Cette hausse s’inscrit dans une tendance qui touche l’ensemble de la région du bassin du lac Tchad[1] , où l’on estime à 6,1 millions [2] le nombre de personnes qui manqueront de nourriture dans les prochains mois en raison notamment des conflits et des aléas climatiques – le nombre le plus élevé enregistré depuis quatre ans.
Cette augmentation du nombre de personnes en proie à la faim intervient en même temps qu’une aggravation des violences, qui a fortement réduit la capacité des communautés à cultiver leurs champs et à se rendre dans les marchés. Les incidents violents recensés dans la région du lac Tchad au cours du premier semestre 2024 ont augmenté de 58% par rapport à la même période en 2023.[3]
Les aléas climatiques empêchent également les habitants de cultiver et d’accéder à leurs terres agricoles et aux marchés, contribuant à une crise alimentaire qui sévit dans l’ensemble de la région du lac Tchad – au Cameroun, au Tchad, au Niger et au Nigéria. Dans le nord-est de ce dernier pays, le début de la saison des moissons a coïncidé cette année avec de fortes inondations qui ont emporté les semences et anéanti tout espoir de récolte, après une période de soudure particulièrement aride.
« La spirale de la violence et la variabilité du climat ont des conséquences désastreuses pour les familles qui peinent à trouver de quoi se nourrir. Nous en voyons chaque jour la preuve dans les centres de santé que nous soutenons, où toujours plus d’enfants arrivent en état de malnutrition aiguë sévère. Et le plus tragique, c’est qu’ils ne représentent qu’une petite fraction des personnes qui souffrent de la faim dans la région », déclare Yann Bonzon, chef de la délégation du CICR au Nigéria.
En septembre dernier, le CICR a redoublé d’efforts pour réduire les taux de malnutrition en soutenant deux centres de santé supplémentaires prenant en charge les enfants malnutris dans les États de Yobe et d’Adamawa, dans le nord-est du Nigéria. Ce soutien permettra aux équipes médicales de ces centres de fournir une gamme de services essentiels tels que des consultations, des dépistages nutritionnels ainsi que des soins pour les enfants souffrant de complications dues à la malnutrition.
Aux côtés de ses partenaires du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge, le CICR mène des activités en faveur de millions de personnes touchées par les effets conjugués des conflits et du changement climatique dans toute la région du lac Tchad. Rien que dans le nord-est du Nigéria, 187 000 personnes ont bénéficié en 2024 d’une assistance du CICR et de la Croix-Rouge du Nigéria pour faire face aux pénuries alimentaires.
« Nous renforçons notre aide humanitaire, mais nous craignons que cela ne suffise pas, car les besoins dépassent de loin nos capacités de secours », fait savoir Alhaji Abubakar Kende, secrétaire général de la Croix-Rouge du Nigéria.
Le CICR rappelle à toutes les parties aux conflits armés la responsabilité qui leur incombe, conformément au droit international humanitaire (DIH), de veiller à ce que les personnes vivant sur le territoire qu’elles contrôlent puissent subvenir à leurs besoins essentiels, notamment en matière de nourriture, d’eau, de soins médicaux et d’accès aux terres agricoles et aux marchés. Il s’entretient avec toutes les parties aux conflits sur la nécessité de respecter le DIH, en particulier dans la conduite des hostilités. Les violations du DIH peuvent en effet avoir des répercussions sur la sécurité alimentaire, par exemple en perturbant l’accès aux champs et aux marchés, en rendant les déplacements saisonniers de bétail plus compliqués et en limitant l’accès des acteurs humanitaires aux communautés qui ont besoin d’assistance.
[1] La région du bassin du lac Tchad englobe la région de l’Extrême-Nord au Cameroun, la région de Diffa au Niger, les États de Borno, d’Adamawa et de Yobe au Nigéria et la province du Lac au Tchad.
[2] Selon le mécanisme du Cadre harmonisé de l'IPC, 6,1 millions de personnes devraient se retrouver en situation de crise ou d’urgence alimentaire (phases 3 à 5) pendant la période de soudure.
[3] Selon des rapports publiés par le projet ACLED (Armed Conflict Location & Event Data).
Note à l’intention des rédactions
- L’augmentation de 24% mentionnée concerne les cas de malnutrition aiguë sévère avec ou sans complications médicales pris en charge dans les structures soutenues par le CICR. Ce nombre est passé de 6824 cas au troisième trimestre 2023 à 8470 au troisième trimestre 2024.
- Le nombre d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition aiguë sévère avec complications médicales traités dans des structures soutenues par le CICR est passé de 1212 au troisième trimestre 2023 à 1691 au troisième trimestre 2024, soit une hausse de 39,5%. En outre, entre le premier et le troisième trimestre 2024, le nombre d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition aiguë sévère avec complications médicales traités dans des structures soutenues par le CICR a augmenté de 225%, passant de 252 à 897 cas.
- Enfin, 14 000 femmes enceintes ou allaitantes avaient été prises en charge pour malnutrition à la fin du troisième trimestre 2024 (soit une augmentation de 7,6% par rapport à la même période de l’année précédente).