Soudan du Sud : retour au pays après une longue attente

24 janvier 2017
Soudan du Sud : retour au pays après une longue attente
CC BY-NC-ND / Alyona Synenko / CICR

Certains sourient, d'autres ont l'air nerveux. Une trentaine d'enfants et 12 adultes attendent de monter à bord des avions du CICR qui les ramèneront bientôt dans leur village d'origine, au Soudan du Sud.

À l'aérodrome, Ador pense aux enfants qu'elle a laissés derrière elle des années plus tôt. « Nous reconstruirons notre maison et nous pourrons à nouveau y vivre ensemble. » En ce jour de la mi-janvier, toutes les personnes présentes sur la piste d'atterrissage en terre battue sont remplies d'espoir et d'incertitude quant à leur avenir. Certaines sont gagnées par la peur de l'inconnu : « Ma famille m'acceptera-t-elle après tout ce temps ? »

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Le CICR a recherché les familles des veuves et négocié avec les autorités locales le retour des femmes et des enfants dans leur lieu d'origine.

Ador espère retrouver son ancien emploi de cuisinière dans un petit restaurant. Même si elle n'a pas parlé à sa famille depuis des années, elle tient à rentrer dans son village.

« C'est là que je suis née et que j'ai grandi », raconte Ador. « Je vais peut-être découvrir que certains de mes proches sont morts – cela fait partie de la vie. Mais rien ne vaut la joie de rentrer chez soi. »

Il y a des années, le mari d'Ador a décidé d'abandonner son petit commerce pour devenir soldat. Elle était opposée à cette idée mais, ici, les femmes ont rarement leur mot à dire dans ce type de décisions et elle n'a pas osé le contredire. Son époux a alors rejoint le mouvement d'opposition au gouvernement du Soudan, combattant sur le territoire qui allait devenir, en 2011, le nouvel État du Soudan du Sud.

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Ador a dû laisser ses cinq enfants à un parent pour suivre son mari dans un lieu inconnu et isolé. Quand il est décédé, elle s'est retrouvée seule, sans famille ni connaissances sur qui compter.

Il est rare que les soldats restent longtemps postés au même endroit. En effet, très vite, Ador doit laisser ses cinq enfants à un parent pour suivre son mari dans un lieu inconnu et isolé. Le couple a deux autres enfants là-bas. Ador a le mal du pays et appelle sa famille aussi souvent qu'elle en a les moyens.

En décembre 2013, deux ans après l'accession du Soudan du Sud à l'indépendance, la rumeur court que des violences ont éclaté à Juba. « Au début, on ne s'en inquiétait pas trop. On pensait que ça se terminerait vite et que ça ne nous atteindrait pas. La capitale était si loin », se souvient Ador. Mais les combats se propagent, divisant le pays et l'armée en blocs ethniques opposés. Le mari d'Ador et d'autres soldats appartenant au même groupe ethnique que lui sont maintenant considérés comme des ennemis dans la région où ils vivent. Les violences se poursuivent et les hommes finissent par être tués.

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Alors qu'ils vivaient dans un lieu inconnu et isolé, Ador et son mari ont eu deux enfants. Elle espère maintenant retrouver ses cinq aînés et son ancien emploi de cuisinière.

Ador et 11 autres veuves se retrouvent seules, sans famille ni connaissances sur qui compter, dans un lieu où elles ne sont plus les bienvenues à cause de leur origine ethnique. Le groupe de 12 femmes et 35 enfants peine à trouver de quoi manger. « Si j'étais dans mon village, il y aurait forcément quelqu'un qui viendrait me dire : "Je vois que tu traverses une mauvaise passe. Veux-tu m'aider à faire ce travail ?" Et ils me paieraient ou me donneraient de la nourriture », explique Ariek, l'une des veuves. « Mais ici, nous sommes des étrangers. »

Dès que la situation l'a permis, le CICR a entamé des négociations avec les autorités locales pour que les femmes et les enfants puissent retourner dans leur lieu d'origine. Il a aussi recherché leurs proches sur place. Les négociations se sont enlisées mais, deux ans plus tard, la situation s'est finalement débloquée. Toutes les autorisations requises ont été obtenues et les femmes et les enfants ont pu prendre le chemin du retour.

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Il a fallu deux ans pour obtenir toutes les autorisations requises afin que les femmes et les enfants puissent rentrer dans leur village d'origine.

« Nous avons tant attendu ce jour ! », s'exclame Ariek peu avant d'embarquer dans un des avions. « Certains jours, j'étais sur le point de perdre espoir et je me disais que j'allais mourir là-bas, seule. Mais j'ai gardé mon cœur ouvert et Dieu nous a mis sur la voie du retour. »