccupation.

Mesdames et Messieurs, chers collègues,

La concurrence entre les puissances mondiales, l'action unilatérale et la paralysie prolongée sont aujourd'hui devenues la norme dans le système international, ce qui met à rude épreuve les millions de personnes qui souffrent des conséquences.

Permettez-moi donc de conclure en vous appelant instamment à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour donner à l'humanité les moyens d'agir, en signant des engagements, en soutenant les résolutions et en vous appropriant cette Conférence internationale au travers de vos propres engagements.

Ces deux prochains jours, ce qui sera le plus constructif sera la capacité de trouver des compromis : la substance doit primer sur la méfiance, les progrès sur les intérêts politiciens. Prenons des décisions sur la base de ce que nous avons devant les yeux, non sur les craintes de certains quant à ce que cela pourrait cacher.

Alors que les chefs d'État et de gouvernement sont réunis à Paris pour aborder une autre crise qui menace l'humanité, à savoir le changement climatique, nous avons nous aussi une occasion unique d'unir nos forces avec les États, les Sociétés nationales et d'autres acteurs et de nous rassembler derrière notre humanité commune, derrière le respect du droit international humanitaire et derrière les millions de personnes qui souffrent des conflits armés, des catastrophes et de la violence.

Je vous remercie.Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Chers collègues et amis,

C'est un honneur pour moi de vous accueillir à cette XXXIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui constitue une plate-forme véritablement unique où notre Mouvement et les Hautes Parties contractantes aux Conventions de Genève se réunissent pour dessiner les contours de l'action humanitaire de demain.

Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, dans laquelle les conflits armés sont plus complexes que jamais et font intervenir des acteurs de plus en plus nombreux. Ils durent plus longtemps qu'auparavant, ont des effets régionaux beaucoup plus larges et voient les protagonistes employer des tactiques et des armes plus diverses. Surtout, ils causent aux populations touchées des souffrances d'une atrocité inouïe. Cette nouvelle ère est celle des conflits armés prolongés, qui font de notre monde un monde en guerre.

Ces conflits ont des effets systémiques et généralisés, allant de l'implosion des services publics essentiels comme la santé, l'approvisionnement en eau et en électricité et l'assainissement à la destruction de tout ce qui permet à une société de se développer, à savoir l'éducation pour les enfants, des emplois pour les adultes et la sécurité pour les personnes les plus vulnérables. Les souffrances humaines provoquées par les conflits contemporains revêtent de nombreuses formes : des morts, des blessés et des personnes rendues désespérées, privées de but et souffrant de traumatismes physiques et psychologiques que le temps seul ne guérira pas. La violence, qui est presque toujours exacerbée par la pauvreté, l'exclusion, la discrimination ou l'injustice, touche de bien trop nombreuses personnes et domine bien trop de sociétés. Il en résulte une fragilité chronique à l'échelle mondiale, aux niveaux des individus, des communautés, des systèmes et des régions entières.

La situation nous impose de faire deux choses : d'une part, intensifier nos activités au regard des besoins existants, d'autre part rendre notre intervention plus pertinente encore. Pour ce faire, nous devons renforcer la coopération et la coordination au sein du Mouvement, sur la base des circonstances propres de chaque contexte et en tenant compte du mandat, des compétences et du savoir-faire de chaque composante.

Hier, le Conseil des Délégués a adopté des textes qui, dans un avenir proche, vont influencer notablement le fonctionnement, la perception et la portée du Mouvement. La résolution sur le renforcement de la coordination et de la coopération au sein du Mouvement améliorera notre façon de travailler ensemble et nous permettra de mieux servir les personnes vulnérables ; l'initiative du Mouvement relative à la marque favorisera une meilleure visibilité et une meilleure compréhension de notre mission ; et le message au Sommet humanitaire mondial de l'an prochain orientera l'ordre du jour de nos pairs dans le secteur humanitaire plus large.

Cela étant, les priorités politiques dominent le monde, et nous avons une contribution précieuse à apporter, en particulier par rapport à deux questions humanitaires qui revêtent une importance cruciale de nos jours : la migration et le terrorisme.

