Pérou : les familles des disparus à la recherche d’indices concernant leurs proches
09-09-2008 Éclairage
C'était avec l'espoir de savoir enfin ce qu'il était advenu de sa fille disparue il y a 24 ans que Marcelina s’est rendue au centre civique de Huanta, où étaient exposés près de 500 vêtements appartenant à quelque 90 personnes retrouvées en mai dernier dans plusieurs fosses communes de Putis. L'exposition s’est répétée quelques jours plus tard à Santillana, puis à Putis.
Indignées et attristées, des centaines de personnes, notamment des familles de victimes et des représentants d'associations de familles et des autorités locales, sont venus voir les vêtements exposés. Il s'agit là d'une des méthodes employées pour l'identification des restes humains découverts dans le cadre des recherches que mène l'équipe péruvienne d'anthropologie légale ( Equipo Peruano de Antropología Forense, EPAF), experte officielle en la matière.
En larmes, Marcelina a passé les vêtements en revue, encore et encore, les touchant, s'imprégnant de leur odeur. Pendant qu'elle tentait de trouver un indice qui lui permettrait d'identifier Rita, sa fille disparue à l'âge de 10 ans, d'autres habitants parcouraient les allées en essayant de reconnaître les vêtements que leurs proches portaient au moment de leur disparition. Il y avait des dizaines d'habits d'enfants et de bébés. « Qu'est-ce que les enfants avaient à voir là-dedans ? » ; « On les a tués pour le plaisir », entendait-on murmurer en quechua.
- Dans le cadre de ses activités en faveur des personnes disparues, le CICR participe à la formation de légistes. En outre, il a fourni aux institutions concernées un outil informatique leur permettant de compiler les données ante mortem / post mortem recueillies au sujet des victimes.
- Le CICR fournit également un soutien et un accompagnement aux familles des personnes disparues afin qu'elles puissent participer aux exhumations, aux expositions de vêtements et aux restitutions de restes humains. L'institution fournit les moyens de transport et les cercueils et, s'il y a lieu, intervient auprès des autorités et d'autres organisations pour répondre aux besoins de ces familles.
- Les expositions de vêtements réalisées à Huanta, Santillana et Putis ont été l'occasion pour les associations de familles de partager leurs expériences et d'aborder des thèmes tels que le renforcement des organisations et de la solidarité envers les familles des disparus.
À Putis, l'exposition des vêtements a eu lieu sur un terrain découvert de Mashuacancha, au bord de la rivière qui traverse le district. Depuis le lever du jour, les habitants des villages voisins y ont afflué. Des familles entières sont venues avec leurs enfants et parfois même avec leur troupeau dans l'espoir de trouver la trace d'un proche et d'en récupérer le corps « pour pouvoir enfin l'enterrer dignement et pour que son âme repose en paix ».
Pendant les cinq jours qu'a duré l'exposition, des vêtements appartenant à 20 personnes ont été reconnus par les familles, lesquelles ont prévenu l'EPAF afin qu'elle compare les nouvelles informations avec les données ante mortem recueillies précédemment.
Les experts de l'EPAF ont prélevé des échantillons de salive sur les personnes qui avaient cru reconnaître les vêtements d'un parent, pour pouvoir effectuer un test ADN. Ils ont aussi recueilli des informations auprès des familles de personnes disparues dans d'autres localités : 80 nouvelles fiches de données ante mortem ont ainsi été établies.
L'exposition, qui coïncidait avec la Journée internationale des personnes disparues (30 août), a été rendue possible grâce à l'initiative et au travail de l'EPAF, ainsi qu’à l'Association Paz y Esperanza. Quant au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), il a apporté son soutien en facilitant le transport des familles.
Le maire de la province et des représentants du ministère publique, du bureau du Défenseur du peuple, du Consejo de Reparaciones , de l'Association Paz y Esperanza , de l'EPAF, d’associations de victimes d'Ayacucho, d'Apurimac et de Lima, ainsi que du CICR, entre autres organisations, ont assisté à l'inauguration.
Selon les experts de l'EPAF, si les informations recueillies s'avèrent exactes, des restes humains pourraient être restitués aux familles dans le courant de l'année. Marcelina, pour l'heure, devra attendre. Ce n'est qu'une fois qu'elle aura donné une sépulture à sa fille que la blessure qui lui a causé tant de souffrances pendant toutes ces années pourra se refermer.