« Un jour, nous sommes entrés dans un village pris dans un déluge continu de tirs croisés et avons évacué trois familles qui étaient bloquées chez elles depuis des mois. Une fois le calme revenu, nous avons raccompagné jusqu’à leur village les familles depuis Beyrouth, où elles s’étaient réfugiées. Je n’oublierai jamais la réaction des autres villageois lorsqu’ils ont vu arriver les membres de ces trois familles. Convaincus qu’ils étaient morts, ils les ont pris pour des fantômes et se sont enfuis en courant. Le siège du village avait été si long et si violent qu’ils ne pouvaient tout simplement pas croire qu’il y avait des survivants. » Janvier De Riedmatten, délégué du CICR
« J’ai vu la façon dont les ânes évitaient les mines posées par des êtres humains pour tuer d’autres êtres humains. Ce jour-là, j’ai appris à faire confiance aux animaux, sans néanmoins perdre foi en l’homme et en l’humanité. Après chaque opération d’urgence, des étrangers qui ne connaissaient ni ma religion ni ma nationalité me serraient dans leurs bras et m’embrassaient. Tout ce qu’ils voyaient, c’est que je portais l’emblème de la croix rouge, symbole de neutralité, d’impartialité et d’humanité. J’ai alors compris que plus rien n’est impossible quand on aide quelqu’un dans une situation d’urgence. » Nayla Al Hachem, ancienne employée du CICR et ancienne cheffe des services médicaux d’urgence de la Croix-Rouge libanaise
« Il est très difficile de résumer 35 ans d’activité en quelques mots, mais je vais essayer. Je suis reconnaissante aux centaines de familles que j’ai côtoyées d’avoir partagé avec moi leur tristesse, leurs peurs, leurs larmes et aussi leurs sourires. Si je devais résumer ma carrière et ma vie en un seul mot, je choisirais “service”. »
Christine Rechdane, assistante à la division des activités de protection du CICR
« Les Sociétés du Croissant-Rouge n’ayant pas d’archives relatives à la guerre que nous avons connue, je commenterai cette photographie qui reflète la tragédie palestinienne dans son ensemble. Médecin généraliste de formation, j’ai acquis des compétences chirurgicales sur le terrain. J’ai soigné et pris en charge de nombreux patients dans le camp de Rashidiya, mais je ne me pardonnerai jamais de ne pas avoir réussi à sauver les personnes les plus chères à mon cœur : mes frères Sobhi et Omar. »
Salah Al-Ahmad, médecin de la Société du Croissant-Rouge palestinien
« Pendant mes 12 années d’activité en tant que volontaire de la Croix-Rouge libanaise, j’ai vu la guerre à travers les yeux de la population et les souvenirs que j’en ai gardés continuent de me hanter. Un jour, alors que nous transférions des civils de Deir al-Amar vers Dekwaneh, un vieux monsieur m’a demandé : “Comment allez-vous nous protéger sans armes ?” “L’emblème est notre protection”, lui ai-je répondu avec enthousiasme. D’une voix défaitiste, il m’a alors dit : « Même une artillerie lourde ne pourrait rien pour nous. » Lorsque nous sommes arrivés sains et saufs à Beyrouth, il a déclaré : “Vous aviez raison, je crois que l’emblème a vraiment le pouvoir de nous protéger.” Ce jour-là, je lui avais répondu sans vraiment y croire moi-même, mais aujourd’hui, je suis convaincu que seul l’emblème peut nous protéger en temps de guerre. » Demianos Kattar, ancien ministre des Finances
« La guerre échoue parfois à dépouiller les enfants de leur gaieté. On les voit alors profiter d’une trêve pour se ruer vers leurs vélos, les enfourcher et faire le tour de la ville. Ils se fichent de savoir pourquoi leur ville est détruite ; tout ce qu’ils veulent, c’est que la trêve se prolonge pour qu’ils puissent continuer à s’amuser.
En 2008, Beyrouth n’était pas en ruine, mais elle était vide. J’attendais que les violences prennent fin pour pouvoir sortir à nouveau et retrouver au moins en partie ma vie d’avant. Mais il n’en a rien été. Au cours de cette mini-guerre, mes amis ont repris les armes pour se battre contre d’autres Libanais. Cette fois, la guerre m’avait volé mes amis en en faisant des combattants. » Maytham Kassir, parent d’une personne disparue et journaliste pour Al-Arabiya
Imad Tabash, ancien employé du CICR
« Tout ce qu’on peut lire sur la guerre et les massacres n’est rien en comparaison de la réalité. Il arrive un moment où vous êtes submergé par le malheur de gens que vous ne connaissez pas, dont la vie vous est totalement étrangère. Les souffrances causées par la guerre sont au-delà des mots et ne peuvent être comprises que par ceux qui en ont fait l’expérience. La guerre est une chose abominable. La peur que je ressentais alors me poursuit aujourd’hui encore. » Imad Tabash, ancien employé du CICR
« J’avais 17 ans quand j’ai rejoint la Croix-Rouge libanaise en tant que volontaire. Le jour où j’ai déposé ma demande, j’ai dû mentir sur mon âge pour être pris. Comme c’était la guerre, je ne disais pas ce que je faisais à mes parents pour ne pas les inquiéter. Je me souviens en particulier de ce jour où j’ai négocié un cessez-le-feu entre des groupes armés et procédé à l’évacuation des morts et des blessés durant trois heures d’affilée. Je n’ai pas pleuré pendant l’opération, mais quand je suis rentré chez moi et que j’ai repensé à tout ce que j’avais vu, j’ai fondu en larmes.