La migration a atteint dans le monde une dimension sans précédent avec quelque 60 millions de personnes actuellement déplacées à cause de la violence et de la guerre, soit plus qu'à aucun moment au cours de la deuxième guerre mondiale. Nous devons nous rappeler que personne n'abandonne sa maison, sa famille et toute son existence sur un coup de tête. Or les raisons qui ont poussé les déplacés à fuir ne sont pas près de disparaître, car la crise est loin d'être terminée.

La stratégie relative à la migration, que notre Mouvement a adoptée en 2011, demeure aussi pertinente aujourd'hui qu'il y a quatre ans, et nous devons poursuivre sa mise en œuvre complète. Deux points sont essentiels : la vulnérabilité associée au statut, et le pragmatisme plutôt que le nombrilisme. Le premier critère sur lequel doivent être fondées l'assistance humanitaire et les activités de protection est la vulnérabilité des migrants, tandis que leur statut juridique détermine leurs droits. La vulnérabilité et les droits ne doivent pas être mis en opposition. Les États ne peuvent pas se concentrer uniquement sur ce qui se passe à l'intérieur de leur territoire. Les routes migratoires traversent les frontières. Notre intervention conjointe doit en faire de même.

Les États et les composantes du Mouvement doivent élaborer des partenariats innovants afin d'aider et d'autonomiser les personnes déplacées, des pays d'origine aux pays de destination. Maintenir les déplacés dans des camps n'est pas une solution. Nous devons donner aux migrants la capacité et la possibilité de mener une vie normale. J'appelle tous les États à rendre des ressources disponibles pour répondre aux besoins existants, qui sont phénoménaux.

En tant que Mouvement, nous allons continuer de fournir une assistance médicale et d'autres formes d'assistance matérielle aux migrants vulnérables, d'aider leurs familles dans la mesure du possible et de soutenir les personnes détenues, en particulier les mineurs. Le CICR continuera d'apporter son appui aux communautés dans les pays d'origine et les régions voisines, soit près des lignes de front des conflits qui sont la source première du déplacement, afin que moins de personnes soient forcées de fuir de leur foyer. Nous intensifierons aussi notre soutien aux partenaires du Mouvement le long des routes migratoires.

Depuis quelque temps, la violence indiscriminée des attaques terroristes qui secouent le monde – je pense notamment aux événements tragiques récents à Yola, Bamako, Paris et Beyrouth – a créé un sentiment généralisé d'insécurité et a conduit les États à prendre des mesures toujours plus fermes. Il est important de noter dans ce contexte que toutes les attaques délibérées contre des non-combattants et les attaques visant à semer la terreur sont interdites par le droit international humanitaire (DIH).

Le CICR et le Mouvement continueront de rappeler haut et fort aux parties qu'elles doivent protéger l'humanité et appliquer le DIH et les autres cadres pertinents, comme le droit des droits de l'homme, pour prévenir et gérer de tels actes inacceptables de violence. Nous devrons redoubler d'efforts pour faire en sorte que les normes soient connues, comprises et respectées. Nous devrons également démontrer que l'emploi de la force doit se faire dans les limites de la loi, et que le traitement des détenus conformément aux normes internationales joue un rôle indubitable en vue de réduire les actes terroristes et les autres formes de violence extrême.

De par notre engagement dans le monde auprès des porteurs d'armes et l'expérience que nous avons acquise en visitant chaque année des centaines de milliers de détenus, nous sommes bien placés pour aider les gouvernements à se conformer au mieux aux normes de la guerre. J'appelle les États à respecter les règles d'humanité lorsqu'ils prennent des décisions difficiles liées à leurs actions militaires et sécuritaires.

Mesdames et Messieurs, chers collègues,

Le but de cette conférence n'est pas de nous mettre à l'honneur et je ne vais donc pas m'attarder sur les efforts extraordinaires déployés chaque jour dans le monde par les 15 000 collaborateurs du CICR et les quelque 17 millions de volontaires et employés des Sociétés nationales et de la Fédération internationale, qui visent à aider et à protéger les personnes touchées par les conflits, la violence et les catastrophes. Permettez-moi néanmoins de prendre un instant pour évoquer nos amis et nos collègues qui ont perdu la vie alors qu'ils s'employaient à sauver celle d'autres êtres humains.

