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Cinq choses à savoir sur l’héritage meurtrier des restes explosifs de guerre

Lorsqu’un conflit prend fin, les civils continuent d’en subir les effets, parfois longtemps après que les hostilités actives ont cessé. Les munitions non explosées disséminées à travers le monde font des ravages parmi de nombreuses communautés. Tapis à la surface ou enfouis dans le sol, ces engins dangereux et souvent invisibles peuvent semer la mort et la destruction à tout moment.

La contamination par les armes est un problème planétaire de longue date qui touche des millions de personnes, condamnées à vivre dans la peur au quotidien. Les mines et les restes explosifs de guerre continuent de mettre en péril la sécurité et le bien-être d'innombrables civils innocents. Il est temps que les dirigeants du monde entier prennent des mesures concrètes pour éliminer cette menace définitivement.

L'essentiel sur les restes explosifs de guerre en 5 questions/réponses

Qu'entend-on par « restes explosifs de guerre » ?

Les restes explosifs de guerre (REG) désignent les munitions explosives qui n'ont pas explosé après avoir été tirées ou lancées (munitions non explosées) ou qui ont été laissées sur le champ de bataille par l'une des parties à un conflit sans avoir été utilisées (munitions explosives abandonnées). Obus d'artillerie, grenades, obus de mortier, armes à sous-munitions, roquettes, missiles et autres munitions explosives – ainsi que certains engins explosifs improvisés, selon la façon dont ils ont été conçus et dont ils fonctionnent – peuvent tous devenir un jour des restes explosifs de guerre.

Le taux d'échec des munitions explosives toutes catégories confondues peut varier considérablement d'un engin à l'autre – de 1 à 40% – en raison de plusieurs facteurs tels que l'ancienneté, les conditions de conservation et d'utilisation, la qualité de la conception et de la production, le type de matériau ou de sol au point d'impact, les conditions atmosphériques ou encore le degré de maîtrise de l'opérateur. Les engins lancés ou tirés qui n'ont pas explosé comme prévu risquent de se déclencher sans crier gare et de blesser ou tuer des civils, inconscients du danger qui les menace.

 

Alyona Synenko/CICR

Quel est le coût humain de la contamination par les armes et de quelle manière affecte-t-elle la santé, la sécurité et le quotidien des populations touchées ?

Dans toutes les régions du monde, de nombreux territoires – anciens champs de bataille – sont encore infestés de restes explosifs de guerre (REG) qui continuent de tuer et mutiler des milliers de civils – majoritairement des enfants – des décennies après que les hostilités actives ont pris fin. D'après certains spécialistes, plus de la moitié des pays à travers le monde sont touchés par le fléau des mines terrestres et des REG. La présence de ces munitions limite l'accès des populations aux structures de santé et autres services essentiels, perturbe le bon fonctionnement et l'entretien des infrastructures de base, compromet les déplacements et les voies d'évacuation, et entrave la fourniture d'une assistance humanitaire vitale.

Après l'arrêt des combats, la menace des munitions non explosées demeure, freinant la reprise des activités agricoles et du commerce, ralentissant les travaux de reconstruction et empêchant les personnes déplacées de rentrer chez elles. La contamination par les armes est un obstacle durable au développement socio-économique. L'emploi d'armes explosives dans des zones habitées, en particulier en milieu urbain, entraîne un coût humain exorbitant car dans ce type d'environnement le nombre de victimes directes et indirectes est nettement plus élevé et les opérations de décontamination bien plus difficiles à réaliser. Certains conflits récents, dont certains se poursuivent, notamment au Moyen-Orient, en Ukraine ou dans d'autres pays, en sont une tragique illustration.

 

Marko Kokic/CICR

Quelles sont les obligations imposées aux belligérants par le droit international humanitaire en ce qui concerne les restes explosifs de guerre ?

Au titre du DIH, les parties à un conflit armé qui utilisent des munitions explosives ou qui contrôlent des zones contaminées par des restes explosifs de guerre (REG) sont tenues de :

  • prendre des mesures pour protéger la population civile contre les risques et les effets des REG, aussi bien pendant les combats qu'après la cessation des hostilités ;
  • prendre en compte, dans l'évaluation de la proportionnalité d'une attaque, le risque que ces munitions n'explosent pas au moment de l'impact ainsi que les effets indirects de la contamination par les armes sur la vie et la santé des civils ;
  • procéder à la localisation, au marquage, à la surveillance et à la décontamination des zones affectées et faire en sorte que les civils soient dûment informés de l'emplacement de ces zones et des risques inhérents aux REG.

