Dossier d'information : élaboration d'une législation nationale relative à la mise en œuvre de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel

01-12-2011

Ce dossier a pour but d'aider les États à établir une législation relative à la mise en oeuvre de la Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel.

  1. Introduction
  2. Éléments à prendre en considération dans l’élaboration de la législation de mise en œuvre
  3. Tableau des mesures de mise en oeuvre de l'article 9, telles que rapportées par les États parties en vertu de l'article 7 (31.12.2011)

  1. INTRODUCTION  

La Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (ci-après « la Convention») offre un cadre général aux efforts déployés pour mettre fin aux souffrances que provoquent ces armes. Elle repose sur plusieurs interdictions essentielles qui visent à interdire les mines antipersonnel et porter assistance aux victimes de mines et aux communautés touchées par la présence de mines.

Chaque État partie à la Convention s’engage à :

  • ne jamais, en aucune circonstance, employer, mettre au point, produire, acquérir de quelque autre manière, stocker, conserver ou transférer à quiconque, directement ou indirectement, de mines antipersonnel, et ne jamais assister, encourager ou inciter quiconque à le faire (article 1);

  • détruire tous les stocks de mines antipersonnel dont il est propriétaire ou détenteur ou qui sont sous sa juridiction ou son contrôle, ou à veiller à leur destruction, au plus tard quatre ans après l’entrée en vigueur de la Convention pour cet État partie (articles 1 et 4);

  • détruire toutes les mines antipersonnel dans les zones minées sous sa juridiction ou son contrôle, ou à veiller à leur destruction, au plus tard dix ans après l’entrée en vigueur de la Convention pour cet État, et en attendant cette destruction, marquer et surveiller toutes les zones où la présence de mines antipersonnel est avérée ou soupçonnée (article 5);

  • fournir, s’il est en mesure de le faire, une assistance pour la destruction des stocks de mines antipersonnel, le déminage, les programmes de sensibilisation aux dangers des mines, les soins aux victimes des mines, leur réadaptation, et leur réintégration sociale et économique (article6) ;

  • présenter un rapport au Secrétaire général des Nations Unies au plus tard 180 jours après l’entrée en vigueur de la Convention pour cet État, puis au plus tard le 30 avril de chaque année (article 7);

  • permettre l’accès aux commissions d’établissement des faits autorisées en application de l’article 8, et faciliter leurs travaux;

  • imposer des sanctions pénales po ur prévenir et réprimer toute activité interdite en vertu de la Convention, qui serait menée par des personnes, ou sur un territoire, sous sa juridiction ou son contrôle (article 9).

Pour s'acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention, les États parties doivent adopter un éventail de mesures — législatives, administratives et autres — destinées à assurer l’application et la mise en oeuvre de la Convention.

La principale disposition relative à l'adoption de mesures législatives de mise en œuvre de la Convention est l’article 9, qui stipule:

  «Chaque Etat partie prend toutes les mesures législatives, réglementaires et autres, qui sont appropriées, y compris l'imposition de sanctions pénales, pour prévenir et réprimer toute activité interdite à un Etat partie en vertu de la présente Convention, qui serait menée par des personnes, ou sur un territoire, sous sa juridiction ou son contrôle.»  

Ce dossier d’information a pour but d’aider les États à établir une législation relative à la mise en œuvre de la Convention; il recense les éléments à prendre en considération dans l’élaboration d'une telle législation.

Un certain nombre d’États, aussi bien de common law que de tradition romano-germanique, ont adopté des mesures législatives pour s'acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention. Certains ont adopté une loi spécifique, tandis que d’autres ont apporté des amendements aux dispositions existantes du droit national. Le dossier d’information est consacré à l'adoption de législation spécifique. Les lois adoptées par l’Espagne, la France, le Mali, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et Trinité-et-Tobago sont annexées (dans la langue originale) à ce dossier à titre d’exemples.

 

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  2. ÉLÉMENTS A PRENDRE EN CONSIDERATION DANS L'ELABORATION DE LA LEGISLATION DE MISE EN OEUVRE  

La législation de mise en œuvre doit prévoir des sanctions pénales (section 2.1). Elle peut aussi contenir des dispositions relatives aux définitions (section 2.2), aux composantes des mines antipersonnel (section 2.3), à la destruction des mines et au déminage (section 2.4), à l’établissement de rapports (section 2.5), et aux missions d’établissement des faits (section 2.6).

  2.1 Responsabilité pénale individuelle pour les activités interdites par la Convention  

  2.1.1 Introduction  

L’article 9 de la Convention fait obligation aux États parties d’imposer des sanctions pénales pour prévenir et réprimer toute activité interdite en vertu de la Convention, menée par des personnes, ou sur un territoire, sous leur juridiction ou leur contrôle. En application de l’article 1 de la Convention, il est interdit aux États parties d’employer, de mettre au point, de produire, d’acquérir de quelque autre manière, de stocker, de conserver ou de transférer à quiconque, directement ou indirectement, des mines antipersonnel. Il leur est en outre interdit d’assi ster, d’encourager ou d’inciter, de quelque manière, quiconque à s’engager dans toute activité interdite.

