Déclaration du directeur général du CICR, Yves Daccord
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) prend-il au sérieux les actes d'inconduite sexuelle commis par des membres de son personnel ? C'est la question que posent d'anciens collaborateurs du CICR et des collègues en poste, qui sont bien placés pour savoir que notre organisation, comme toutes celles du secteur humanitaire, doit s'attaquer à ce problème.
Soyez toutes et tous assurés que la réponse est oui – nous prenons cette question extrêmement au sérieux. Aucune forme de discrimination, de harcèlement ou d'abus n'a sa place au sein de notre institution.
J'ajouterais que nous devons faire preuve d'une profonde humilité en cette période où nous tâchons d'évaluer l'ampleur du problème et de remédier aux manquements.
J'aimerais vous expliquer les mesures que nous avons prises ces dernières années, où nous en sommes aujourd'hui et comment l'institution traitera cette question à l'avenir.
Sachez tout d'abord que nous sommes déterminés à renforcer nos mécanismes de répression des violations du Code de conduite du CICR, ainsi qu'à bâtir une culture interne de la diversité et de l'inclusion qui soit respectueuse de toutes et tous.
Notre réponse aux signalements récents de comportements répréhensibles
Nous utilisons depuis des décennies un système de gestion décentralisée sur lequel nous fondons nos décisions concernant la sécurité et la fourniture d'assistance sur le terrain – des décisions qui peuvent faire la différence entre la vie et la mort. Mais il est difficile dans le cadre de cette approche de compiler des chiffres globaux et précis sur les comportements répréhensibles.
J'ai demandé à mes équipes d'inspecter les données dont nous disposons sur l'inconduite sexuelle. Je peux vous informer que depuis 2015, nous avons identifié 21 membres du personnel qui ont été licenciés pour recours au sexe tarifé, ou qui ont démissionné après l'ouverture d'une enquête interne. Les contrats de deux autres membres du personnel suspectés d'inconduite sexuelle n'ont pas été renouvelés. C'est avec une profonde tristesse que je vous annonce ces chiffres.
De tels comportements relèvent de l'abus de confiance envers les personnes et les communautés que nous sommes censés servir. Ils portent atteinte à la dignité humaine et nous aurions dû mieux les prévenir en exerçant une plus grande vigilance.
Le CICR emploie plus de 17 000 personnes dans le monde entier. Nous craignons que d'autres incidents n'aient pas encore été signalés ou n'aient pas été traités comme il se doit après leur signalement. Nous prenons actuellement des mesures pour remédier à ce problème.
Quelles procédures pour traiter les allégations d'actes répréhensibles ?
Tous les membres du personnel ont l'obligation contractuelle de respecter le Code de conduite du CICR, qui interdit explicitement l'achat de services sexuels. Cette interdiction s'applique depuis 2006 en toutes circonstances et dans le monde entier, y compris les pays où la prostitution est légale. En effet, le CICR estime qu'avoir recours au sexe tarifé est incompatible avec les valeurs et la mission de l'institution.
Nous avons créé au printemps 2017 le Global Compliance Office, qui est chargé de garantir le respect du Code de conduite par l'ensemble du personnel. Ce bureau traite les plaintes et les allégations en toute confidentialité et fonctionne d'une manière indépendante. Il y a déjà plusieurs années, nous avions mis en place un réseau mondial d'ombuds auxquels les collaboratrices et collaborateurs en quête de conseils et d'assistance peuvent s'adresser.
Ces mécanismes visent à assurer une surveillance institutionnelle et à nous donner une vue d'ensemble de tous les cas de comportements répréhensibles. Ils devraient garantir une cohérence et une équité globales dans l'application des règles.
Les plaintes et les allégations seront suivies d'actions fermes et systématiques : tel est l'engagement que je prends envers les bénéficiaires et les collaborateurs du CICR. Tout membre du personnel reconnu coupable de violation du Code de conduite devra répondre de ses actes.
Promouvoir une culture du respect
Les mesures que nous avons prises à ce jour sont importantes, mais nous devons faire plus pour mettre un terme aux comportements inacceptables. Nous réexaminons en permanence les procédures et les systèmes en place.
Nous devons rester humbles, écouter attentivement les communautés et les membres du personnel et reconnaître qu'un changement de culture doit être opéré dans notre institution.
Je suis redevable aux collaborateurs du CICR qui ont engagé des discussions parfois dérangeantes, mais ô combien nécessaires sur ce qui doit changer. Nous poursuivrons ces discussions en mettant en place différentes plateformes de dialogue dans les délégations comme au siège. Elles guideront nos décisions quant aux mesures à prendre pour nous améliorer collectivement.
De plus, j'ai contacté d'autres organisations humanitaires en vue de répondre aux questions qui exigent un effort collectif, comme le fait d'empêcher les auteurs d'infractions de passer d'un organisme à l'autre sans que leurs actes soient connus.
Je suis résolu à promouvoir une culture interne qui encourage tous les membres du personnel à prévenir, repérer et signaler les comportements répréhensibles. Toutes les allégations font l'objet d'une enquête. Les collaborateurs doivent pouvoir se manifester et faire part de leurs préoccupations en toute confiance, et nous les avons incités à le faire en utilisant une adresse électronique confidentielle réservée à cet usage.
Il est extrêmement important que le silence qui entourait ces questions ait été brisé. L'ensemble du secteur humanitaire se trouve à un tournant de son histoire. Notre comportement doit être d'une intégrité absolue : nous le devons aux personnes que nous servons.