Pérou : les cas de tuberculose dans les prisons se multiplient en raison de la surpopulation

07-04-2009 Éclairage

La tuberculose, qui se transmet de personne à personne, se propage facilement au sein des établissements pénitentiaires surpeuplés. Au Pérou, le CICR participe à la formation de promoteurs de la santé chargés de détecter les éventuels cas de transmission, afin de traiter immédiatement les nouveaux malades.

     

    ©CICR / M.Mejía / pe-e-00374      
   
    Des détenus attendent qu’on leur distribue des médicaments.      
        Alors que Noël approchait, Juan Carlos, un détenu de l’établissement de Lurigancho, a soupçonné qu’il était atteint de tuberculose. Un matin de décembre, il a commencé à tousser et à cracher du sang. Il ne voulait pas que sa mère apprenne qu’il pouvait avoir la tuberculose, car alors sa famille ne viendrait pas lui rendre visite pendant les fêtes. Il ne lui a donc rien dit et n’a pas non plus cherché à vérifier ses soupçons ; il avait peur. Sa toux s’est aggravée, il n’a bientôt plus été en mesure de se nourrir ni de respirer normalement, l’épuisement l’a gagné. Quand il n’a plus pu cacher son état, il a accepté de se soumettre à un test, qui s’est révélé positif. Juan Carlos est tuberculeux, et sa mère est aujourd’hui également atteinte par la maladie.      
     
   
    Résistance au traitement
    La tuberculose est généralement traitée avec quatre médicaments pris durant 6 à 9 mois. Dans certains cas, des résistances à un médicament en particulier se développent, à cause soit d’un traitement interrompu ou inadéquat, soit d'une transmission directe par une personne ayant elle-même développé une résistance à la maladie. Le traitement usuel n'est alors plus efficace. Deux des médicaments sont considérés comme la « colonne vertébrale » du traitement, parce que ce sont eux qui tuent la bactérie. Lorsqu’il y a des résistances à ces deux médicaments, on parle de tuberculose multirésistante. Ce type de tuberculose peut être soigné, mais cela implique un traitement long, lourd et coûteux. Dans certains cas, les détenus abandonnent leur traitement, en raison des effets secondaires ou des contraintes qu’il occasionne pour être mené à terme.      
        « Les conditions de promiscuité qui règnent dans l’établissement carcéral de Lurigancho en font un réservoir pour la tuberculose, qui se propage jusqu’à l’extérieur des murs de la prison, devenant ainsi un problème de santé publique. Lurigancho a été conçu pour abriter 2 000 personnes. Or il compte actuellement plus de 11 000 détenus », explique le docteur Miguel Angel Melgarejo, coordonnateur médical de l’établissement. En 2008, quelque 900 000 visites y ont été enregistrées, un chiffre qui illustre l’ampleur du risque de contagion.

Ces dernières années, le nombre de nouveaux cas est monté en flèche. « En quatre ans, il a été multiplié par trois », précise le docteur Melgarejo. Rien qu’en 2008, 730 nouveaux cas ont été répertoriés, et on estime à plus de 103 le nombre de nouvelles contaminations au cours des deux premiers mois de 2009.

En 2007, le taux de prévalence, ou de morbidité, au sein de l’établissement pénitentiaire de Lurigancho était 49 fois supérieur au taux national.

Divers programmes et activités ont été mis sur pied dans le but d’éradiquer la maladie. Avec le soutien du CICR et d’autres institutions, des promoteurs de la santé ont été formés. Ils ont pour mission de repérer les personnes qui présentent des symptômes respiratoires et qui donc pourraient être porteuses du bacille de Koch, afin de les diriger immédiatement vers l’infirmerie de l’établissement.

La présence de promoteurs de la santé au sein de l’établissement pénitentiaire de Lurigancho – ils sont au nombre de 30, à temps complet – et l’augmentation du personnel médical, rendue possible grâce au soutien du Fonds mondial, ont contribué à améliorer la détection des cas de tuberculose, ce qui a abouti à une plus grande fiabilité des statistiques. 

« Plus on cherche, plus on trouve », déclare le docteur Melgarejo, qui ne cache néanmoins pas une certaine préoccupation. En effet, la courbe de croissance de la maladie ne s’est toujours pas stabilisée à ce jour.

« La tuberculose au sein du pénitencier de Lurigancho est un véritable problème, car l’augmentation du nombre de cas est inquiétante. Or les chiffres ne semblent pas vouloir se stabiliser, ce qui s’explique par de nombreux facteurs. Outre les conditions de surpopulation, l’hygiène de vie joue aussi un rôle, certains détenus étant plus susceptibles de contracter la maladie ou de faire des rechutes, créant des cas de résistance au traitement », précise le fonctionnaire.

 
   
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    Un promoteur de la santé auprès d’un patient asymptomatique.      
        Les membres du personnel médical discutent du problème avec les détenus et leur famille. Ils mènent des campagnes de dépistage dans les pavillons où l’incidence de la maladie est élevée et font des prélèvements, afin de déterminer quelles sont les personnes qui ont contracté la maladie. Pour ce faire, l’établissement de Lurigancho a pu compter sur le soutien du Fonds mondial, qui a notamment financé la construction d’un laboratoire spécialement destiné à l’analyse des prélèvements, ainsi que l’achat d’un autoclave, appareil permettant la destruction des micro-organismes présents dans les prélèvements. 

L’infirmerie du pénitencier reste en état d’alerte et, conjointement avec les promoteurs de la santé, son personnel se rend deux fois par mois dans les pavillons les plus surpeuplés, où se trouve la population la plus à risque.

« Nous devons nous y rendre à 7 heures du matin, avant que les détenus vaquent à leurs occupations, car c’est justement la population la plus touchée qui se déplace le plus entre les différents pavillons. Aux périodes où nous ne menons pas de campagnes, par exemple au début de l’année, lorsque nous manquons de personnel, on constate que le nombre de tuberculeux est en hausse », souligne le docteur Melgarejo. 

L’unité de détention réservée aux personnes atteintes de tuberculose dont dispose l’établissement est insuffisante. Actuellement, 140 malades y sont hospitalisés, alors que les autres reçoivent un traitement ambulatoire.