Kinshasa : une boutique de fortune pour survivre
En raison des violences qui ont secoué le Kasaï, Fiston*, 13 ans, et Kévin*, 8 ans, ont été séparés de leurs parents. Ils ont retrouvé leur grand frère Allain à Kinshasa et tous les trois survivent grâce à une petite boutique improvisée.
« Dans notre boutique, nous vendons des bonbons, des biscuits, des arachides et du savon », indique Fiston en servant un client, l'un des rares venus s'approvisionner de toute la matinée.
Dans ce quartier périphérique de la ville, encombré et difficile d'accès, c'est au jour le jour que vivent les trois frères. « Notre repas de midi dépend du peu que nous vendons », explique Allain. « Si nous avons ne serait-ce que 3000 francs congolais (2 USD) de bénéfices, nous nous organisons pour manger quelque chose. »
Depuis qu'il s'est fait voler sa moto, Allain ne compte que sur ce petit commerce. Il était chauffeur de moto-taxi. A l'arrivée de ses frères, sa situation est devenue économiquement difficile. « Avoir deux enfants avec moi, c'est une grande charge.», lâche-t-il.
C'est en juin dernier qu'Allain a accueilli les deux enfants qui arrivaient de la province du Kasaï-Oriental où ils étaient hébergés dans une famille d'accueil, dans des conditions précaires où un grand nombre de risques les menaçait, telle que la possibilité d'être victimes de violences ou, dans la pire des hypothèses, d'un recrutement forcé par une milice opérant dans la zone.
« Afin de trouver une solution durable à leur problème, nous avons entrepris de rechercher leurs proches », explique Alexandra Jackson du Comité international de la Croix-Rouge. « Nous avons fini par retrouver leur grand frère à Kinshasa. Il était heureux de les recevoir et de s'en occuper en attendant que les parents fassent signe de vie. »
Des conditions de logement précaires
Les trois frères vivent dans une maison d'une pièce exiguë pour un loyer de 25 000 francs congolais (16 USD) par mois. On y trouve un matelas, un tapis, quelques habits et une petite télévision qui ne fonctionne pas faute de courant. « Depuis que nous sommes ici, je n'ai vu les lampes ne s'allumer que deux fois », s'inquiète Allain.
La cuisine se fait à l'extérieur, juste à l'entrée, grâce à un four au charbon de bois. « Là, je prépare les légumes que mon grand frère va cuire tout à l'heure », lance Fiston, qui garde l'œil sur la boutique pour ne pas rater des clients.
Dans la maison, aucun robinet. L'eau ne coule que chez les voisins. Pour y avoir accès, une contribution au paiement de la facture mensuelle est exigée. Derrière la maison, des toilettes et une douche en plein air, encadrées par des morceaux de vieux tissus pour préserver l'intimité.
Dans une grande ville comme Kinshasa, beaucoup de personnes se trouvent dans une situation de vulnérabilité et peinent à trouver les moyens de subsistance nécessaires.
Comme divertissement, les enfants jouent au ballon dans une cour située devant leur maison, à deux ou à trois lorsque leur grand-frère est disponible.
L'espoir d'une vie meilleure
Allain demeure optimiste : « Mon père ne m'a rien laissé comme richesse à part mes deux frères. J'aimerais beaucoup qu'ils aillent à l'école ». Même si il ne sait pas comment s'y prendre dans une ville où la scolarité est payante, Allain est déterminé : « Ils doivent étudier. Je me battrai pour ça. Je suis le seul à pouvoir les prendre en charge. »
Pour l'instant, Fiston et Kevin sont profondément marqués par la disparition de leurs parents. C'est une blessure difficile à guérir, un manque affectif qu'ils n'ont pas encore pu effacer. « Nous pensons à eux tout le temps. Nous n'avons aucune idée de là où ils sont », dit Fiston.
Kevin, le cadet, semble être le plus perturbé. Avec un visage qui laisse transparaître constamment la tristesse, il est généralement taciturne et solitaire. Sa voix n'est audible que quand il joue au football avec ses frères.
En 2016 et 2017, des violences entre les forces nationales de sécurité et une milice locale, doublées de tensions interethniques, ont forcé une partie de la population à quitter leurs villes et leurs villages dans la région du Kasaï qui comprend au total cinq provinces : Kasaï-Oriental, Kasaï-Central, Kasaï, Sankuru et Lomami.
*Noms d'emprunt
Entre janvier et juin 2018, avec l'aide de la Croix-Rouge de la RDC, le CICR a réuni 150 enfants avec leurs familles dans 12 provinces du pays et les pays voisins. Ces enfants ont été séparés de leurs familles à cause du conflit et des violences armés en RDC et les pays avoisinants.