Myanmar : le quotidien d’une mère tenaillée par la crainte
- Pour la mère célibataire qu’est Aye Aye Win, élever seule ses trois filles dans l’État de Kachin, au Myanmar, relève de l’exploit. Mais d’autres éléments de son parcours forcent l’admiration. Grâce à l’amour inconditionnel que lui vouent ses filles, cette femme, dont l’existence a été bouleversée à cause d’une mine terrestre, refuse de céder au désespoir.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
- Aye Aye Win est un exemple de résilience. « Je n’en veux à personne pour ce qui m’est arrivé », déclare-t-elle en se remémorant cet après-midi pluvieux où sa vie a basculé.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
- Elle se souvient comme si c’était hier du jour où une mine lui a arraché une jambe. En compagnie de l’aînée de ses filles, Aye Aye Win s’était rendue dans les montagnes de la région de Magway. Depuis une vingtaine d’années, ces pentes étaient son jardin potager ; elle y allait régulièrement chercher des végétaux et des pousses de bambou pour nourrir sa famille.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
- « Alors que je marchais le long du sentier, mon attention a été attirée par une jolie tige de bambou qui ressortait d’un bosquet. L’espace d’un instant, j’ai hésité à passer mon chemin. Puis, surmontant mon indécision, je me suis avancée pour couper la tige qui s’offrait à moi. C’est là que la mine a explosé », explique-t-elle.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
- Il n’y avait personne à des kilomètres à la ronde. Rassemblant ses esprits, Aye Aye Win s’est traînée avec l’aide de sa fille sur le sentier montagneux, à la recherche d’un endroit habité où demander de l’aide.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
- À un moment donné, elles ont dû traverser une retenue d’eau pour rejoindre une route. Le courant était très fort et elles se sont agrippées l’une à l’autre afin de ne pas se faire emporter. Mais la force des eaux était telle qu’Aye Aye Win a crié à sa fille de la lâcher et de sauver sa peau.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
- Mais la jeune fille s’est cramponnée, hurlant à sa mère : « S’il te plaît, ne baisse pas les bras. Tu as trois filles et nous avons besoin de toi. Comment survivrions-nous si tu n’étais plus là ? » Aye Aye Win s’est alors accrochée, luttant de toutes ses forces. Elle est finalement parvenue à s’extraire des flots et, avec sa fille, elles ont atteint la route, d’où elles ont appelé au secours.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
- Aye Aye Win a été transportée à l’hôpital de Myitkyina, où elle a été amputée de la jambe droite. Nous l’avons ensuite aidée financièrement pour lui permettre de se procurer de la nourriture pour ses enfants. Prochainement, elle sera appareillée d’une prothèse et recevra des soins de physiothérapie au centre de réadaptation physique du CICR à Myitkyina.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
- La tristesse se lit encore dans les yeux d’Aye Aye Win, mais sa volonté est inébranlable. Comme elle le dit, elle est déterminée à tenir bon pour ses filles.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
- Il est deux choses pour lesquelles Aye Aye Win prie tous les jours : que ses filles puissent étudier et que les mines ne fassent pas de nouvelles victimes. « Je ne me fais pas de souci pour moi, mais parfois j’ai peur de ne pas pouvoir payer des études à mes filles. Mais je refuse de me décourager ; je les aiderai jusqu’à ce qu’elles aient acquis une bonne éducation. Sinon, j’ai toujours peur que d’autres villageois soient blessés par de mines. Je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai vécu. C’est ce que je demande dans mes prières », dit-elle.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
- Aye Aye Win est l’une des nombreuses victimes du conflit dont l’État de Kachin est le théâtre depuis des décennies, et qui a jeté sur les routes de l’exil plus de 100 000 personnes en quête de sécurité. À la crise humanitaire engendrée par ces déplacements massifs viennent s’ajouter les accidents dus aux engins explosifs qui infestent la région : régulièrement, des personnes sautent sur des mines alors qu’elles vaquent à leurs occupations quotidiennes, par exemple en allant chercher des végétaux dans la forêt ou en faisant paître leurs vaches.CC BY-NC-ND / ICRC / Hla Yamin Eain
Le Myanmar est toujours très contaminé par les mines antipersonnel, en particulier les États de Kachin et de Shan. Le CICR, en collaboration avec la Croix-Rouge du Myanmar et d'autres partenaires, mène toute une série d'activités en vue de sensibiliser la population aux dangers liés aux mines. Dans les régions concernées par le fléau, les habitants sont formés pour être capables d'identifier les zones à risque et reçoivent des recommandations pour éviter les accidents.