Comme vous ne le savez que trop bien après quatre années de préparation, cette conférence doit avant tout nous permettre de nous réunir, de témoigner de notre engagement à améliorer le respect du DIH et de renforcer notre détermination à protéger la mission médicale, à prévenir la violence sexuelle, à défendre un traitement humain en détention et à promouvoir une plus grande responsabilité dans l'emploi et le transfert d'armes.

Quotidiennement, nous constatons que de nombreux États et acteurs non étatiques ne respectent pas le DIH et échouent à faire respecter cette branche du droit, en dépit des obligations qui leur incombent en vertu des Conventions de Genève. Ces règles sont trop souvent ignorées ou violées alors qu'elles sont la seule chose qui puisse protéger les personnes en cas de guerre. Nous devons nous montrer honnêtes avec nous-mêmes : nous échouons collectivement à protéger les plus vulnérables des effets des conflits armés et de la violence.

Les attaques fréquentes dont sont victimes dans le monde les structures et les personnels de santé alors qu'ils bénéficient d'une protection spécifique au titre du DIH illustrent parfaitement cet échec. Nous avons besoin d'un engagement renouvelé à respecter la lettre et l'esprit du droit, dont le principe de précautions maximales dans l'attaque et la tolérance zéro envers les erreurs.

Un autre exemple de cet échec est la large disponibilité et l'emploi abusif des armes, qui ne pourront être contrecarrés que si les transferts d'armes responsables et l'utilisation adéquate des armes deviennent la règle. Au Yémen, en Syrie et en Somalie, pour ne nommer que quelques pays, j'ai vu de mes yeux les effets qu'ont les armes explosives lorsqu'elles sont employées dans des zones densément peuplées. Je réitère donc ici les appels du CICR et du Mouvement, qui ont demandé instamment à toutes les parties d'éviter d'utiliser des armes explosives dans des zones peuplées. Nous exhortons aussi tous les États à adhérer au Traité sur le commerce des armes et à le mettre en œuvre fidèlement.

Le respect du droit international humanitaire est le seul véritable moyen d'assurer une meilleure protection en période de conflit armé. Cependant, le DIH est avant tout une réalisation des États, qui se sont réunis et ont décidé de marqué l'histoire en créant ces règles et qui, souvent, s'attachent avec grand soin à assurer leur respect. Cette Conférence vous offre aujourd'hui une occasion unique de réaliser une nouvelle percée historique en établissant un mécanisme qui pourrait contribuer notablement à atteindre cet objectif fondamental.

Le processus de consultation relatif à la résolution a été long et approfondi. Il reflète désormais la plus large convergence possible à partir des points de vue variés qui ont été exprimés pendant quatre ans. Le projet de résolution que vous avez devant vous reconnaît qu'une plate-forme intergouvernementale régulière et spécifique permettant les échanges sur les principales questions de DIH, notamment l'établissement volontaire de rapports et les débats thématiques, constitue le meilleur moyen d'améliorer le respect du DIH.

Disons-le clairement : diluer encore le texte érodera la base qui soutient actuellement la résolution, tandis que renforcer encore le mécanisme ne servira qu'à aliéner ceux qui ne sont pas encore convaincus.

Nous ne sommes pas ici pour prendre une décision basée sur des craintes ou des espoirs ni pour décider de l'avenir de façon irrémédiable. La question n'est pas de savoir si nous sommes face à un mécanisme parfait : le texte qui est devant nous est le meilleur compromis que nous trouverons.

Je vous prie donc tous instamment de faire tous les efforts pour que nous puissions nous mettre d'accord sur ce mécanisme.

Nous sommes ici pour prendre une mesure certes pragmatique, mais nécessaire pour soutenir nos efforts continus en vue d'améliorer le respect du DIH. Le moment est venu de travailler ensemble.

Mesdames et Messieurs, chers collègues,

Le dilemme permanent de l'action humanitaire est – et continuera d'être – la dépendance à l'égard des solutions politiques.

Aujourd'hui, j'appelle à nouveau les États à s'employer à trouver des solutions politiques aux conflits armés contemporains, car la seule façon de mettre un terme aux souffrances des populations touchées par la guerre est de mettre un terme aux conflits armés eux-mêmes.