Les États parties doivent veiller à ce que leur législation de mise en œuvre:

  • impose la responsabilité pénale individuelle pour les activités interdites par la Convention (voir section 2.1.2) ;

  • autorise au besoin des exceptions à la responsabilité pénale, au sens de l’article 3 de la Convention (voir section 2.1.3) ;

  • impose des sanctions pénales proportionnelles à la gravité du délit (voir section 2.1.4) ;

  • établisse la compétence des tribunaux pour les activités interdites menées par des personnes ou sur un territoire sous leur juridiction ou leur contrôle (voir section 2.1.5).

  2.1.2 Responsabilité pénale individuelle  

La législation de mise en œuvre doit imposer la responsabilité pénale individuelle pour toutes les activités interdites par la Convention aux termes de l’article 1, y compris le fait d’assister, d’encourager ou d’inciter quiconque à s’engager dans ces activités.

La législation de mise en œuvre de certains États contient en outre des dispositions spécifiques relatives à la responsabilité des personnes morales.

  2.1.3 Exceptions  

L’article 3, paragraphe 1, de la Convention permet la conservation ou le transfert d’un certain nombre de mines antipersonnel pour la mise au point de techniques de détection des mines, de déminage ou de dest ruction des mines et pour la formation à ces techniques. Le nombre des mines antipersonnel conservées ou transférées ne doit pas excéder le minimum absolument nécessaire à ces fins. L’article 3, paragraphe 2, autorise le transfert des mines antipersonnel aux fins de leur destruction.

Les États parties peuvent prévoir de telles exceptions dans leur législation de mise en œuvre. Certains États précisent dans leur législation de mise en oeuvre le nombre maximum des mines antipersonnel qui peuvent être conservées ou transférées pour la mise au point de techniques de détection des mines, de déminage ou de destruction des mines, et pour la formation à ces techniques. 

  2.1.4 Peines  

L’article 9 fait obligation aux États parties d’imposer des sanctions pénales pour les activités interdites en application de la Convention, sans préciser la nature des peines à prononcer.

Les États parties doivent veiller à ce que leur législation de mise en œuvre prévoit des sanctions pénales proportionnelles à la nature et à la gravité du délit, et conformes au régime des peines applicables à d’autres délits. La législation de mise en œuvre prévoit généralement que les auteurs du délit sont passibles d’une peine d’emprisonnement et/ou d’une amende.

Les États parties peuvent aussi prévoir dans leur législation de mise en œuvre une disposition autorisant la saisie ou la confiscation des mines antipersonnel ou d’autres objets interdits (essentiellement, des composantes de mines antipersonnel, voir section 2.3), utilisés pour commettre un délit.

  2.1.5 Compétence des tribunaux  

     

L’artic le 9 de la Convention fait obligation aux États parties d’imposer des sanctions pénales pour les activités interdites, qui seraient menées par des personnes ou sur un territoire, sous leur juridiction ou leur contrôle.

Chaque État partie doit veiller à ce que sa législation de mise en œuvre prévoit la compétence des tribunaux pour les délits commis sur son territoire, ou sur un territoire sous son contrôle, ainsi que pour les actes commis par des ressortissants de l’État hors de son territoire.

  2.2 Définitions  

Les États parties doivent veiller à ce que leur législation de mise en œuvre contienne des définitions conformes à celles données à l’article 2 de la Convention.

L’article 2 de la Convention définit les termes «mine antipersonnel», «mine », «dispositif antimanipulation», « transfert» et « zone minée ». La législation de mise en œuvre doit inclure la définition de chacun de ces termes, ou faire référence aux définitions contenues dans la Convention. Les définitions qui sont données dans la législation doivent être conformes au libellé de la Convention afin d'éviter toutes incohérences entre la Convention et la loi nationale, et prévenir des lacunes indésirables.

Outre les définitions contenues dans la législation, un certain nombre d’États de common law ont inclus dans leur législation de mise en œuvre, la définition de termes tels que « composante», « Convention», «mission d’établissement des faits», « locaux» et « objet interdit».

  2.3 Composantes des mines antipersonnel  

L’article 1 de la Convention interdit l’emploi, la mise au point, la production, l’acquisition, le stockage, la conservation ou le transfert des mines an tipersonnel. L’interdiction s’étend aux personnes qui assistent, encouragent ou incitent quiconque à s’engager dans des activités interdites.

Bien que la Convention ne fasse pas explicitement référence aux composantes des mines antipersonnel, un certain nombre d’États ont assimilé les pièces conçues pour faire partie d’une mine antipersonnel, ou adaptées à cette fin, à des «objets interdits», dont la possession, l’acquisition ou le transfert constitue dès lors un délit.