Ces obligations sont détaillées dans le Protocole V annexé à la Convention de 1980 sur certaines armes classiques. Cet instrument juridique contraignant, qui porte spécifiquement sur les restes explosifs de guerre, lie tous les États qui y ont adhéré ainsi que les groupes armés non étatiques qui ont été ou sont parties à un conflit armé ayant entraîné (ou étant susceptible d'entraîner) la dissémination de REG sur le territoire d'un État partie au Protocole V.
En vertu dudit protocole, toute partie qui emploie ou abandonne des munitions explosives doit s'acquitter des trois obligations principales suivantes :

  • enregistrer des renseignements détaillés et précis sur les munitions explosives que ses forces armées ont employées ou abandonnées ;
  • communiquer ces renseignements à la partie qui contrôle la zone où se trouvent ces engins et/ou aux organisations qui procéderont aux opérations d'enlèvement ou qui mèneront des actions de sensibilisation aux risques ;
  • fournir, lorsqu'elle est en mesure de le faire, une assistance (technique, financière, matérielle ou autre) à la partie qui contrôle le territoire affecté afin de faciliter le marquage et l'enlèvement, le retrait ou la destruction de ces restes explosifs de guerre.

Les États et les groupes armés non étatiques qui contrôlent des territoires contaminés par des REG ont deux obligations supplémentaires :

  • prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils contre les risques inhérents aux restes explosifs de guerre et les effets de ces restes (par ex. : avertissements, actions de sensibilisation aux risques, ou encore marquage, installation de clôtures et surveillance des zones affectées) ;
  • étudier et évaluer les dangers que présentent ces REG, et procéder à leur marquage et à leur enlèvement, à leur retrait ou à leur destruction.

La protection des civils contre les risques inhérents aux restes explosifs de guerre ne relève pas de la seule responsabilité des États affectés. Les États parties au Protocole V qui sont en mesure de le faire sont tenus de fournir une assistance en la matière. À ce jour, le Protocole a été ratifié par 97 États. Sa mise en œuvre a contribué de manière significative à réduire la menace que constituent les restes explosifs de guerre à travers le monde.

 

CICR

En quoi consistent les activités de protection et d'assistance menées par le CICR et les Société nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en faveur des victimes des restes explosifs de guerre ?

Chaque année, le CICR et les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge viennent en aide à des milliers de nouvelles victimes de ces engins, qui continuent de semer la mort et la destruction. Les principales activités que nous menons pour prévenir et limiter les effets des restes explosifs de guerre sont les suivantes :

  • opérations d'enlèvement,
  • actions de sensibilisation,
  • programmes de réadaptation physique,
  • initiatives de soutien à la réinsertion sociale et économique des survivants ;
  • activités de renforcement des capacités des Sociétés nationales.

En 2021, nous avons sensibilisé de nombreuses communautés aux risques que présentent les REG et participé à l'organisation de diverses initiatives de lutte contre les mines, dont plusieurs opérations d'enlèvement de restes explosifs de guerre, dans différents pays et régions du monde (Arménie, Azerbaïdjan, Colombie, Haut-Karabakh, Irak, Iran, Israël et les territoires occupés, Libye, Mali, Maroc, Myanmar, Nigéria, Pakistan, Sénégal, Syrie, Ukraine, Viet Nam et Yémen).

Au cours des 40 dernières années, dans le cadre de son programme de réadaptation physique, le CICR est venu en aide à près de deux millions de personnes en situation de handicap – parmi lesquelles des victimes de restes explosifs de guerre – dans plus d'une cinquantaine de pays. Le CICR agit également en tant qu'intermédiaire neutre pour faciliter l'échange de renseignements sur l'emploi ou l'abandon de munitions explosives entre la partie qui les a utilisées ou abandonnées et celle qui contrôle la zone affectée.

 

Qu'est-ce que les États peuvent faire de plus pour mieux protéger les civils contre les restes explosifs de guerre ?

À l'heure actuelle, seule la moitié environ des États à travers le monde ont adhéré au Protocole V, dont le taux de ratification stagne de manière préoccupante depuis plusieurs années. Nous appelons tous les États qui ne l'ont pas encore fait à adhérer au Protocole V et demandons à tous ceux qui y sont déjà parties de mettre scrupuleusement en œuvre ses dispositions, afin de réduire de manière significative le danger meurtrier que constituent les restes explosifs de guerre disséminés aux quatre coins du globe.

Nous demandons également aux États de faciliter le travail des acteurs humanitaires en leur accordant l'accès aux zones contaminées, les autorisations requises pour faire entrer les équipements nécessaires, et les garanties de sécurité indispensables au bon déroulement des opérations de marquage et d'enlèvement – un travail d'envergure, en particulier dans les contextes où les combats se poursuivent. Toutes les parties prenantes doivent faire davantage pour protéger les civils et les communautés contre les effets indiscriminés des restes explosifs de guerre. Si les États sont les premiers responsables à cet égard, l'un des moyens d'honorer leurs engagements de manière effective est précisément de faciliter le travail d'autres acteurs qui contribue à sauver des milliers de vies.

Pour en savoir plus, consultez notre note d'information sur le sujet (en anglais)

VIDEO - Pourquoi les armes à sous-munitions ne devraient jamais être utilisées