La peur du déplacement plane sur Masafer Yatta
« Quand vous avez une maison, vous pouvez fermer la porte et vous sentir en sécurité à l’intérieur. » C’est ce qu’avait déclaré Rim après la démolition de sa maison en 2019. Aujourd’hui, Rim et plus de 2000 autres Palestiniens sont confrontés à une nouvelle menace imminente de déplacement à Masafer Yatta, un ensemble de 19 hameaux près de Hébron, en Cisjordanie occupée.
Masafer Yatta est une zone semi-désertique située dans le sud-est du district d'Hébron, en Cisjordanie. Elle abrite douze communautés palestiniennes qui vivent principalement de l'agriculture et de l'élevage.
Les habitants de Masafer Yatta vivent depuis des décennies dans la crainte constante de perdre leurs maisons. Ils ont fait l'objet d'innombrables ordres de démolition et déplacements. En mai 2022, la Haute Cour de justice israélienne a statué que huit communautés pouvaient être expulsées de Masafer Yatta, déclarée « zone de tir 918 » en 1981.
Si les ordres de démolition sont exécutés, les habitations, structures de subsistance, écoles, centres de santé, réseaux d'eau et panneaux solaires de Masafer Yatta seront directement touchés.
« La décision judiciaire implique l'expulsion d'environ 2100 Palestiniens de Masafer Yatta. « Ces communautés se retrouvent sans protection et risquent d'être déplacées à tout moment », explique Nidal Younès, qui dirige le conseil de village de Masafer Yatta.
Outre les difficultés liées aux ordres de démolition récurrents, la proximité de Masafer Yatta avec les colonies israéliennes accroît encore la vulnérabilité de ses habitants. Ils n'ont en effet pas accès aux routes principales à cause de l'avant-poste israélien situé tout proche, et sont forcés de faire de longs détours par des pistes.
L'accès à l'eau est un autre problème à surmonter.
« La destruction du réseau d'eau principal a fait augmenter les dépenses de notre foyer dans ce domaine », témoigne Abou Raed.
Le prix élevé de l'eau n'est pas le seul problème : en raison du mauvais état des routes, il est difficile pour Abou Raed et ses voisins de transporter les citernes d'eau qu'ils achètent.
De plus, la productivité du bétail des communautés a énormément diminué en raison du manque d'eau, sans parler de l'augmentation du taux d'avortement chez les brebis.
« L'année dernière, je n'ai pas pu vacciner mes moutons parce que je n'avais pas assez d'argent », dit Abou Mohammad.
Les routes directes leur étant interdites, les éleveurs locaux se retrouvent dans l'impossibilité de vendre leurs produits laitiers sur les marchés locaux et subissent donc des pertes financières.
VIDEO - LES HABITANTS DE MASAFER YATTA TEMOIGNENT (arabe avec sous-titres en anglais)
Huit des douze communautés de Masafer Yatta sont directement visées par le dernier ordre d'expulsion en date. Les quatre communautés restantes seront certes autorisées à rester, mais elles auront toujours l'interdiction de construire de nouveaux bâtiments et infrastructures et continueront de vivre dans une grande précarité.