Communiqué de presse

République centrafricaine : faire face à la Covid-19 dans l'une des plus graves crises humanitaires du monde

Bangui (CICR) – La lutte contre le virus de la Covid-19 s'intensifie alors que la pandémie se propage de manière préoccupante en République centrafricaine. Si le nombre de personnes malades recensées dépasse les 4500, une partie de la population ne croit toujours pas à l'existence de la maladie, mettant à mal les efforts de riposte. De plus, le respect des mesures d'hygiène et de distance physique demeure problématique pour de nombreuses personnes qui n'ont que difficilement accès à l'eau et au savon, vivent dans des camps de déplacés ou des prisons surpeuplées.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), en collaboration avec la Croix-Rouge centrafricaine (CRCA), sensibilise la population à la maladie et aux gestes barrières, d'une part, et aide les structures sanitaires et les lieux de détention à mettre en place des mesures de prévention et de contrôle de l'infection, d'autre part. La Covid-19 est une menace de plus qui s'ajoute aux conséquences de la violence armée et d'une situation de crise prolongée, rendant encore plus précaire le quotidien de milliers de Centrafricains.

« Ce n'est absolument pas le moment d'interrompre les activités. L'assistance et les services qui étaient vitaux avant, le sont davantage aujourd'hui. Il faut trouver un équilibre entre ce que nous devons faire pour répondre aux besoins humanitaires et les précautions à prendre pour ne pas devenir un vecteur de propagation de la maladie. Nous devons aussi veiller à ne pas mettre à risque notre personnel », explique Bruce Biber, chef de délégation du CICR en Centrafrique.

Adapter les programmes d'urgence à l'urgence sanitaire

En s'adaptant à la nouvelle réalité et en prenant toutes les précautions requises, telles que le port du masque, le lavage des mains et la distance physique, des distributions de semences, de vivres et d'outils agricoles ont pu être organisées pour soutenir près de 10 000 familles (soit plus de 50 000 personnes) retournées chez elles ou autrement vulnérables, dans les préfectures de l'Ouham, de la Haute-Kotto, de la Basse-Kotto et du Mambéré-Kadéï.

« Quand je suis revenue dans mon village après les attaques de l'année dernière, mon champ était détruit. Cette distribution de semences m'a donné de l'espoir. J'ai recommencé à labourer mon champ et j'espère récolter en août », nous a confié Modestine, agricultrice à Markounda, dans l'Ouham.

En attendant sa récolte, elle pourra cuisiner avec le riz, les haricots, l'huile, le sel et le Super Cereal qu'elle a reçus en plus des semences.

Modestine, agricultrice et mère de sept enfants, a tout perdu pendant les violences dans son village Maïnodjio, dans l’Ouham. Aujourd'hui, elle peut enfin reprendre ses activités agricoles et subvenir aux besoins de ses enfants grâce aux semences et outils agricoles reçus. Félicien Mamadou/CICR

Modestine, agricultrice et mère de sept enfants, a tout perdu pendant les violences dans son village Maïnodjio, dans l'Ouham. Aujourd'hui, elle peut enfin reprendre ses activités agricoles et subvenir aux besoins de ses enfants grâce aux semences et outils agricoles reçus. Félicien Mamadou/CICR

Une bouilloire en plastique et un kilo de savon ont été donnés en plus à chaque ménage, après une sensibilisation à la maladie et aux gestes barrières. Chaque interaction avec les communautés, de la réhabilitation des points d'eau aux distributions d'assistance, est utilisée pour assurer qu'elles aient les informations nécessaires sur la Covid-19 et la manière de se protéger.

Plus d'un million de personnes informées sur la Covid-19 et les gestes barrières

En plus des communautés ayant bénéficié d'une assistance, plus de 900 responsables communautaires, religieux ou de la société civile, porteurs d'armes, autorités locales ou membres de la communauté ont été sensibilisés à la maladie pour qu'ils puissent à leur tour transmettre les bonnes informations. Ils ont appris la technique du lavage des mains et ont reçu des affiches, des prospectus, des dispositifs de lavage des mains, des bouilloires et du savon pour lancer et poursuivre la sensibilisation dans leurs communautés.

Plus de 400 volontaires de la Croix-Rouge centrafricaine sont en première ligne dans la sensibilisation de proximité des communautés à la Covid-19 et aux gestes barrières. C. L. Boua/CICR

Plus de 400 volontaires de la Croix-Rouge centrafricaine sont en première ligne dans la sensibilisation de proximité des communautés à la Covid-19 et aux gestes barrières. Christelle Boua/CICR

Les volontaires de la CRCA, avec le soutien du CICR et d'autres membres du Mouvement international de la Croix-Rouge en Centrafrique, se sont également mobilisés pour sensibiliser leurs concitoyens. Ils sont au cœur de la riposte : six jours sur sept, les volontaires circulent dans des quartiers avec des mégaphones ou dans des caravanes motorisées, ou encore s'installent près des marchés ou des sites de déplacés avec des dispositifs mobiles de lavage des mains. On estime à plus d'un million le nombre de personnes touchées par ces actions de sensibilisation.

Avant l'arrivée de la Covid-19 en RCA, des formations en premiers secours étaient organisées dans les communautés afin de les éduquer aux gestes qui peuvent sauver des vies. Les mêmes personnes sont maintenant formées comme sensibilisateurs Covid-19. Ils apprennent également à fabriquer des points de lavage des mains abordables avec des matériaux locaux que tout le monde peut acquérir : un bidon de cinq litres et quatre bâtons de bois suffisent !

