Sri Lanka : toujours plus de malades et de blessés évacués de la zone de conflit vers l’hôpital

02-04-2009 Interview

Depuis le 10 février, le CICR a évacué des milliers de personnes de la zone de conflit, dans le nord de Sri Lanka, vers le district de Trincomalee, afin qu’elle puissent y être soignées. Martin Hermann, chirurgien du CICR, évoque les problèmes rencontrés par les patients évacués et son travail à l’hôpital de Trincomalee.

  Pourquoi le CICR évacue-t-il des civils hors de la région de Vanni ?  

Tandis que les affrontements entre les forces du gouvernement sri-lankais et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) se poursuivent, les blessés et les malades continuent d’affluer dans une structure médicale de fortune à Putumattalan, sur la côte nord de Sri Lanka. Comme les structures médicales en état de fonctionner font défaut dans la zone de conflit, le CICR a évacué plus de 6 600 personnes – des malades, des blessés et leurs infirmiers – par la mer vers le district de Trincomalee depuis le 10 février. À leur arrivée, les patients sont transférés à l’hôpital pour y être soignés. À l’hôpital de Trincomalee, le personnel du ministère de la Santé et une équipe médicale du CICR composée d’un chirurgien (moi), d’un anesthésiste et d’une infirmière, ont traité plus de 1 900 patients depuis la première évacuation par la mer.

  Comment décririez-vous l’état des patients évacués depuis Putumattalan ?  

     
    ©Reuters      
   
Le personnel médical soigne un homme blessé à l’hôpital temporaire de Pulmudai à Trincomalee        
         

Ils sont souvent dans un état grave. Le personnel du ministère de la Santé qui travaille à Putumattalan est très ingénieux – compte tenu des conditions difficiles dans lesquelles il doit travailler, il fait un travail remarquable. Cependant, étant donné le grand nombre de personnes nécessitant des soins médicaux dans la zone de conflit et la pénurie de fournitures médicales, de nombreux patients arrivent à Trincomalee dans un état d’épuisement total, déshydratés et très souvent trop faibles pour bouger. Après avoir été examinés, mangé et bu et s’être quelque peu reposés, la plupart commencent à se sentir mieux. Certains commencent même à sourire. Ils sont peut-être inquiets au sujet de leur état de santé et de leur avenir, mais ils sont soulagés d’avoir quitté la zone de conflit.

  Quels types de blessure observez-vous chez les patients évacués de Putumattalan ?  

De nombreux patients doivent être amputés à cause de blessures causées par des éclats d’obus. Nous soignons aussi des blessures sur d’autres parties du corps, parfois pour retirer des éclats. Chez de nombreux patients, les blessures sont fortement infectées, parfois dans la zone où l’amputation est nécessaire. Les infections s’étendent rapidement lorsqu’une blessure n’est pas traitée à l’aide d’antibiotiques ou qu’un bandage ne peut pas être changé. Parfois, les blessures des patients ont été bandées à l’aide de morceaux de sarong ou de T-shirt au lieu de bandages. Des bouts de bois sont souvent utilisés comme attelles pour immobiliser une fracture et épargner des souffrances au blessé. Les amputés auront besoin de physiothérapie et d’un traitement prothétique pour retrouver l’usage de leur membre. Des employés compétents et des installations adéquates sont nécessaires pour ce type de traitements à long terme.

  Vu le grand nombre de malades et de blessés à Putumattalan en ce moment, comment les patients bénéficiant d’une évacuation médicale sont-ils choisis ?  

En raison du manque de places disponibles sur le ferry affrété par le CICR, il est nécessaire de sélectionner les patients en fonction des besoins. Les patients bénéficiant d’une évacuation sont sélectionnés sur les conseils de professionnels médicaux qui travaillent à Putumattalan. Le CICR ne participe pas au processus de sélection. Chaque évacuation est conduite avec l’accord des autorités locales. Une fois que les patients embarquent sur notre ferry et arrivent à Trincomalee ou, comme ces derniers jours, à Pulmoddai, des structures médicales prennent le relais. Elles déterminent quels sont les soins prioritaires en fonction du degré d’urgence médicale.

  En quoi les procédures appliquées aux patients qui arrivent d’une zone de conflit diffèrent-elles de celles appliquées aux autres patients ?  

Le type de blessure est différent. Les blessures sont fortement infectées par tous les types de germes que vous trouvez sur le sol. Souvent, une grande quantité de tissu a été détruite, par exemple par des éclats d’obus, et il est possible que l’irrigation sanguine de la zone touchée ait été interrompue. Pour soigner une telle blessure, la première étape consiste à retirer une grande quantité de tissus morts afin de prévenir l’infection. Chez de nombreux patients évacués de Putumattalan, nous devons retirer les tissus morts, nettoyer la blessure, faciliter le processus de guérison et parfois faire des greffes de peau pour refermer des blessures très étendues. Nous immobilisons aussi les fractures. Le temps est un facteur essentiel pour soigner ces blessures. Si les procédures et le traitement chirurgicaux adéquats sont appliqués à temps, les chances de guérison rapide augmentent considérablement. Parfois, cela peut permettre de sauver un membre.

  Quelle est votre relation de travail avec le personnel médical de l’hôpital de Trincomalee ?  

Le personnel médical de l’hôpital de Trincomalee est extrêmement dévoué. En ce moment, il doit soigner des patients souffrant de blessures inhabituelles. C’est là que la compétence particulière et le soutien du CICR constituent un avantage concret, que le personnel de Trincomalee apprécie. Nous nous complétons. Nous avons une très bonne relation de travail.

  Pourquoi êtes-vous passé de chirurgien général à chirurgien « humanitaire » ?  

Bien que je sois chirurgien général, j’ai également des connaissances en orthopédie, qui étaient utiles quand je travaillais pour diverses ONG, et que j’opérais des victimes de conflits armés ou d’autres formes de violence dans des hôpitaux, notamment au Nigéria et en Afghanistan. En 2007, j’ai effectué une mission avec la Croix-Rouge allemande et le CICR à Puthukkudiyiruppu, ce qui a pesé sur ma décision de revenir à Sri Lanka avec le C ICR.



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