En cette année du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, je rends hommage au travail accompli par le Conseil ainsi qu'au Haut-Commissaire, inlassable défenseur de la liberté, de l'égalité et de la dignité.
Les problèmes auxquels nous devons faire face aujourd'hui sont graves. Nous constatons régulièrement les conséquences tragiques des violations généralisées du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Partout dans le monde, trop nombreux sont les civils qui sont la cible des combats, trop nombreux sont détenus dans des conditions inhumaines et trop nombreux sont déplacés de force : dans tous les cas, au mépris des règles humanitaires.
Prévenir ces atrocités, y faire face et s'en relever sont des défis immenses. Les solutions sont complexes et multidimensionnelles, mais nous avons déjà de nombreux outils à disposition. Il s'agit juste de les utiliser.
Aujourd'hui, j'appelle instamment tous les États membres, en tant que responsables premiers de la protection de leur population, à se conformer à leurs obligations et à redonner sa force au contrat fondamental d'humanité : respecter et préserver la vie et la dignité.
Il est évident que nous ne parviendrons pas vraiment à alléger les souffrances si d'importants efforts de prévention ne sont pas déployés pour réduire les besoins des populations. Cela passe d'abord et avant tout par le respect du droit international humanitaire qui lie tous les États du monde.
Le droit est le fil rouge de notre humanité commune ; c'est notre bouclier contre la barbarie. Selon ce droit,
• les civils ne doivent pas être attaqués ;
• le viol, la torture et les exécutions ne sont jamais acceptables ;
• les hôpitaux qui soignent les blessés et malades ne doivent pas être attaqués ;
• les personnes qui viennent en aide ne doivent pas être tuées ou prises en otage ;
• les civils ne doivent pas être utilisés comme boucliers humains ;
• l'emploi d'armes illégales causant d'énormes souffrances est interdit ;
• ceux qui portent assistance doivent avoir accès à ceux qui en ont besoin ;
• les civils pris au piège sur les lignes de front doivent pouvoir être mis à l'abri dans des zones sûres.
Si nous devons être extrêmement attentifs aux violations du droit, il nous faut aussi reconnaître que nombreux sont les exemples qui montrent qu'il est très souvent respecté. Car le droit est en soi un outil efficace. Il peut influer sur les comportements et inciter ceux qui y sont tenus à faire preuve de retenue. Il donne des orientations en cas de dilemme entre humanité et nécessité militaire, permettant ainsi aux armées de faire preuve d'un minimum de décence et de garder la tête haute.
Le droit offre une base, un langage commun, qui permet aux belligérants de s'asseoir autour d'une table, de trouver un terrain d'entente ou un intérêt réciproque :
• par exemple s'entendre sur les limites des armes destructrices, comme ce fut le cas pour le traité sur les mines antipersonnel ainsi que pour les importants programmes de déminage qui ont suivi et qui ont sauvé des milliers de vies ;
• ou négocier des échanges de prisonniers ou garantir un passage sûr aux civils qui fuient des villes assiégées.
Le droit permet de mieux garantir que les personnes sont traitées avec humanité, de réduire les risques de torture et de prévenir les cycles du ressentiment et la radicalisation.
Le droit garantit que chacun soit traité avec humanité et qu'aucun groupe ni individu ne soit oublié. Il permet, par exemple, que des combattants étrangers ne « disparaissent » pas ou ne soient pas cachés aux yeux du monde.
Le droit permet au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) de retrouver la trace de personnes disparues, de réunir des familles et d'œuvrer face à la tragédie de sociétés déchirées par la guerre.
Non seulement le droit international humanitaire est efficace, mais, lorsqu'il est respecté, il a des retombées et des répercussions positives. Par exemple, lorsque les principes de proportionnalité et de distinction sont respectés, des vies sont sauvées, les hôpitaux et les écoles restent ouverts, l'approvisionnement en eau et en électricité continue et les marchés restent ouverts. Ce sont autant d'éléments qui tous contribuent à la stabilité une fois que les armes se sont tues.
Le CICR entend créer un environnement où la vie et la dignité sont respectées grâce à la protection et à la préservation de l'espace humanitaire. À cette fin, nous nous fondons sur le droit et nous dialoguons avec tous ceux qui sont influents, car chacun a un rôle à jouer pour faire respecter le droit.
Mesdames et Messieurs, de nos jours, les guerres sont rarement « gagnées ». Au contraire, elles durent de plus en plus longtemps, parfois des décennies, laissant des villes en ruine et leurs habitants dévastés.
Face à ces réalités, le droit international humanitaire est un outil extraordinairement utile, qui peut s'avérer puissant dans les opérations militaires. Comme les conflits durent de plus en plus longtemps, il est extrêmement important d'atténuer les dommages causés par les guerres, de mettre fin aux représailles, de limiter la radicalisation et de réduire les dommages causés aux populations civiles. Le droit nous permet de gagner la paix et de poser les fondements pour qu'il soit accepté par les populations. Le choix est politique et il est aussi le vôtre, Mesdames et Messieurs les représentants d'Etats : vous pouvez vous enliser dans les cercles vicieux de la violence déchainée et sans limites ou vous pouvez choisir la vertu du droit.
J'invite instamment les États membres, individuellement et collectivement, à poursuivre un dialogue constructif avec le CICR et à redoubler d'efforts pour respecter leurs engagements.
Il s'agit d'un choix politique et, Mesdames et Messieurs les représentants des États, c'est aussi le vôtre ; vous pouvez vous retrouver piégés dans un cercle vicieux de violences effrénées et sans fin ou vous pouvez choisir le camp du droit.
Je ne sais que trop bien à quel point la compréhension du droit n'est pas facile dans la complexité de notre époque. Mais, alors que nous sommes aujourd'hui confrontés à de plus en plus de méfiance, à l'impunité et à une polarisation politique qui vont croissant, le droit nous offre une voie concrète vers un avenir moins sombre.