Comment la mésinformation et la désinformation nuisent au travail humanitaire du CICR au Burkina Faso
Le 16 février 2023, une enquête indépendante menée par un consortium de journalistes a donné lieu à la parution d'articles de presse sur une campagne de désinformation visant le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Burkina Faso. Le CICR tient à communiquer davantage d'informations sur cet incident afin d'expliquer plus précisément le travail qu'il mène pour venir en aide aux victimes de conflits et d'autres situations de violence.
En août 2020, le magazine français Valeurs Actuelles a publié de fausses accusations contre le CICR. Quelles conséquences la publication de cet article a-t-elle eues sur l'action du CICR ?
Premièrement, le CICR prend très au sérieux la question de la mésinformation, de la désinformation et des discours de haine, car elle peut avoir de graves conséquences pour les personnes que nous aidons. Elle peut également affecter notre capacité à mener à bien notre mission humanitaire d'assistance et de protection en faveur des communautés les plus durement touchées par les conflits et la violence.
La publication de l'article de Valeurs Actuelles a eu un effet négatif sur la manière dont la neutralité du CICR est perçue au Burkina Faso. Lorsque l'article a été republié sur un deuxième site Internet, il a suscité des commentaires violents et fait craindre pour la sécurité de notre équipe dans le pays. Heureusement, au final, il n'y a eu aucun impact direct sur la sécurité.
Pourquoi l'ancien président du CICR, Peter Maurer, a-t-il tenu une conférence de presse le 14 septembre 2020 à Ouagadougou ? Était-ce à cause de cet article ?
La visite du président du CICR avait été planifiée longtemps avant le lancement de cette campagne de désinformation, et l'interaction avec les médias fait souvent partie de ces voyages. Nous avons publié un communiqué de presse qui portait principalement sur une récente rallonge budgétaire pour les opérations du CICR au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Mais Peter Maurer –le président du CICR à l'époque – était prêt à répondre aux questions liées au dialogue du CICR avec les groupes armés, et il a accordé une interview à l'AFP à ce sujet.
Le CICR a publié une déclaration en janvier 2020 sur les arrestations arbitraires et les conditions de détention au Burkina Faso. Comment le gouvernement a-t-il réagi ?
L'objectif général des activités que le CICR mène en faveur des détenus est de prévenir les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, les mauvais traitements et le non-respect des garanties judiciaires fondamentales. Nous œuvrons également pour que la dignité et l'intégrité des personnes privées de liberté soient respectées et que les conditions de détention soient conformes aux lois applicables et aux normes internationalement reconnues. Pour ce faire, nous travaillons activement avec les autorités pour résoudre les problèmes et les aider à agir non seulement sur les conséquences des problèmes mais aussi sur leurs causes.
En complément de ces efforts, le CICR a publié un communiqué de presse concernant le traitement des détenus. Ce communiqué s'adressait à toutes les parties prenantes et pas uniquement à l'une d'entre elles. Le CICR s'efforce de trouver des solutions aux problèmes humanitaires dans le cadre d'un dialogue confidentiel qu'il entretient avec les autorités détentrices.
L'article original de Valeurs Actuelles indiquait que le CICR avait rencontré des groupes armés au Burkina Faso. Est-ce la vérité ?
Le mandat du CICR est d'alléger et de prévenir les souffrances des personnes touchées par les conflits armés et la violence, où qu'elles se trouvent, y compris dans des zones sous le contrôle ou l'influence de groupes armés. La vie peut être particulièrement difficile pour les civils vivant dans ces zones et ils peuvent avoir des besoins humanitaires et de protection accrus. En tant qu'organisation humanitaire, nous adoptons une approche neutre et impartiale et collaborons avec toutes les parties à un conflit armé. Cela signifie que nous ne prenons pas parti : nous fournissons une assistance en nous basant uniquement sur les besoins humanitaires et parlons à toutes les parties pour souligner combien il est important de respecter les règles humanitaires. C'est le seul moyen d'obtenir la confiance de toutes les parties, qu'il s'agisse de gouvernements ou de groupes armés.
Le CICR garde-t-il secret le travail qu'il mène auprès des groupes armés ?
Nous ne faisons pas de secret de cet aspect de notre travail. Le dialogue avec les groupes armés fait partie du mandat humanitaire qui a été officiellement confié au CICR par tous les États signataires des Conventions de Genève, et nous reconnaissons et confirmons fréquemment que ce dialogue humanitaire existe avec toutes les parties à un conflit. Bien que nous ne puissions pas partager les détails de nos discussions avec les groupes armés vu leur nature très sensible, nous veillons toujours à faire en sorte que tout le monde comprenne que c'est ainsi que le CICR fonctionne.
Lorsque nous rencontrons des autorités gouvernementales, par exemple, nous sommes clairs et transparents sur cette approche. Il est très important pour nous que toutes les personnes auxquelles nous devons rendre des comptes comprennent que nous dialoguons avec des groupes armés pour des raisons purement humanitaires. Sans ce dialogue, le CICR ne serait pas en mesure d'atteindre toutes les personnes qui souffrent à cause de conflits ou d'autres situations de violence.
Quel est le point de vue général du CICR sur la mésinformation, la désinformation et les discours de haine ?
La mésinformation et la désinformation peuvent accroître l'exposition des personnes aux risques et aux vulnérabilités. Par exemple, si des personnes déplacées ayant besoin d'une assistance humanitaire reçoivent des informations intentionnellement trompeuses sur des services et des ressources vitaux, elles peuvent être détournées de cette assistance et se retrouver en situation de danger.
Les discours de haine, quant à eux, contribuent directement ou indirectement à mettre en danger la sécurité ou la dignité des populations civiles. Par exemple, lorsqu'un discours haineux en ligne appelle à la violence contre un groupe minoritaire, il peut induire un préjudice psychologique et social en favorisant le harcèlement, la diffamation et l'intimidation.
La mésinformation, la désinformation et les discours de haine peuvent également avoir de graves conséquences sur l'acceptation et la sécurité des organisations humanitaires. Les informations fausses ou manipulées peuvent nuire à la réputation, éroder la confiance et saper l'acceptation au sein des communautés. Cela peut ensuite avoir des conséquences négatives sur la capacité opérationnelle des organisations humanitaires et mettre en péril le travail d'assistance en faveur des personnes touchées par un conflit armé ou d'autres situations de violence.
Pour que les organisations humanitaires puissent faire leur travail en toute sécurité, la confiance de toutes les parties prenantes et des communautés est essentielle. Si la perception de leur travail change, alimentée par de fausses informations propagées en ligne ou hors ligne, les travailleurs humanitaires peuvent rapidement se retrouver dans l'incapacité de se déplacer, d'apporter une aide vitale, de visiter des détenus ou d'apporter des nouvelles aux personnes qui ont perdu le contact avec un membre de leur famille.