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RD Congo : dans le Tanganyika, la violence armée prive la population de soins de santé

Dans la province du Tanganyika, en République démocratique du Congo (RDC), la violence armée qui sévit depuis trois ans a fortement compromis l’accès aux soins de santé. La population au nord-ouest de la capitale Kalemie affronte souvent seule la maladie pendant que les structures médicales sont la cible d'attaques et de pillages.

 

 

 

Trois de mes enfants sont morts de malnutrition et de diarrhée faute de soins.

En 2017, les violences intercommunautaires et des conflits armés embrasaient la région où vivait Maurice Mwema, habitant du village de Kilasi, à 80 kilomètres de Kalemie. Il fuyait avec sa famille pour se mettre à l'abri en brousse. Ils y sont restés près de trois ans, bloqués par l'insécurité. « Les pluies fréquentes et la mauvaise alimentation ont provoqué des maladies », explique Maurice. « Les cheveux des enfants étaient devenus jaunes et leurs corps décharnés. »

 

Jonathan Busasi / CICR

Habitations, écoles et centres de santé détruits par la violence armée : Maurice Mwema et sa famille ont connu un retour difficile dans leur village après trois ans passés en brousse.

Le calme revenu, les chefs coutumiers se sont mobilisés pour appeler les communautés déplacées à rentrer chez elles. À leur retour, les gens ont constaté que, en plus des habitations et des écoles dévastées par les affrontements, les structures sanitaires avaient aussi fait l'objet d'attaques.

« Il n'y avait plus rien dedans, ni matériel, ni infirmier, et les bâtiments avaient été saccagés », explique Séraphin Kayite, chef du village de Kilasi.

En charge du suivi nutritionnel dans la zone, Trésor Kingombe met en avant une des conséquences les plus tragiques découlant de ces attaques contre les structures médicales : « Nous avons enregistré de nombreux décès, parmi lesquels des enfants de 6 à 11 mois, suite à des épidémies de rougeole et du paludisme. »

Pendant plus de deux ans, aucun enfant n'avait été vacciné. Les familles ne pouvaient compter que sur des méthodes traditionnelles pour se soigner, notamment par l'usage de plantes.

Jonathan Busasi / CICR

Le centre de santé de Mulolwa a été dévasté par des hommes armés, privant des milliers de personnes des soins dont ils avaient besoin.

Soigner malgré tout

Les professionnels de la santé, qui eux aussi avaient fui la violence, ont commencé à rentrer avec le reste de la population. Connaissant la situation sanitaire désastreuse dans la zone, beaucoup ont ramené quelques médicaments et du matériel médical de base. La reprise des activités dans les établissements hospitaliers n'a pas été simple.

« Nous ne donnions que des soins ambulatoires, quel que soit le cas », indique Benoit Mayenge, infirmier au centre de santé de Mulolwa.

On soignait les malades et ils rentraient immédiatement chez eux parce qu'on n'avait plus de lits et de matelas. Tout avait été pillé.

« Il n'y avait même pas une chaise pour les patients », renchérit Jean Kabwe, infirmier dans un autre centre de santé, à Lukombe. Plusieurs pièces n'avaient plus de plafond, et le vent et la pluie s'y engouffraient. Lorsque les médicaments venaient à manquer, réapprovisionner les pharmacies  était un casse-tête faute de moyens de transport disponibles.

« Nous n'avions pas de vélo ni de moto. Pour me déplacer, je marchais près de 20 kilomètres, et après je prenais un taxi moto pour Kalemie. Au retour, je faisais pareil et je ramenais les médicaments en les portant sur ma tête », poursuit Benoît.

Jonathan Busasi / CICR

Centre de santé de Mulolwa, nord-ouest de Kalemie. Maurice Mwema et sa famille font partie des 15 000 personnes bénéficaires de soins gratuits donnés avec le soutien du CICR.

Offrir un soutien durable aux communautés

Après une évaluation de la situation humanitaire dans la région en fin 2019, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) décidait de soutenir trois centres de santé couvrant plus de 15 000 personnes, en leur livrant des équipements de base, du matériel médical ainsi que des médicaments essentiels.

« Après une nouvelle évaluation, nous sommes passés d'un appui ponctuel à un soutien régulier » souligne Jules Lugoma, de l'équipe santé du CICR. Toutes les personnes vulnérables ont commencé à recevoir des soins gratuits. Un tarif forfaitaire a été mis en place pour les autres franges de la population, favorisant ainsi l'accès aux soins de santé.

Les principales maladies, comme le paludisme, la diarrhée, les infections respiratoires ou la malnutrition, sont désormais mieux traitées.

Le CICR a aussi organisé la formation du personnel soignant et renforcé l'hygiène en améliorant l'approvisionnement en eau potable, un autre défi dans la région. Il a également réhabilité les structures qui avaient été détruites. « Plus de 800 enfants de moins de 23 mois, ainsi que 227 femmes enceintes, ont été vaccinés avec notre appui », rajoute Jules Lugoma. Des vélos ont été mis à disposition pour faciliter la vaccination dans des villages très reculés et éloignés des structures médicales.

Jonathan Busasi / CICR

Des médicaments essentiels sont fournis régulièrement par le CICR au centre de santé de Mulolwa.

Après s'être désengagé du centre santé de Lukombe en mai 2020, le CICR continue son appui dans la même zone aux structures de santé de Mulolwa et de Lambo Katenga. Les travaux de réhabilitation ont été finalisés début janvier 2021 au centre de santé de Mulolwa.

Les tensions intercommunautaires persistent dans la région et certains groupes armés sont restés actifs. La majorité des personnes déplacées sont de retour mais leurs conditions de vie demeurent précaires.