Oïcha, territoire de Beni, province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo. CICR

RD Congo : communautés d’accueil et déplacés peinent à accéder aux services essentiels au Nord-Kivu

Kinshasa (CICR) – Depuis le début de l’année, l’intensification des affrontements entre acteurs armés dans plusieurs régions du Nord-Kivu a entraîné le déplacement d’environ 600 000* personnes. Sur place, nos équipes constatent une aggravation des besoin humanitaires, aussi bien pour les déplacés que pour les communautés qui les accueillent. L’insécurité croissante complique également l’acheminement de l’aide dans les zones les plus violemment touchées.
Communiqué de presse 10 août 2023 République démocratique du Congo

Selon les Nations-Unies, seules 18 pour cent des personnes déplacées ces 6 derniers mois dans la province du Nord-Kivu vivent dans des sites et des centres collectifs dédiés, alors que 82 pour cent sont hébergées dans des familles d'accueil. C'est le cas à Oïcha, une commune rurale de 360 000 habitants au nord de la ville de Beni.

Depuis une décennie, la population y vit prise en étau entre l'activisme des groupes armés locaux, les attaques attribuées aux ADF (Allied Democratic Forces ou Forces démocratiques alliées) et les conséquences des opérations militaires conjointes des armées congolaise et ougandaise contre les ADF. On estime à 165 000, le nombre de personnes déplacées à Oicha. Les centres collectifs prévus pour accueillir 5700 personnes sont en fait saturés, avec 7200 personnes hébergées, selon le Comité de déplacés d'Oicha. Les autres personnes ayant fui les combats dépendent de la population locale pour se loger ou trouver de quoi manger et boire au sein de la commune.

Imelde Kavira Shaonere, 55 ans, déplacée à Oïcha depuis une année, raconte son calvaire : « Je me suis enfuie avec mes petits-fils et d'autres enfants qui ont perdu leurs parents lors des combats. Nous vivons à 20 personnes dans une même maison que je loue à 24 000 francs congolais (10 USD) par mois. Je suis sans travail. On m'a déjà demandé de libérer les lieux, faute de moyens. Il est difficile de trouver de la nourriture, de se faire soigner ou d'avoir de l'eau potable. Nous souffrons énormément. »

Le CICR a lancé, fin juin 2023, deux projets de forage pour améliorer l'accès à l'eau potable. Plusieurs bornes fontaines alimenteront les sites de déplacés ainsi que certains quartiers densément peuplés, où sont hébergées la majorité des familles déplacées. Le CICR soutient également depuis le début du mois d'août 2023 le Centre de santé (CS) de Mbimbi ainsi que l'Hôpital général de référence de Oicha pour les urgences vitales transférées du CS de Mbimbi, permettant ainsi à près de 24 000 personnes d'accéder gratuitement aux soins médicaux.

Des pauvres qui assistent d'autres pauvres

Plus au sud de la province du Nord-Kivu, dans les territoires de Rutshuru et de Masisi, les deux greniers de la ville de Goma, la situation est similaire. Des combats entre la branche armée du Mouvement du 23 mars (M23) et d'autres groupes armés ont entraîné le déplacement d'au moins 78 000 personnes durant les mois de juin et juillet 2023. À Nyabiondo uniquement, un peu plus de 7800 personnes** se sont ajoutées aux 2000 autres arrivées au mois de février. Eux-mêmes affectés par les combats et le manque de ressources, les habitants se voient forcés de partager le peu dont ils disposent.

« J'ai reçu sept familles déplacées avec qui je n'ai aucun lien de parenté. A leur arrivée, je leur ai donné des régimes de bananes pour se nourrir. Mais au bout de trois jours, j'ai dû leur demander de se débrouiller », se souvient Kengo Lukoo Bandu, la quarantaine, père de neuf enfants et cultivateur à Nyabiondo.


« Au sein de la communauté, la situation socioéconomique a changé. Le peu de nourriture qu'on avait est devenue insuffisante. Les prix ont aussi augmenté sur le marché. Avant, on consommait dix verres de riz par jour dans ma famille. Aujourd'hui, nous en sommes à la moitié. »

Que ce soit dans les sites de déplacés ou les communautés d'accueil, les besoins humanitaires ne cessent de s'accroître au Nord-Kivu. Des dizaines de milliers de personnes ont besoin d'aide d'urgence. Les acteurs humanitaires font face à un manque de financement et d'accès. Pour Anne-Sylvie Linder, la cheffe de la sous-délégation du CICR à Goma, il est nécessaire que les donateurs continuent de soutenir les activités des divers acteurs humanitaires présents dans la région.

« Au-delà de l'aide d'urgence, il faut penser à comment financer et mettre en place des solutions pérennes. Il faut aussi que les parties aux conflits s'acquittent de leurs obligations en vertu du droit international. L'accès des humanitaires aux populations civiles dans le besoin doit être inconditionnel. La situation aujourd'hui est critique et l'acheminement de l'aide humanitaire dans les zones les plus reculées est vital pour des milliers de familles. »

Notre réponse au Nord-Kivu (1er semestre 2023)

Protection des liens familiaux, en collaboration avec la Croix-Rouge de la RDC (CRRDC)

  • 108 enfants réunis avec leurs familles dans les territoires de Beni, Goma, Lubero, Masisi, Nyiragongo, Rutshuru et Walikale.
  • 82 639 appels gratuits organisés pour des familles séparées dans divers sites de déplacés des territoires de Goma et Nyiragongo.