Faciliter l'accès à de l'eau potable

Pour une grande partie de la population centrafricaine, accéder à de l'eau potable reste un défi quotidien. Parfois la source d'eau est loin, le parcours dangereux et l'eau pas toujours potable. Il n'est pas évident dans ces conditions d'appliquer correctement les mesures de prévention. A Gamboula, dans le sud-ouest du pays, le CICR vient de réhabiliter le forage du village. Delphine espère que cela évitera à d'autres familles du village le drame que la sienne a vécu :

Avant que ce forage ne refonctionne, je devais marcher plus d'un kilomètre vers la source dont l'eau était tellement souillée que nos enfants tombaient régulièrement malades. Ma fille d'un an a souffert de la diarrhée, je l'ai amenée à l'hôpital mais le personnel soignant n'a pas pu la sauver

Cette année, le CICR a construit ou réhabilité 80 forages ou puits dans 50 villages et dans deux sites de déplacés, et le travail se poursuit. Des produits chimiques, nécessaires au traitement de l'eau ainsi qu'un soutien matériel et technique ont été fournis à la Société de distribution d'eau en Centrafrique (SODECA) pour améliorer l'accès à l'eau dans les villes de Bangui, de Bouar et de Ndélé.

À l'hôpital de Kaga-Bandoro, sauver des vies au quotidien et se préparer à répondre à la Covid-19

La pandémie n'empêche pas les gens d'attraper d'autres maladies ou d'avoir besoin d'un médecin pour soigner une blessure ou aider dans un accouchement. Cette année, déjà près de 39 000 personnes ont été prises en charge gratuitement dans les services de pédiatrie et de maternité à l'hôpital de Kaga-Bandoro et des centres de santé de Grévaï et de Ouandago, dans le Nana-Grébizi. Plus de 1200 accouchements ont été réalisés.

En plus des problèmes de santé de routine, le personnel sanitaire doit maintenant se préparer à admettre des malades de la Covid-19. Pour aider le personnel des structures de santé et les services sanitaires des lieux de détention soutenus par le CICR, 15 membres du personnel de santé ont été formés à la prise en charge clinique des personnes atteintes de la Covid-19, avec le soutien du ministère de la Santé et de la Population et de l'Organisation mondiale de la santé.

Des équipements de protection individuelle, tels que des masques, des tabliers et des gants, ont été fournis au personnel pour qu'ils puissent continuer à faire leur travail en toute sécurité. Un circuit de prise en charge pour séparer les entrées et les sorties et d'autres mesures de prévention et de contrôle de l'infection (thermomètres infrarouges et dispositifs de lavage des mains) ont été mis en place dans les trois structures de santé (Kaga-Bandoro, Grévaï et Ouandago). Deux tentes avec huit lits supplémentaires ont été installées à l'hôpital de Kaga-Bandoro pour faciliter le triage et la prise en charge des malades du virus mais aussi pour faire face au flux de patients souffrant du paludisme que la saison des pluies amplifie. Un soutien supplémentaire de dispositifs de lavage des mains, de chlore et de gants est également fourni au personnel de quatre structures de santé à Bangui, où la pandémie évolue le plus rapidement.

Le programme psychosocial pour victimes de violences, y compris de violence sexuelle, continue dans les camps de déplacés à Kaga-Bandoro et dans les structures de santé soutenues par le CICR dans le Nana-Grébizi. Plus de 500 personnes ont déjà pu bénéficier de ce service cette année. Une partie de ce programme est destiné aux enfants exposés à la violence. « Nous avons réduit le nombre d'enfants par séance, nous leur fournissons des masques et désinfectons les crayons avec lesquels ils dessinent dans le cadre de leur thérapie entre chaque séance », souligne Mamie Meniko, psychologue du CICR. Des cahiers de dessin seront distribués à 600 enfants déplacés pour les sensibiliser aux gestes barrières et les aider à passer le message à leur famille et amis.

Protéger à tout prix les personnes détenues

Contenir la Covid-19 dans un lieu fermé et souvent surpeuplé, tel qu'une prison, est crucial tant les conséquences seraient dangereuses pour les détenus. En effet, certains sont déjà fragiles, suite à la malnutrition ou d'autres problèmes de santé. Le CICR soutient les autorités dans sept lieux de détention à Bangui et Bouar en installant des dispositifs de lavage des mains aux entrées et en fournissant des produits de nettoyage.

Le personnel sanitaire des établissements pénitentiaires à Bangui et Bouar a également participé à la formation à la prise en charge clinique des patients de la Covid-19 et a reçu, entre autres, des masques, des gants et des thermomètres infrarouges. Le personnel de cuisine, les autorités et les représentants des détenus ont été sensibilisés à la Covid-19 pour qu'ils puissent mener leur travail en sécurité et assurer que tout le monde soit informé et puisse se protéger. Par ailleurs, le soutien habituel se poursuit en termes d'assainissement, de nutrition et de maintien du lien familial, en adaptant les activités aux gestes barrières pour éviter la propagation du virus.

Continuer le dialogue pour assurer le respect de la vie et de la dignité humaine

Le dialogue avec les porteurs d'armes et les autorités se poursuit afin d'améliorer le respect de la vie, de la dignité et des droits de la personne humaine car la violence et les conflits ne s'arrêtent malheureusement pas à cause de la Covid-19. Une cinquantaine d'officiers des forces armées et de sécurité ont été formés au maintien de l'ordre et à la gestion de l'espace public dans un contexte de Covid-19. Le message reste le même : la vie humaine doit être protégée, partout et en tout temps – y compris durant une pandémie.


Informations complémentaires :

Daddy Rabiou Oumarou, CICR Bangui, +236 75 64 30 07, odaddyrabiou@icrc.org