Assemblée générale des Nations Unies, 69e session, 6ème Commission, Points 83 de l’ordre du jour. Déclaration du CICR, New York, le 15 octobre 2014.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est reconnaissant de l'opportunité qui lui est donnée de prendre la parole devant la Sixième Commission sur ce sujet important.
La contribution que la compétence universelle peut apporter à la mise en œuvre efficace du droit international humanitaire (DIH) est essentielle. C'est aux États qu'il incombe en premier lieu de prévenir l'impunité et de faire en sorte que les auteurs présumés de violations graves du DIH soient traduits en justice. Les États ont l'obligation d'enquêter sur ces crimes et d'en poursuivre les auteurs quand ils ont été commis par leurs ressortissants ou sur leur territoire ou qu'ils relèvent à un autre titre de leur compétence. Lorsque les États ne veulent pas ou ne peuvent pas poursuivre les auteurs présumés de crimes commis sur leur territoire ou relevant de leur compétence, et que les tribunaux internationaux ne peuvent exercer la leur, l'exercice de la compétence universelle par d'autres États permet, à titre subsidiaire, d'établir les responsabilités et d'éviter l'impunité.
Les Conventions de Genève de 1949 et le Protocole additionnel I de 1977 prévoient la compétence universelle obligatoire pour les violations définies comme des infractions graves. D'autres instruments internationaux tels que la Convention de la Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et son Deuxième Protocole de 1999, la Convention de 1984 contre la torture et la Convention internationale de 2006 pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, reconnaissent également que les États doivent faire valoir la compétence universelle afin de poursuivre les violations graves de ces Conventions, notamment lorsqu'elles sont commises dans le cadre d'un conflit armé. Le droit international coutumier prévoit que les États puissent exercer leur compétence universelle à l'égard des crimes de guerre commis dans le cadre de conflits armés internationaux et non internationaux.
Le CICR constate avec satisfaction que de nombreux États ont établi une certaine forme de compétence universelle à l'égard des violations graves du DIH dans leur ordre juridique. La plupart des États se sont dotés d'une législation établissant cette compétence pour toute violation ou ensemble de violations graves des Conventions de Genève et du Protocole additionnel I, ainsi que pour les violations d'autres instruments juridiques et pour les crimes de guerre définis dans le Statut de la Cour pénale internationale. Les récentes décisions des tribunaux nationaux et les dispositions juridiques adoptées par les États ont également montré comment le principe de compétence universelle pouvait être appliqué dans la pratique.
Le CICR note qu'à l'heure d'établir la compétence universelle pour les crimes de guerre, la plupart des États ont assorti l'exercice de celle-ci d'un certain nombre de conditions. La plus habituelle est l'exigence d'un lien entre l'accusé et l'État qui entend le poursuivre, comme la présence de l'accusé sur le territoire dudit État, ou le consentement d'une autorité gouvernementale. Cette tendance est signalée dans les observations transmises par le CICR dans le cadre du rapport que le Secrétaire général a présenté en 2014, conformément à la résolution 68/117 de l'Assemblée générale.
Tout en reconnaissant la volonté des États de mieux encadrer l'application de la compétence universelle, le CICR est convaincu que les conditions requises pour engager des poursuites pénales ou pour justifier un refus d'engager de telles poursuites, devraient être clairement définies au niveau national. Ces conditions devraient renforcer l'efficacité et la prévisibilité du principe de la compétence universelle et non pas en limiter son application.
Le CICR est conscient des défis importants liés à la mise en œuvre de la compétence universelle, qu'ils soient d’ordre technique, juridique, pratique ou encore liés aux ressources. Au vu de ces défis, il est à notre avis essentiel que les États continuent d'investir dans le renforcement des capacités nationales et l'adoption d'une législation nationale qui leur permettra de juger les crimes de guerre sur la base de leur compétence nationale ou extraterritoriale, y compris celle universelle. C'est cela qui dissuadera les auteurs potentiels de tels crimes de les commettre et permettra de poursuivre les auteurs des violations commises. Les États devraient également renforcer la coopération et l'entraide judiciaires internationales en s'assurant l'entraide la plus complète possible dans la poursuite des crimes internationaux.
Une des activités premières des Services consultatifs du CICR en DIH consiste à promouvoir la prévention et la répression des crimes de guerre. La compétence universelle est un élément important à cet égard. C'est pourquoi le CICR s'est attaché à produire des ressources juridiques et techniques de haut niveau sur les pratiques des États, via ses bases de données sur le DIH coutumier et la mise en œuvre nationale, et un manuel sur la mise en œuvre nationale du DIH.
Le CICR réitère sa détermination à soutenir les États dans leurs efforts visant à mettre en place un système efficace qui en finira avec l'impunité.