Myanmar : des femmes se mobilisent pour celles qui sont touchées par le conflit armé
Trois femmes qui ne se connaissaient pas ont uni leurs forces pour porter assistance aux familles touchées par les combats à Putao, au nord de l'État de Kachin, au Myanmar. La façon dont ces membres du Mouvement de la Croix-Rouge ont offert leur aide à d'autres femmes et à leur famille est représentative de l'esprit des femmes engagées dans l'humanitaire partout dans le monde.
Les personnes les plus touchées par un conflit armé, les combats et la violence sont celles qui sont les moins à même de les supporter, à savoir les personnes âgées, les femmes et les enfants. En situation de conflit armé, les hommes en âge de combattre sont souvent enrôlés ou faits prisonniers. Par conséquent, de nombreuses familles, déjà vulnérables à cause du conflit, se retrouvent sans moyen de subsistance. Les femmes sont alors obligées de s'occuper seules de leurs enfants, et parfois même de parents âgés et dépendants.
La violence physique et sexuelle est courante dans ces circonstances, ce qui ne fait qu'accroître la vulnérabilité des femmes dans les zones touchées par le conflit. Très souvent, les femmes confrontées à ces situations se retrouvent impuissantes, comme le montrent les récits suivants.
L'histoire d'Aye Thanter Tun
Après avoir passé cinq ans comme chargée de programme de la Croix-Rouge du Myanmar puis deux ans au sein d'une autre organisation humanitaire, Aye Thanter Tun a rejoint le CICR en 2013. Elle explique, comment, à Putao, une famille a été déplacée : « Alors que des combats avaient lieu dans le village, le père de cette femme a eu une attaque et ne pouvait plus se déplacer. Puis les combats se sont intensifiés, et on leur a dit d'abandonner le village. Ils sont partis sans lui ».
« Il a fallu six jours à cette famille pour arriver au camp de réfugiés. En chemin, alors qu'ils traversaient une zone de combat, son mari a disparu. Elle ne sait pas s'il est toujours vivant. Lorsqu'elle est arrivée au camp, elle a appris que son père était mort. Comme elle n'a plus de ressources, elle doit participer à des programmes de travail contre rémunération (« cash for work ») ou à la construction de routes en pierres. Elle dit qu'elle a deux enfants et qu'elle se bat pour eux, pour qu'ils aient accès à une éducation et à des soins de santé. »
L'histoire de San San Aye
Depuis qu'elle est devenue bénévole pour la Croix-Rouge du Myanmar, le premier jour de l'année 1981, San San Aye a travaillé dans la région d'Ayerawaddy après le passage du cyclone Nargis, a été membre d'une commission municipale pour les questions liées aux femmes, a dirigé une commission municipale pour la prévention des violences faites aux femmes et a été membre d'une commission pour l'aide aux personnes handicapées et pour la réduction des risques de catastrophe.
San San Aye se souvient : « En août 2011, des groupes armés ont commencé à se battre près de mon village. Ils ont bloqué la route à environ 15 kilomètres de là et, pendant un combat, six civils et un policier ont été tués. Une équipe de la Croix-Rouge, dont les membres arboraient sur leur tenue l'emblème de l'organisation, a été envoyée sur place pour récupérer les corps. Nous nous sommes beaucoup inquiétés pour leur sécurité».
L'histoire d'Esther Lopez
Esther Lopez est née à Pampelune, en Espagne, où elle a par la suite suivi des études de génie agricole. Depuis 1997, elle a participé à des projets humanitaires au Mali, au Pérou, en Arménie, au Libéria et dans d'autres zones sensibles. Esther et sa famille vivent aujourd'hui à Yangon, où elle coordonne des programmes d'aide à la sécurité économique pour le CICR. Dans ce cadre, elle travaille en partenariat étroit avec les membres du personnel locaux du CICR et les bénévoles de la Croix-Rouge du Myanmar.
Bien qu'elle n'ait elle-même jamais été déplacée, Esther a été directement témoin du calvaire subi par des femmes qui, séparées de leur mari, ont dû fuir les combats en emmenant leurs enfants avec elle à la recherche d'un lieu sûr. « C'est la triste réalité du conflit, déclare-t-elle. L'impact de la guerre sur les familles est terrible. Je me souviens d'une femme qui a dû parcourir presque 70 kilomètres avec ses enfants, dont un bébé qu'elle portait sur son dos. Lorsqu'elle est arrivée au camp de personnes déplacées, on pouvait voir sur son visage qu'elle n'était pas loin de rendre son dernier souffle. En tant que mère, je ne veux même pas imaginer comme cela doit être difficile. Ces événements nous font vraiment relativiser nos petits tracas. »
Des femmes se mobilisent pour celles qui sont touchées par la violence
Qu'ont ces trois femmes en commun ? Esther, San San Aye et Aye Thanter Tun se sont réunies à Putao, en tant que représentantes de la Croix-Rouge du Myanmar et du CICR, pour porter assistance ensemble à des femmes victimes des combats dans l'État de Kachin.
De nombreuses femmes, dont l'époux assurait la subsistance de la famille et a disparu ou a été tué dans un conflit armé, doivent faire face à des violences, à des déplacements, à des maltraitances physiques et sexuelles et à la perte de membres de leur famille. Très souvent, ce sont les femmes qui apportent de l'aide, au moyen de l'action humanitaire, à ceux qui en ont besoin.
Dans le confort de notre foyer, à l'occasion de la Journée internationale de la femme le 8 mars, nous devons avoir une pensée pour celles qui subissent les conflits armés et les situations de violence. Nous devons aussi reconnaître que des mesures doivent être prises pour limiter l'impact des combats et des mauvais traitements infligés aux civils, en particulier aux plus vulnérables. D'autre part, nous devons être reconnaissants et fiers du travail accompli pour résoudre ces problèmes par des femmes fortes et déterminées issues de nos communautés.
Informations complémentaires :
Naing Naing Aye, ICRC Yangon, +959 254 210 287