Libéria : le football favorise le dialogue et la solidarité
23-07-2014 Éclairage
Dans un camp de réfugiés ivoiriens, des volontaires de la Croix-Rouge nationale du Libéria et des collaborateurs du CICR ont récemment aidé des jeunes à organiser un tournoi de foot, favorisant ainsi le dialogue et la solidarité entre les réfugiés et la population qui les accueille.
Ruth, la capitaine, à la tête de son équipe, sous une pluie battante.
CC BY-NC-ND / CICR / P. Yazdi
Fuir les coups de feu
Depuis le 1er septembre 2011, Ruth a pour adresse « Quartier P, camp de réfugiés de PTP, Comté de Grand Gedeh, Libéria. » « Nous étions parmi les premières familles ivoiriennes à arriver, explique-t-elle. Je vis dans ce minuscule endroit recouvert de bâches de plastique depuis mon arrivée, et là, le toit fuit vraiment beaucoup. »
Comme des milliers d’autres personnes, Ruth et sa famille ont fui les violences post-électorales en Côte d’Ivoire pour se réfugier au Libéria.
En mars 2011, aux petites heures du matin, Ruth a entendu le bruit des armes automatiques se rapprocher de sa maison. Elle n’a pas eu le temps de s’organiser ; attrapant quelques affaires, elle a réveillé ses deux enfants et est sortie en courant pour chercher un lieu sûr. Sa première idée a été de passer au Libéria.
« Il y a des années, des Libériens qui avaient fui la guerre civile ont été hébergés dans ma région, explique Ruth. Je suis devenue très amie avec une fille libérienne et nous avons été comme des sœurs pendant plusieurs années, jusqu’à ce qu’elle reparte. Lorsque j’ai fui les combats, je savais donc que j’aurais un endroit où vivre au Libéria. »
Le camp de réfugiés est connu sous le nom de « camp PTP » car il se trouve sur le site de l’ancienne entreprise Prime Timber Production. En septembre 2011, il a été réaménagé pour pouvoir accueillir 27 000 réfugiés. Environ 12 000 s’y trouvent toujours.
« Je ne prévois pas de retourner en Côte d’Ivoire pour l’instant, déclare Ruth. Ici mes enfants vont à l’école, nous ne nous couchons pas la faim au ventre. Nous recevons de l’aide et j’aide un agriculteur dans sa rizière en échange d’un peu de riz. Le plus important, c’est que nous vivons dans un environnement sûr. »
Le Tournoi de la Croix-Rouge pour la solidarité et le dialogue
Lorsque nous rencontrons Ruth, elle est occupée à se préparer pour un match de foot. Son maillot blanc portant le numéro neuf est suspendu à un fil au milieu de la pièce, tout propre et prêt à être enfilé, et elle est en train de nettoyer soigneusement ses chaussures de foot. Ruth est le capitaine d’une des équipes qui jouera en finale.
Durant toute la semaine, les jeunes du camp et les volontaires de la Croix-Rouge nationale du Libéria ont été occupés à organiser un tournoi de foot avec le soutien du CICR. Seize équipes masculines et huit équipes féminines y ont participé, et c’est aujourd’hui qu’ont lieu les finales sur le grand terrain au milieu du camp.
« Il y a beaucoup de jeunes dans le camp et la plupart n’ont pas d’emploi, explique Patrice Guei, le représentant des réfugiés. C’est très difficile de les occuper sans aide extérieure. Nous avons de jeunes volontaires qui travaillent avec eux, et parmi eux, il y a des entraîneurs de foot qui entraînent les équipes. En organisant un tournoi, on leur donne une occasion formidable de voir le résultat de tous leurs efforts. Et ça leur permet surtout de passer ensemble un beau moment plein de joie. »
Devant chez elle, Ruth échange quelques mots avec une joueuse de son équipe pour s’assurer qu’elle est prête. « C’est mon attaquante principale, explique Ruth, et une excellente buteuse. » Ruth jouait tous les jours au foot avec d’autres filles de son quartier. Puis, il y a une année, elles ont monté une équipe et disputé des matchs contre d’autres filles du camp. Grâce à un entraînement régulier et à leur motivation, elles sont devenues la meilleure équipe féminine du camp. Aujourd’hui, elles jouent même en dehors du camp et prouvent aux jeunes Libériens qu’une « équipe de filles », comme elle dit fièrement, peut être aussi forte qu’une équipe masculine.
Une foule bruyante se presse autour du terrain de foot. Par les haut-parleurs, une annonce invite les deux équipes et les arbitres à se présenter devant la tribune VIP montée par les volontaires de la Croix-Rouge. Sur la tribune bondée se côtoient des responsables du camp, des représentants d’organisations nationales et internationales et des journalistes de Monrovia ; tout cela donne à ce match des airs d’événement national.
Même la pluie torrentielle n’a pas réussi à décourager les supporters venus en masse pour acclamer leur équipe favorite, et les volontaires de la Croix-Rouge ont du mal à maintenir les spectateurs hors du terrain.
L’antenne de recherche de la Croix-Rouge
« La Croix-Rouge nationale du Libéria et le CICR réunissent les enfants non accompagnés et d’autres personnes vulnérables avec leur famille en Côte d’Ivoire », explique Kaku Cooper, assistant du chef de la sous-délégation du CICR à Zwedru. Lorsqu’ils viennent au Libéria, certains enfants perdent le contact avec leurs parents et doivent vivre dans des familles d’accueil. Nous nous efforçons de retrouver leurs parents, dont la plupart sont toujours en Côte d’Ivoire. C’est parfois compliqué quand de jeunes enfants ne se rappellent pas le nom exact ou l’adresse de leurs proches, ou lorsque les parents ont déménagé. »
Les volontaires de la Croix-Rouge nationale du Libéria ont mis en place des antennes de recherche dans les camps de réfugiés de la région pour y accueillir ceux qui cherchent à rétablir le contact avec leur famille en Côte d’Ivoire et ailleurs.
« Cette année, le monde entier célèbre le 150e anniversaire de la Croix-Rouge », explique Jean Oulai, responsable de l’antenne de recherche de la Croix-Rouge dans le camp. Lorsque nous avons proposé aux jeunes d’organiser un événement, ils ont eu l’idée d’un tournoi de foot qui réunirait toutes les équipes du camp. Ce sont eux qui ont trouvé le nom de ‘Tournoi de la Croix-Rouge pour la solidarité et le dialogue’. »