Assistance aux enfants sortis des forces et groupes armés/exposés au recrutement

  • 10 mineurs dont 3 filles ont bénéficié de la réinsertion scolaire à Pinga à travers des kits contenant des fournitures scolaires.
  • 19 mineurs dont 3 filles ont bénéficié de la réinsertion socioéconomique à Kanyabayonga. Une assistance en argent liquide a été fournie aux parents.
  • 15 722 mineurs dont 5821 filles ont bénéficié des activités de prévention (activités ludiques et récréatives) contre le recrutement dans les communautés estimées à haut risque (en collaboration avec la CRRDC dans 9 sites).

Assistance alimentaire et financière, en collaboration avec la Croix-Rouge de la RDC

  • 39 810 personnes (déplacées et membres de familles d'accueil) vivant à Sake, en territoire de Masisi, assistées en vivres, et 30 990 assistées en biens essentiels de ménage.
  • 180 personnes (déplacées et membres de familles d'accueil) vivant à Luofu, en territoire de Lubero (Sud), assistées en alevins et en kits d'outils pour la relance de la pisciculture.
  • 456 personnes (victimes de violences sexuelles et autres formes de violences), vivant dans les territoires de Beni et Masisi, assistées financièrement pour la mise en place des initiatives micro-économiques (MEI)
  • 264 personnes vulnérables (victimes de violences sexuelles et autres formes de violences), vivant dans les territoires de Beni, Nyiragongo et Rutshuru, assistées financièrement pour soulager leurs besoins immédiats (TBI)
  • 5 400 personnes (déplacées venues du Nord-Kivu et des membres de familles d'accueil du Sud-Kivu) vivant dans le territoire de Kalehe, assistées financièrement pour l'achat des biens essentiels de ménage.

Santé

  • 651 patients blessés par armes pris en charge à l'Hôpital général de référence de Beni (202 patients) et au Centre hospitalier CBCA Bethesda Ndosho à Goma (449 patients).
  • 75 tonnes de cargo médical de la Direction provinciale de la santé (DPS) convoyées par camion CICR de Goma vers les zones de santé de Rutshuru, Rwanguba et Binza.
  • Donation de 29 sets de stabilisation et 3 kits d'urgence sanitaires à 20 structures médicales dont 4 au Rutshuru ; 3 à Masisi, 2 à Goma ; 5 à Oicha ; 4 dans le Lubero et 2 à Butembo.
  • 3 donations de sets chirurgicaux, de stabilisation et d'autre matériel médical faites à l'Hôpital militaire de Katindo et à l'hôpital de la Police nationale à Goma pour la prise en charge des blessés.
  • L'Hôpital général de référence de Rwanguba, en territoire de Rutshuru, a bénéficié d'un soutien en médicaments et financier au mois de février 2023. Il en est de même pour les Centres de santé de référence de Kanyabayonga (mars et mai) et de Cepromi (mars et juin).
  • 72 500 personnes ont bénéficié de l'accès aux soins de santé grâce à un soutien à 4 structures médicales des territoires de Masisi et Walikale.
  • 47 000 personnes bénéficient de l'accès aux soins de santé grâce à un soutien à 3 structures médicales à Oicha (CSR Mavivi, CS Mbimbi, HGR Oicha).

Accès à l'eau et assainissement

  • 145 000 personnes déplacées vivant dans les sites de Bulengo et Rusayo, près de Goma, ainsi que plus de 87 500 personnes de 4 quartiers (population hôte) de Goma ont bénéficié d'un accès à l'eau potable grâce au renforcement et à l'extension du réseau d'un concessionnaire privé.
  • 15 000 personnes déplacées vivant dans les sites des déplacés de Rumangabo, en territoire de Rutshuru, ont bénéficié d'un accès à l'eau potable grâce à des travaux d'extension du réseau d'eau et à la construction de 2 bornes-fontaines.
  • 36 000 personnes déplacées vivant dans 5 sites dans le territoire de Nyiragongo ont bénéficié de l'accès à l'eau grâce à des opérations quotidiennes de camionnage d'eau entre novembre 2022 et mars 2023. Elles ont aussi bénéficié de la construction de trois nouveaux blocs sanitaires constitués de 40 latrines ainsi que de la reconstruction et réhabilitation de deux anciens blocs de 14 latrines.
  • 5 400 litres de carburant ont été fournis, depuis le dernier le trimestre 2022, pour aider la station de pompage de Kabaya à assurer la continuité de la desserte en eau de Kabaya et Rumangabo, en territoire de Rutshuru.
  • L'hôpital Bethesda CBCA Ndosho (200 lits) à Goma a bénéficié d'une amélioration de la desserte en eau potable grâce à l'installation d'un réservoir souple d'une capacité de 15 000 litres monté sur plateforme maçonnée
  • 4 422 personnes (précédemment déplacées de retour chez elles et membres de familles d'accueil) vivant dans le village d'Oninga, en territoire de Walikale, assistées en articles essentiels de ménage (seaux et bidons en plastique).
  • 1 243 personnes déplacées vivant dans le site de la commune de Kanyabayonga et dans le village de Burangiza, en territoire de Beni, ont bénéficié d'un accès à l'eau potable grâce des travaux d'adduction d'eau.
  • Le centre de santé de Linzo, en territoire de Beni, a bénéficié de la construction d'une maternité, d'une salle d'écoute pour les victimes de violences sexuelles, d'une unité de stérilisation du matériel médical, d'une fosse septique et d'un puit perdu ainsi que de la mise en place de panneaux solaires.

*Source : OCHA- Bureau de la coordination des affaires humanitaires
**Source : Comité des déplacés de Nyabiondo

Informations complémentaires

Francine Kongolo, fkongolo@icrc.org - +243 (0) 81 992 23 28
Lucien Christen, lchristen@icrc.org - +221 78 186 46 87