Nigéria : de réfugié de guerre à enseignant en droit humanitaire
Maître Okanga est avocat et chargé de conférences à l’Université du delta du Niger, dans le sud du Nigéria. Les événements qu’il a vécus enfant, pendant la guerre civile qui a déchiré le pays, ont fortement contribué à sa décision d’enseigner le droit international humanitaire.
Okanga se souviendra toute sa vie de ce jour-là. C’était il y a plus de quarante ans, alors qu’il n’avait pas encore dix ans, mais il se rappelle comme si c’était hier des événements de cette journée et de celles qui ont suivi.
Un jour d’avril 1968, alors qu’Okanga se préparait à une nouvelle journée d’école, il a assisté à une scène très inhabituelle à Mbiakpani, son village situé dans ce qui est aujourd’hui l’État de Cross River. Des soldats en tenue de combat sont arrivés et ont ordonné à tout le monde de sortir, projetant Okanga au cœur de la guerre civile nigériane, plus connue sous le nom de guerre du Biafra. Les soldats – des sécessionnistes (du Biafra), d’après ses souvenirs – ont pillé le village et se sont lancés dans une opération qui a duré deux jours et fait de nombreuses victimes, dont le père d’Okanga. Son village, d’ordinaire paisible, s’est soudainement retrouvé au milieu d’une guerre et d’une crise humanitaire.
« Ceux d’entre nous qui ont survécu, en majorité des femmes et des enfants, ont été emmenés dans un camp de réfugiés au Biafra, où ils sont restés d’avril 1968 à avril 1969. La Croix-Rouge [ndlr : le CICR], dont je n’avais jamais entendu parler auparavant, nous a énormément aidés. Nous avons reçu du riz, des haricots, du sel, du lait et du blé, ainsi que des médicaments. »
Par la suite, le camp de réfugiés où vivait Okanga est tombé aux mains des forces fédérales nigérianes. Pour l’avocat, ce fut comme une libération, et il se souvient bien de l’aide que le CICR a fournie aux siens pour commencer une nouvelle vie.
« Lorsque les troupes nigérianes ont repris ces régions, elles nous ont emmenés à Gakem et Calabar, dans l’actuel État de Cross River. Comme nous n’avions ni argent ni nourriture, la Croix-Rouge a continué à nous fournir des vivres, des médicaments et même des uniformes scolaires. Celui que j’ai porté à l’école primaire après la guerre m’avait d’ailleurs été donné par la Croix-Rouge. En 1970, à la fin du conflit, nous sommes rentrés chez nous et la Croix-Rouge a poursuivi son aide. »
Aujourd’hui, Okanga enseigne le droit international humanitaire à l’Université du delta du Niger. Cette branche du droit international protège les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités et limite les moyens et méthodes de guerre. Une cinquantaine d’étudiants en droit suivent les cours d’Okanga, ce qui démontre bien l’intérêt croissant porté à ce domaine. Alors que le Nigéria fait face à de nouvelles flambées de violence dans différentes régions du pays, Okanga espère que ses étudiants et tous ceux qui étudient le droit international humanitaire dans d’autres universités nigérianes contribueront à faire mieux connaître les moyens de préserver un peu d’humanité au cœur des conflits armés.
Il prend parfois le temps de participer à des ateliers organisés par le CICR pour les enseignants en droit international humanitaire, où les participants peuvent débattre des différentes façons d’expliquer ce droit aux Nigérians. À l’occasion de la tenue de l’un d’entre eux à Abuja, la capitale du pays, Okanga a résumé ainsi son point de vue sur le CICR : « Le CICR a joué un rôle essentiel dans ma vie mais aussi dans celle de ma famille et de ma communauté tout entière. Il a beaucoup contribué à la protection de nos droits en tant qu’êtres humains. Et je sais que ce qu’il a fait pour moi, pour ma famille et pour ma communauté, il l’a également fait pour d’autres personnes dans d’autres régions touchées par des conflits armés. »