État des Protocoles additionnels relatifs à la protection des victimes des conflits armés, Assemblée générale des Nations Unies, 2014

21 octobre 2014

Assemblée générale des Nations Unies, 69e session, 6ème Commission, Points 79 de l’ordre du jour. Déclaration du CICR, New York, le 21 octobre 2014.

À l'approche de la XXXIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, nous aimerions revenir sur la mise en œuvre des conclusions de la XXXIe Conférence internationale de 2011 par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Comme vous vous en souviendrez, le CICR avait été invité à présenter ses recommandations ainsi que des options concrètes sur les moyens de rendre plus efficaces les mécanismes pour garantir le respect du droit international humanitaire (DIH). Il devait également faire porter ses efforts sur le renforcement de la protection juridique des personnes privées de liberté en lien avec un conflit armé non international (CANI).

... la cause principale des souffrances endurées pendant un conflit armé n'est pas l'absence de règles, mais plutôt le manque de respect des règles applicables. On constate en effet que le DIH ne dispose pas de moyens efficaces permettant de repérer et prévenir les violations du droit ni d'y mettre fin quand elles se produisent.

Le CICR s’efforce donc d’avancer dans ces deux directions. Le premier domaine, qui vise à améliorer le respect du DIH, est une initiative conjointe avec le gouvernement suisse. Elle part du fait que la cause principale des souffrances endurées pendant un conflit armé n'est pas l'absence de règles, mais plutôt le manque de respect des règles applicables. On constate en effet que le DIH ne dispose pas de moyens efficaces permettant de repérer et prévenir les violations du droit ni d'y mettre fin quand elles se produisent. Les mécanismes qui existent n'ont que rarement, ou même jamais, été utilisés. De plus, ils sont seulement applicables dans les conflits armés internationaux (CAI), alors qu'aujourd'hui la plupart sont des conflits armés non internationaux (CANI).

L'initiative menée conjointement par la Suisse et le CICR porte sur la création d'un nouveau système pour garantir le respect du DIH. Sur la base des discussions que nous avons menées jusqu'à présent avec les États, nous pouvons aujourd'hui vous faire part de certains éléments qui pourraient faire partie de ce futur système. Il semblerait qu'une réunion des États à intervalles réguliers pourrait en être le pivot central sur lequel viendraient se greffer plusieurs fonctions pour garantir le respect du DIH, comme par exemple la présentation des rapports nationaux et les discussions thématiques sur des questions en rapport avec le DIH. Jusqu'à présent, les États ont indiqué que le système devrait reposer sur une base volontaire, car la plupart d’entre eux ne souhaitent pas amender les Conventions de Genève ni adopter un nouveau traité. Toute la difficulté sera donc de garantir l’efficacité du système afin d’améliorer le respect du DIH sur le terrain. Sur la base des consultations à venir, le CICR et la Suisse soumettront différentes options et recommandations à la considération de la XXXIIe Conférence internationale, en décembre 2015.

Le deuxième domaine porte sur la détention. Les règles conventionnelles du DIH actuellement applicables aux CANI ont en effet été reconnues comme inadéquates, ce qui conduit à un manque de clarté quant aux sources  et au contenu de ces règles. Il s'avère donc nécessaire de clarifier et renforcer les règles du DIH, et le CICR a répertorié quatre domaines clés où cela s'impose : les conditions de détention, les catégories de détenus particulièrement vulnérables, les motifs et procédures d'internement, et les transferts de détenus.

Après les quatre consultations régionales qui ont eu lieu en 2012 et 2013, le CICR tient des consultations thématiques pour débattre de la nécessité ou non de renforcer le droit sur ces quatre aspects et de la façon dont ce renforcement pourrait  se faire. La première consultation thématique, sur les conditions de détention et les catégories de détenus particulièrement vulnérables, a eu lieu en janvier dernier. De l'avis général des États qui y ont participé, il est possible d'appliquer la plupart des règles de protection relevant des droits de l'homme et concernant les conflits armés internationaux aux personnes détenues dans le cadre d'un conflit armé non international, à certaines exceptions près et moyennant quelques ajustements pour tenir compte des circonstances opérationnelles propres à ces conflits. La deuxième consultation thématique, sur les motifs et procédures d'internement et les transferts de détenus se tient cette semaine [20-22 octobre 2014] à Montreux, en Suisse. À l'issue de ces consultations, le CICR établira son rapport final et présentera à la Conférence internationale de 2015 les options et recommandations qu'il entend soumettre à sa considération pour la suite à y donner. L'objectif ultime est de parvenir, sous une forme ou une autre, à un instrument qui renforcera les règles du DIH applicables aux situations de détention dans le cadre des CANI.

Le CICR se félicite de la participation active et constructive des États et les encourage à continuer de s'impliquer dans les consultations actuellement menées en vue de renforcer le DIH.

Ce ne sont là que deux exemples des nombreuses initiatives menées par le CICR en vue d'améliorer la protection conférée par le DIH pendant les conflits armés. Comme vous le savez, la protection des personnes blessées et malades a été à l'origine du développement du DIH. Mais aujourd'hui encore, la violence contre le personnel de santé, les structures médicales et les véhicules sanitaires est un des problèmes humanitaires majeurs auxquels le monde fait face, et ce problème complexe nécessite que des actions soient engagées par les différentes  parties prenantes. Dans le cadre de son projet « Les soins de santé en danger », le CICR a organisé à travers le monde des rencontres d'experts qui ont permis de débattre de différents thèmes, parmi lesquels les pratiques militaires, les législations nationales, les services ambulanciers dans les situations à risque, la sécurité des structures médicales, les atteintes à la déontologie médicale et le rôle des chefs religieux. Toutes ces rencontres d'experts ont débouché sur un certain nombre de recommandations et de bonnes pratiques. Concernant les législations nationales par exemple, il a été suggéré  que les États réexaminent et au besoin revoient leur cadre normatif interne pour supprimer ou diminuer les obstacles à la fourniture des soins de santé pendant des situations de violence ou un conflit armé.A cet égard, le CICR est actuellement en train de préparer un ensemble de recommandations pratiques et concrètes.

Le CICR se réjouit des récentes adhésions aux Conventions de Genève et à leurs Protocoles additionnels, et se félicite des progrès notables qui ont été accomplis par les États en matière de mise en œuvre nationale du DIH, par le biais notamment des 106 commissions nationales de DIH existantes. Pour faciliter ces initiatives importantes, le CICR travaille de façon constante au développement de nouveaux outils, et à ce propos, nous attirons l'attention des États sur notre base de données sur la mise en œuvre nationale du DIH. Celle-ci contient des informations uniques sur la législation nationale et la jurisprudence de 194 pays, et elle a été mise à jour et modernisée en 2013.

Pour conclure, le CICR souhaite rappeler aux États qu'il est toujours disposé à apporter un soutien plein et entier aux efforts qu'ils déploient pour la mise en œuvre du DIH.