La maison comme hôpital

Les familles de Gaza luttent pour prendre soin de leurs blessés

  • Omar a été blessé le 14 mai. Il attend des interventions post-opératoires. Le système de santé à Gaza est submergé par l'ampleur des besoins et à ce jour les médecins ont été incapables de donner une date pour les opérations. Ils invitent la famille à être patiente. La patience est la qualité majeure que doivent avoir tous ceux qui vivent à Gaza. La famille est de plus en plus inquiète car elle n’arrive tout simplement pas à faire face aux besoins médicaux d'Omar à la maison.
    Alyona Synenko / CICR
  • Asmaa, la sœur jumelle d'Omar, passe ses journées au chevet de son frère depuis qu'il a été blessé. « Je reste avec lui. Je le lave. Je lui donne ses médicaments », dit Asmaa. « Mais que se passera-t-il s’il y a des complications ? Nous ne pouvons rien faire. »
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  • Future photographe, Asmaa avait l’habitude de participer à des projets de jeunes et suivait des cours de photographie. Aujourd’hui, elle consacre tout son temps et ses efforts à son frère. « Je veille sur lui la nuit. Il a du mal à s’endormir tellement il souffre. Et s’il s’endort, il se réveille à cause des cauchemars. J'ai peur qu'il se blesse. »
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  • Asmaa éloigne les enfants de la chambre d'Omar par peur qu’ils soient traumatisés en le voyant. Mais la maison est petite, il est difficile de contenir la douleur dans une pièce. « Je prépare un repas et nous nous asseyons ensemble pour manger mais lorsque nous entendons Omar crier, aucun d’entre nous n’arrive à manger », dit la mère de la fratrie.
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  • Le frère et le neveu d'Omar assis sur son bateau de pêche. Omar est pêcheur et l'un des principaux soutiens de famille. Après sa blessure, les gains de la famille ont diminué et les dépenses ont augmenté. La famille doit acheter des médicaments et faire venir une ambulance pour transporter Omar à l'hôpital pour un traitement ambulatoire. Tous rêvent d’envoyer Omar se faire soigner à l'extérieur de Gaza, mais c’est au-delà des moyens financiers de la famille.
  • Père de trois enfants, Mahmoud est le principal soutien de famille. Depuis qu'il a été blessé dans la zone frontalière et qu’il est sorti de l'hôpital, sa famille s'occupe de lui à la maison. « Nous essayons de l'aider du mieux que nous pouvons », dit la mère de Mahmoud. « Mais nous sommes tous désorientés et ne savons pas toujours quoi faire. »
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  • Depuis qu'il a été blessé, Mahmoud ne peut pas travailler. Il a peur de ne pas pouvoir payer le loyer de son salon de coiffure le mois prochain et sa famille perdra sa principale source de revenus. Le jeune assistant de Mahmoud travaille seul dans le salon de coiffure. L'entreprise a perdu beaucoup de clients.
    Alyona Synenko / CICR
  • Les médecins ont interdit à Mahmoud de travailler. La position debout peut compromettre son rétablissement. Mahmoud se rend toujours à son salon de coiffure pour donner un coup de main à son assistant et essayer de faire revenir ses clients.
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  • Baha travaillait dans le magasin de mécanique de son frère avant d’être blessé lors des récentes violences. Il a besoin d'un traitement de suivi. Les médecins diront s’il doit subir d’autres interventions dans les six prochains mois.
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  • Raad, le frère de Baha, dirige désormais seul l'atelier de mécanique, tout en s'occupant de son frère et essayant de couvrir tous les frais médicaux.
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  • Un client amène une voiture à réparer à l'atelier de mécanique, alors que Baha est assis dehors.
    Alyona Synenko / CICR
17 juillet 2018

La violence s'est intensifiée dans la zone frontalière de Gaza à la fin mars, faisant des dizaines de morts et des milliers de blessés, dont bon nombre par tirs à balles réelles. Les hôpitaux, submergés par les afflux de blessés, ont atteint la limite de leurs capacités. Le personnel médical a été très vite confronté à des dilemmes difficiles : faire sortir rapidement les patients ou ne pas avoir de place pour recevoir les nouveaux.

« La douleur est insupportable, mais j'essaie de ne pas crier parce que je ne veux pas que ma famille dépense plus d'argent pour des médicaments », explique Omar, un pêcheur de 25 ans qui a été blessé lors de la récente flambée de violence à Gaza.

La jambe bandée d'Omar est appuyée contre deux oreillers. Des tiges et des broches métalliques dépassent de son os. Un sac en plastique rempli de pilules est accroché à un verrou de fenêtre à côté du lit. Une simple pièce de la maison familiale a été transformée en salle d'hôpital improvisée. Cette improvisation est de plus en plus fréquente dans de nombreuses maisons de Gaza.

Le fardeau que les hôpitaux ne peuvent pas prendre en charge pèse sur les épaules des familles, ajoutant un stress émotionnel, financier et logistique à des vies déjà difficiles. « Quelqu'un doit être auprès de lui en permanence », dit Abdallah, le frère d'Omar. Abdallah gagne sa vie comme ouvrier du bâtiment, mais il passe la majeure partie de son temps à s'occuper d'Omar depuis qu'il a été blessé par balle le 14 mai. Il partage cette tâche avec Asmaa, la sœur jumelle d'Omar, qui elle aussi se sacrifie pour son frère.

Omar est maigre et épuisé, mais il est conscient du fardeau qu'il impose à sa famille : « J'ai l'impression de prendre en otage la vie de deux personnes. »

Des jeunes gens, la jambe bandée et un fixateur externe, font désormais partie du paysage urbain de Gaza. Ils sont assis devant les hôpitaux, mais aussi dans la rue et sur les marchés. Aujourd'hui, le dispositif chirurgical utilisé pour stabiliser les os fracturés se dénomme localement « jambe de Gaza ». « Nous estimons à plus de 1 300 le nombre de personnes atteintes de lésions complexes, parfois multiples, qui devront subir au moins trois à cinq interventions chirurgicales. La période de convalescence peut prendre des mois, voire des années, et 400 personnes risquent de vivre avec un handicap temporaire ou permanent », explique le Dr Gabriel Salazar, coordonnateur santé à Gaza pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Alors que la famille d'Omar se démène pour lui prodiguer les meilleurs soins possibles, les difficultés financières deviennent de plus en plus pressantes. Gaza connaît la pire crise économique depuis la guerre de 2014 et près de la moitié de sa population est au chômage.