Après tout, nous avons vu que des efforts diplomatiques menés avec détermination peuvent ouvrir la voie à des accords pacifiques. Je ne doute pas de la capacité de la communauté internationale à investir les efforts et les ressources nécessaires pour trouver plus d'issues heureuses et montrer que les règlements pacifiques sont préférables aux embargos, aux sanctions et à la violence.

Parallèlement, notre ambition en tant qu'humanitaires est de répondre efficacement – d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif – aux besoins des populations, par le biais d'une action humanitaire fondée sur des principes. Malgré une générosité exceptionnelle, en particulier de la part de nos donateurs de longue date, nous rencontrons des difficultés à financer notre budget qui ne cesse de croître, lui qui conjugue des secours d'urgence dans les crises immédiates à des efforts de stabilisation à long terme dans les conflits prolongés. Les composantes du Mouvement doivent continuer de travailler de concert pour démontrer la valeur ajoutée de l'action humanitaire fondée sur des principes.

Les Principes fondamentaux adoptés à Vienne il y a 50 ans – humanité, neutralité, impartialité, indépendance, unité, universalité et volontariat – sont aussi pertinents aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a un demi-siècle.

Le meilleur moyen de faire en sorte que notre réponse soit véritablement utile est d'associer à chaque étape les personnes que nous voulons servir. Notre campagne intitulée Des paroles aux actes vise à promouvoir une nouvelle forme de communication interactive avec les bénéficiaires et les communautés, en permettant une véritable participation des personnes sur le terrain.

En aucun cas nous ne souhaitons nous isoler du reste du secteur humanitaire. Le Sommet humanitaire mondial qui se tiendra l'an prochain à Istanbul sera pour nous l'occasion de souligner à quel point la complémentarité, plutôt que l'uniformité, est le moteur de l'innovation et produit de bons résultats.

Une coopération plus étroite entre les acteurs locaux et internationaux, au sein de notre Mouvement et au-delà, pourrait enrichir nos opérations de nouvelles expériences, réflexions et connaissances. Nous entendons souvent dire que l'aide doit être locale. Pourtant, au sein du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, nous savons pertinemment que la complémentarité aux échelons local et international est ce qui nous permet de mener nos activités et de faire en sorte que nous répondions aux besoins du mieux que nous puissions, dans les situations d'urgence immédiate et les conflits prolongés comme dans les situations de catastrophe naturelle ou provoquée par l'homme, les situations de fragilité chronique et les conflits aigus.

Au-delà de notre Mouvement, une coopération dynamique avec la communauté humanitaire dans son ensemble, les États et le secteur privé permettra d'élargir et d'enrichir la réponse humanitaire et de la rendre plus efficiente et plus utile encore pour les personnes vulnérables. Nous devons tous joindre nos efforts pour nouer un dialogue avec nos interlocuteurs, encourager le respect et, au bout du compte, influencer et changer les comportements, car l'échec actuel en matière de protection est une réalité et suscite une grave préoccupation.

Mesdames et Messieurs, chers collègues,

La concurrence entre les puissances mondiales, l'action unilatérale et la paralysie prolongée sont aujourd'hui devenues la norme dans le système international, ce qui met à rude épreuve les millions de personnes qui souffrent des conséquences.

Permettez-moi donc de conclure en vous appelant instamment à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour donner à l'humanité les moyens d'agir, en signant des engagements, en soutenant les résolutions et en vous appropriant cette Conférence internationale au travers de vos propres engagements.

Ces deux prochains jours, ce qui sera le plus constructif sera la capacité de trouver des compromis : la substance doit primer sur la méfiance, les progrès sur les intérêts politiciens. Prenons des décisions sur la base de ce que nous avons devant les yeux, non sur les craintes de certains quant à ce que cela pourrait cacher.

Alors que les chefs d'État et de gouvernement sont réunis à Paris pour aborder une autre crise qui menace l'humanité, à savoir le changement climatique, nous avons nous aussi une occasion unique d'unir nos forces avec les États, les Sociétés nationales et d'autres acteurs et de nous rassembler derrière notre humanité commune, derrière le respect du droit international humanitaire et derrière les millions de personnes qui souffrent des conflits armés, des catastrophes et de la violence.

Je vous remercie.