Si j’enrage lorsque nos ambulances et nos volontaires sont pris pour cibles, je suis le plus heureux des hommes quand tous nos volontaires rentrent sains et saufs au quartier général. Mais ma plus grande joie est et sera toujours ce moment où j’apprends qu’une vie a été sauvée. » Georges Kettaneh, secrétaire général de la Croix-Rouge libanaise
« Ma mémoire est devenue capricieuse et sélective. Il m’est impossible de résumer mes 37 années de service au sein du CICR. Tous mes souvenirs sont couchés sur le papier, je ne les ai plus en tête. Ils me reviennent par flashs : certains sont limpides, oui, vraiment très clairs ! Et d’autres, plus sombres. La guerre est une période douloureuse, c’est vrai, mais le fait d’aider les gens quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent est une expérience douce-amère. » Farouk Taleb, responsable de la flotte de véhicules du CICR
Ryad Dbouk, un agent de terrain du CICR basé à Tyre, au Sud-Liban, décrit le conflit de juillet 2006 comme « une guerre parmi les plus dévastatrices et les plus brutales. Toutes les infrastructures ainsi que le réseau électrique ont été volontairement détruits ». Sur la photo ci-contre, un habitant crie sa douleur et son désespoir en découvrant la dévastation de son quartier, au sud de Beyrouth, à la suite de violentes frappes aériennes.
En réponse au besoin urgent de rétablir l’accès à l’eau des habitants du Sud-Liban, des ingénieurs du CICR, en coopération avec diverses autorités, remettent en état des réservoirs et des conduites endommagés, et mettent en place des citernes mobiles. Une fois la réparation terminée, le réseau, constitué de 160 km de conduites, approvisionnera en eau des milliers de personnes.
« Ils me ressemblaient, ils avaient à peu près le même âge que moi. Ils portaient une alliance et avaient des photos de leurs enfants dans leur portefeuille. Leur famille les attendait à la maison. Leur place était auprès de leurs proches, et non là où je les ai trouvés, leurs corps déchiquetés par une explosion qui n’avait aucun sens. » Wassim Rida, volontaire de la Croix-Rouge libanaise
Lorsqu’on le questionne sur ses neuf années d’expérience en tant que volontaire au sein de la Croix-Rouge libanaise, Nayef sort de son portefeuille une vieille page pliée du journal Assafir. Sur la photographie qui accompagne l’article, Nayef porte une petite fille dans ses bras et semble voler au-dessus du sol. « La petite fille avait si peur qu’elle avait fait sur elle. Moi aussi j’avais peur. Nous sommes tous terrifiés en mission. La peur est notre principal mécanisme de défense. Quand on regarde la photo de plus près, on se rend compte que je cours à toute vitesse, comme si je flottais au milieu des soldats et des combattants, mais aujourd’hui, quand je regarde cette photo et que je repense à ces événements, je me dis que j’étais simplement porté par la joie d’avoir sauvé cette enfant. » Nayef Chehade, volontaire de la Croix-Rouge libanaise et chef de l’antenne de la Croix-Rouge libanaise à Tripoli
Mohammad, blessé par un éclat d’obus en Syrie et soigné au Centre de formation en traumatologie balistique du CICR
Il lève la main et tend son index et son majeur. L’espace d’un court instant, on pense qu’il esquisse le signe de la victoire, mais Mohammad parle en réalité de ses deux enfants ensevelis sous les décombres de sa maison en Syrie. Ses lunettes aussi sont restées sous les gravats, mais il n’en a pas besoin pour se rendre compte qu’il n’y a ni vainqueurs ni perdants dans cette guerre, seulement des victimes.
Ces photos font partie d'une exposition, intitulée "Echoes", qui est organisée par la Croix-Rouge libanaise et le CICR pour commémorer les 40 ans de la guerre du Liban et les 40 ans de notre action humanitaire dans ce pays. L'exposition se tiendra du 16 au 26 avril dans la Villa Paradiso, à Gemmayzeh, Beyrouth.
Voir aussi sur le blog de notre délégation de Paris : 40 ans après le début de la guerre du Liban, souvenirs de deux délégués du CICR