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Pakistan : Alina réapprend à marcher

20-05-2009 Éclairage

La guerre qui sévit dans le nord-ouest du Pakistan fait de plus en plus de victimes. En reportage dans la région pour le CICR, Jan Powell a rencontré Alina, une fillette de 10 ans grièvement blessée dans l’explosion d’une bombe, alors soignée à l’hôpital de campagne du CICR à Peshawar.

     
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    ©CICR/J. Powell / pk-e-00740      
   
Alina, 10 ans, a été blessée par des éclats d’obus lors d’une explosion survenue devant chez elle, dans la zone tribale de Khyber. Aujourd’hui, elle réapprend à marcher.  
               
    ©CICR/J. Powell / pk-e-00741      
   
Hôpital chirurgical de campagne du CICR à Peshawar. L’établissement se dote actuellement de tentes supplémentaires pour soigner les personnes blessées par arme dans le conflit qui fait rage dans le nord-ouest du Pakistan.  
           

C’est avec une certaine maladresse qu’Alina manie son déambulateur, s’appuyant lourdement dessus, les sourcils froncés par la concentration. Elle progresse lentement mais sûrement le long de l’allée pavée de dalles, glissant un pied en avant et mettant tout son poids sur l’autre jambe, très attentive à ne pas marcher dans le gravier qui recouvre de part et d’autre les bords de l’allée, et à éviter les pots de plantes vertes poussiéreuses disposés à intervalles réguliers. Elle arrive finalement à destination – une grande tente de toile qui sert de pavillon des femmes à l'hôpital chirurgical où le CICR traite les blessés par arme à Peshawar, et où Alina a passé ces deux derniers mois.

Nous sommes assis à l’extérieur de la tente, sous le soleil printanier, et la fillette me raconte comment elle est arrivée ici. Son père est cordonnier à Darra Adam Khel, une ville de la région de Khyber, pas loin de Peshawar (nord-ouest du Pakistan). Alina est la benjamine de la famille. Sa mère vit avec elle à l’hôpital. Elle explique que les six frères et les trois sœurs d’Alina sont restés, qui chez leur grand-mère, qui chez des tantes, en attendant que leur petite sœur soit guérie.

Elle enlace ses jambes de ses bras tandis qu’elle me raconte ce qui est arrivé le jour de l’accident. Elle était sortie jouer dehors avec ses petites amies lorsque tout à coup, une forte explosion s’est produite. « Tout s’est passé très vite, explique-t-elle. La bombe a explosé, mais je ne peux pas dire si elle venait de l’armée ou des talibans. À l’heure qu’il est, je ne sais toujours pas. » Une de ses amies a été tuée sur le coup. Quant à Alina, elle a perdu conscience et elle ne se souvient pas bien de ce qui est arrivé ensuite. D es éclats d’obus s’étaient logés dans ses deux jambes. Son père l’a emmenée au dispensaire local, mais ses blessures se sont infectées et son état a commencé à se détériorer. Son père a fini par partir avec elle à Peshawar pour y trouver de l’aide.

Alina est l’une des 50 personnes actuellement en traitement à l’hôpital de tentes installé par le CICR dans cette ville. Les patients qu’il accueille ont tous été victimes d’accidents dus à des bombes, des mines ou d’autres engins explosifs, ou encore blessés par balle, au cours du conflit qui fait rage dans les zones tribales sous administration fédérale et dans la province de la Frontière du Nord-Ouest.

L’hôpital a été inauguré en février dans le but de soigner les personnes blessées par arme. Aujourd’hui, face à l’escalade des combats entre les forces gouvernementales et les groupes armés dans le nord-ouest du Pakistan, sa capacité a été accrue de façon à pouvoir prendre en charge jusqu'à une centaine de blessés. Comme le docteur Adnan, l'un des médecins pakistanais qui travaillent à l'hôpital, me l’a expliqué « nous soignons tout le monde, riches ou pauvres, combattants ou civils, musulmans ou chrétiens ». Les dispensaires et les postes de santé des zones touchées par le conflit ne possèdent en effet pas le savoir-faire indispensable pour soigner des blessures complexes causées par des engins explosifs ou par des balles.

Après les deux opérations qui ont permis d’extraire les éclats d’obus de ses jambes, l’état d’Alina s’améliore. Elle fait de la physiothérapie et retrouve peu à peu la force nécessaire pour remarcher. Assise devant sa tente, elle joue avec Linda Jury, une infirmière australienne qui a quitté son job à plein temps dans un hôpital de Melbourne pour venir travailler à Peshawar. « C’est triste de voir des enfants qui souffrent, dit-elle, mais ça fait plaisir de voir cette fillette jouer à nouveau. Alina va mieux de jour en jour : elle figure au palm arès de nos grandes réussites. »

Le pyjama en coton bleu d’Alina dépasse sur son petit déambulateur. Elle espère pouvoir retourner bientôt chez elle. Quand je lui demande ce qu’elle aimerait faire quand elle sera grande, elle répond en souriant timidement : « maîtresse d’école ». Mais, lorsque je lui demande si elle se réjouit de retourner à l’école, son visage se rembrunit. Car, comme elle l’explique, elle ne retournera pas à l’école, ni elle ni les autres filles de la ville ; du moins pas dans un avenir prévisible : leur école a été détruite par les bombes.



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