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République démocratique du Congo : vivre avec les cicatrices du conflit

Reportage photographique de Hugh Kinsella Cunningham, lauréat de l’édition 2024 du Visa d’or humanitaire du CICR
Grace, un niño de 10 años que recibió un disparo en la cabeza (de manos del grupo de rebeldes M23), está al cuidado de su hermano James después de su cirugía. Desde que resultó herido, Grace no ha vuelto a hablar.
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), la guerre ne cesse de marquer les corps et les esprits. Alors que les combats s’intensifient, les civils sont pris au piège d’une violence qui ne leur laisse aucun répit. Fuyant sous le feu des roquettes et des obus, des millions de personnes ont dû abandonner leur foyer et trouver refuge dans des camps où l’avenir reste incertain. Mais pour beaucoup, les conséquences du conflit sont imprimées dans leur chair.

À l’hôpital Ndosho de Goma, les victimes affluent, témoignant d’une réalité brutale où les amputations s’imposent comme une réalité quotidienne. Face à ces pertes irréversibles, les équipes de réadaptation physique du CICR tentent de redonner espoir à ces hommes, femmes et enfants au corps meurtri, en leur permettant de retrouver leur mobilité et leur dignité.

Los niños escalan las laderas del cráter de un volcán extinto sobre el campamento de Lushagala
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Des enfants escaladent les flancs d’un cratère de volcan éteint au-dessus du camp de Lushagala, où vivent plus de 10 000 civils déplacés.

Fuir pour survivre : des millions de Congolais contraints à l’exil

Avec 4,6 millions de déplacés internes recensés, les provinces du Nord et du Sud-Kivu constituent les principaux territoires d’accueil en RDC pour les populations déracinées à l’intérieur de leurs propres frontières. Ces familles, souvent déplacées à plusieurs reprises, ont tout perdu : foyer, terres agricoles, sources de revenus.

Entassées dans des camps surpeuplés ou hébergées par des proches eux-mêmes en difficulté, elles survivent dans des conditions précaires. L’accès à l’eau potable, à la nourriture et aux soins médicaux est un défi quotidien, aggravé par le manque d’infrastructures et la persistance des violences. Face à cette urgence, les organisations humanitaires tentent d’apporter une réponse, mais les besoins dépassent largement les ressources disponibles.

En el campamento de desplazados en Lac Vert, un grupo de civiles espera que distribuyan alimentos.
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Des civils attendent une distribution de vivres au camp de déplacés du Lac Vert. La majorité des résidents de ce camp ont fui le territoire de Masisi, une région agricole désormais presque entièrement occupée après des mois de combats sanglants.

Una niña regresa de buscar agua de un punto de distribución en el campamento de desplazados de Lushagala.
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Une jeune fille revient d’un point de distribution d’eau dans le camp de déplacés de Lushagala.

Zawadi Furaha y su hija Chance
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Zawadi Furaha et sa fille Chance.

Nous avions fui les combats près de notre village de Bweremana, mais il ne nous restait plus rien à manger. La faim nous a forcés à retourner dans les champs pour chercher de la nourriture. Une fois sur place, nous avons été pris pour cible ; ma belle-mère a été touchée. J’ai pris la fuite alors qu’ils tiraient aussi sur moi, et je me suis cachée dans la végétation. C’était à 9 heures du matin. Je suis restée cachée jusqu’à 16 heures, quand mon mari est venu me chercher. Il a rampé pour ne pas se faire repérer. Il m’a retrouvée blessée et m’a amenée en lieu sûr.

Zawadi Furaha
El campamento de Lushagala, hogar de más de 10.000 civiles desplazados.
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Hôpitaux sous pression : un afflux de blessés sans précédent

Avec l’intensification des combats dans le Nord et le Sud-Kivu, les hôpitaux sont submergés. Depuis janvier 2025, plus de 1400 blessés par arme ont été admis dans quatre hôpitaux soutenus par le CICR. Près de la moitié d’entre eux sont des civils, parmi lesquels de nombreuses femmes et enfants.