  2.4 Destruction des stocks et déminage  

Aux termes des articles 4 et 5, chaque État partie est tenu de détruire ou de veiller à la destruction de :

  • tous les stocks de mines antipersonnel dont il est propriétaire ou détenteur, dès que possible, et au plus tard quatre ans après l’entrée en vigueur de la Convention pour cet État;

  • toutes les mines antipersonnel dans les zones minées sous sa juridiction ou son contrôle, dès que possible, et au plus tard dix ans après l’entrée en vigueur de la Convention pour cet État.

Un certain nombre d’États ont prévu dans leur législation de mise en œuvre des dispositions destinées à faciliter la destruction des mines antipersonnel et le déminage. Ces dispositions confèrent le droit d’entrer dans des locaux et de les perquisitionner, et autorisent la collecte et le transfert des mines antipersonnel en vue de leur destruction. De telles dispositions peuvent se révéler utiles pour faciliter les programmes de destruction des mines et de déminage dans les États qui ont des stocks de mines antipersonnel ou des zones minées sous leur juridiction ou leur contrôle.

La législation de mise en œuvre de certains États contient une disposition fixant la date d’achèvement de la destruction des stocks. Ce genre de disposition peut constituer un moyen utile de garantir que le délai fixé dans la Convention sera respecté.

Il peut être nécessaire de prévoir une disposition exigeant que les zones minées, qu'elles soient avérées ou soupçonnées, se trouvant sous la juridiction ou le contrôle de l’État, soient marquées, surveillées et protégées par une clôture ou d’autres moyens afin d’empêcher les civils d’y pénétrer jusqu’à ce que le déminage ait été effectué. 

  2.5 Rapports annuels  

L’article 7 de la Convention fait obligation à chaque État partie de présenter des rapports au Secrétaire général des Nations Unies. Un rapport initial doit être soumis au plus tard 180 jours après l’entrée en vigueur de la Convention pour cet État. L’information contenue dans le rapport initial doit être mise à jour annuellement, en couvrant la dernière année civile, et communiquée au plus tard le 30 avril de chaque année.

Ces rapports doivent fournir des informations sur des questions diverses, dont les mesures d’application nationales adoptées en vertu de l’article 9, le total des stocks de mines antipersonnel, la localisation de toutes les zones minées, le nombre des mines conservées aux termes de l’article 3, l’état des programmes de destruction, et les mesures prises pour alerter les populations civiles au sujet de toutes les zones minées. Les États parties peuvent également, s’ils le souhaitent, faire rapport sur d’autres aspects pertinents qui ne sont pas couverts par l’article 7, tels que l’assistance apportée pour les soins et la réadaptation, ainsi que la réintégration sociale et économique, des victimes de mines.

Les États parties doivent s’interroger sur l’opportunité de conférer des pouvoirs en matière de collecte de renseignements au Ministre chargé d’établir ces rapports et d’exiger la divulgat ion des informations sur les mines antipersonnel. Il leur faudra examiner leurs lois nationales afin de s’assurer qu’elles n’entravent pas l’accès et la pleine divulgation de l’information requise pour s'acquitter de l'obligation définie à l’article 7.

L'Assemblée des États parties à la Convention a adopté un modèle de présentation des rapports que les États doivent utiliser pour élaborer ces rapports. Ce modèle peut être obtenu auprès du Département des affaires de désarmement, Organisation des Nations Unies, S-3100, New York, NY10017 (par courrier électronique à malinova@un.org) ou sur le site Web suivant : www.un.org/depts/dda.

  2.6 Missions d’établissement des faits  

L’article 8 de la Convention établit une procédure d’éclaircissement à laquelle peut recourir un État partie en cas de doutes quant au respect de la Convention par un autre État partie. Les mesures vont de la demande d’éclaircissements aux missions d’établissement des faits.

Chaque État partie doit s’assurer qu’il est en mesure de coopérer avec une mission d’établissement des faits autorisée à mener ses activités sur son territoire ou sur un territoire sous son contrôle, en application de l'article 8 de la Convention. Cela peut exiger l’adoption de mesures législatives, réglementaires et administratives pour :

  • garantir que les membres de la mission d’établissement des faits jouiront des privilèges et immunités prévus à la Convention (article 8, para. 10) ;

  • accueillir, transporter et loger la mission d’établissement des faits et assurer, dans toute la mesure du possible, la sécurité de ses membres (article 8, para. 11);

  • permettre à la mission d’établissement des faits d’apporter sur le territoire de l’État l’équipement nécessaire pour la collecte de renseignements sur le cas de non-respect pr ésumé (article 8, para. 12);

  • donner à la mission d’établissement des faits la possibilité de s’entretenir avec toutes les personnes susceptibles de fournir des renseignements utiles (article 8, para. 13) ;

  • accorder à la mission d’établissement des faits l’accès à toutes les zones et installations sous le contrôle de l’État (article 8, para. 14).

La législation de mise en œuvre de la plupart des États contient des dispositions qui couvrent certains ou l’ensemble de ces points. Les États peuvent aussi prévoir des peines en cas d’obstruction ou de déclaration fausse ou trompeuse à un membre d’une mission d’établissement des faits exerçant les fonctions ou les pouvoirs qui lui sont conférés en application de la Convention.