Prononcée par M. Christopher Harland, observateur permanent adjoint auprès des Nations Unies et conseiller juridique, CICR New York
Le terrorisme nie le principe fondamental d'humanité et va à l'encontre des objectifs essentiels du droit international humanitaire (DIH) et de nombreux principes qui le sous-tendent. Le CICR condamne les actes de terrorisme et est profondément affligé par les effets dévastateurs de ces actes sur les pays, les communautés et les individus.
Les États et les organisations internationales ont réagi en instituant un cadre complet et pluridimensionnel contre le terrorisme.
Le CICR ne conteste pas la légitimité des États à prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et éliminer le terrorisme.
Les États membres se doivent néanmoins de suivre une ligne claire et ferme dans leurs activités antiterroristes quant à la nécessité de respecter intégralement les protections accordées à toute personne par le droit international, en particulier le DIH et le droit des droits de l'homme.
Il est important que ces corpus de droit international soient respectés lorsque des personnes sont arrêtées et détenues en rapport avec le terrorisme. Le fait qu'elles soient qualifiées de « combattants terroristes étrangers » ou la nature des actes qu'elles peuvent avoir commis, ne sauraient en aucun cas être invoqués pour justifier le non-respect des protections légales auxquelles elles ont droit en vertu du droit international, notamment du DIH quand il s'applique. Des organismes de contrôle indépendants et neutres, tels que le Comité international de la Croix-Rouge, devraient se voir accorder l'accès à ces personnes, de façon à pouvoir aider les autorités détentrices à faire en sorte que les détenus soient traités avec humanité et dans le respect du droit et des normes internationales applicables.
Pour ce qui est des mesures antiterroristes prises contre les « combattants étrangers » et leurs familles, le CICR est particulièrement préoccupé par la situation des enfants.
Les enfants touchés par ces mesures, même ceux qui sont accusés de crimes, sont d'abord et surtout des victimes. À ce sujet, l'Assemblée générale a engagé les États membres à veiller à ce que les enfants associés ou présumés associés à des groupes armés soient traités avant tout comme des victimes, comme elle l'a fait dans la résolution de 2018 sur les droits de l'enfant. Les enfants ne doivent être détenus qu'en dernier ressort et doivent être traités avec les égards voulus en fonction de leur âge et de ce qui les rend individuellement vulnérables. Le CICR encourage les États à trouver des solutions qui soient dans l'intérêt supérieur de ces enfants, notamment en veillant à ce qu'ils ne soient pas séparés de leurs parents ni de leurs frères et sœurs et en accordant l'attention voulue à leur rapatriement, lorsqu'il est dans l'intérêt supérieur de ces enfants.
Monsieur le Président,
À diverses occasions depuis 2011, le CICR a souligné les effets néfastes que peuvent avoir sur l'action humanitaire certaines mesures antiterroristes prises par les États, tant au niveau international que national.
Les activités humanitaires menées par des organisations humanitaires impartiales, y compris celles qu'elles exercent auprès des combattants blessés et malades, ne doivent jamais être considérées comme une forme de soutien illicite à des acteurs non étatiques ou à des individus désignés comme terroristes ou considérés comme criminels au regard du droit international, régional ou national. Le CICR rappelle que ces activités font partie intégrante du mandat humanitaire assigné aux organisations humanitaires impartiales par les États parties aux Conventions de Genève de 1949 et à leurs Protocoles additionnels de 1977.
De l'avis du CICR, les activités à caractère exclusivement humanitaire et impartial devraient être exclues du champ d'application des régimes de sanctions et des lois pénales relatives au terrorisme.
Ces exclusions ‒ appelées aussi « exemptions humanitaires » ‒ et d'autres mesures correctives seraient conformes à la lettre et à l'esprit du DIH et, de ce fait, compatibles avec les obligations des États au regard de ce droit. Ne pas exclure ces activités des dispositions de la législation pénale relative au terrorisme aboutirait à la négation de la notion d'action humanitaire neutre, indépendante et impartiale et compromettrait la mission d'organisations humanitaires impartiales chargées de protéger et d'aider les personnes touchées par des conflits armés, en particulier dans les zones où opèrent des groupes armés non étatiques désignés comme terroristes. C'est dans ces zones que les besoins de la population sont souvent le plus critiques.
À ce propos, le CICR accueille favorablement l'insertion récente de paragraphes évoquant les activités humanitaires dans les résolutions 2462 et 2482 du Conseil de sécurité sur la lutte antiterroriste. Dans ces paragraphes, le Conseil de sécurité prie instamment tous les États de « tenir compte » des effets que pourraient avoir les mesures antiterroristes sur « les activités exclusivement humanitaires » menées par des « acteurs humanitaires impartiaux » de manière conforme au DIH. Nous nous félicitons aussi que la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et d'autres entités soient prêtes à examiner la question et à faire rapport sur ce sujet en 2020.
Merci beaucoup, Monsieur le Président.