Que ce soit à Goma, Beni ou Bukavu, les structures médicales sont saturées : patients entassés dans les couloirs, réfectoires transformés en salles d’hospitalisation, parkings aménagés en zones de triage. Faute de moyens suffisants, les soignants font face à une pénurie critique de matériel médical, compliquant encore davantage la prise en charge des victimes.

Alors que les besoins médicaux sont plus urgents que jamais, l’accès aux soins demeure un défi de taille dans cette région en proie à des violences incessantes.

Equipos quirúrgicos en el quirófano del hospital Ndosho de Goma
Hugh Kinsella Cunningham/CICR
Equipos quirúrgicos en el quirófano del hospital Ndosho de Goma
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Équipes chirurgicales au bloc opératoire de l’hôpital Ndosho, à Goma. Entre 2023 et 2025, plus de 1300 blessés par arme ont été pris en charge à l’hôpital.

Réparer les survivants

Face à la recrudescence de la violence dans l’est de la RDC, les amputations sont devenues une réalité tragique pour de nombreuses victimes du conflit. Entre 2023 et 2024, le programme de réadaptation physique du CICR a fabriqué plus de 400 prothèses et orthèses pour les blessés.

Ces appareillages ne sont pas seulement des dispositifs médicaux, ils sont une bouée de sauvetage, offrant aux personnes mutilées une chance de retrouver leur mobilité et leur autonomie.

La paciente Naomi Kabuo durante una secuencia de ejercicios en el centro ortopédico de Shirika, Goma.
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Naomi Kabuo pendant une séance d’exercices au centre orthopédique Shirika de Goma.

J’étais dehors quand une bombe est tombée, je l’ai même vue atterrir. Des éclats m’ont transpercé le corps. J’ai été blessée à la jambe, au bras et aux mains. Je me suis mise à trembler, j’avais l’impression d’étouffer. Je me suis écroulée au sol et j’ai vu le sang couler de mes blessures. Je voyais mes os par terre devant moi, mais je ne ressentais aucune douleur.
Des voisins m’ont trouvé blessée et ont arrêté une moto pour me transporter aux urgences. J’ai perdu connaissance avant même que l’ambulance n’arrive. Quand je me suis réveillée, j’avais déjà été amputée.

Naomi Kabuo
Rosette Katungu, que resultó herida de bala en una emboscada que se cobró la vida de su abuela, practica equilibrio sobre una pierna ortopédica.
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Rosette Katungu, blessée par balle lors d’une embuscade qui a coûté la vie à sa grand-mère, s’entraîne à garder l’équilibre sur sa nouvelle prothèse de jambe.

Personal del CICR fabrica nuevas prótesis en el centro ortopédico de Shirika, en Goma.
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Des membres du personnel du CICR fabriquent de nouvelles prothèses au centre orthopédique Shirika de Goma.

El volcán activo del monte Nyiragongo domina la ciudad de Goma.
Hugh Kinsella Cunningham/CICR

Le long chemin vers la guérison

Pour les habitants de l’est de la RDC, survivre aux combats n’est que le commencement. Au-delà des blessures physiques, le conflit laisse de profondes séquelles et expose d’innombrables personnes à des pertes cruelles, des traumatismes et une incertitude lancinante.

Si les organisations humanitaires s’efforcent de fournir des soins vitaux, des services de réadaptation et des biens de première nécessité, l’immensité des besoins exige une attention soutenue et une action sur le long terme. Il est essentiel que toutes les parties au conflit respectent le droit international humanitaire pour assurer la protection des civils, du personnel médical et des travailleurs humanitaires contre les effets dévastateurs de la guerre. Les violences continuent de briser des vies et de piéger des millions de personnes dans des cycles sans fin de déplacement et de souffrances. Pour elles, la reconstruction ne signifie pas seulement la guérison des corps – mais la possibilité de retrouver leur dignité, une certaine stabilité et de l’espoir dans l’avenir.

 

Adaptation d’un article initialement publié sur le blog du CICR L’Humanitaire dans tous ses états