Un grand centre commercial endommagé par les bombardements à Gaza. CICR

Un espoir que les immenses souffrances des civils ne seront plus acceptées comme une conséquence inévitable de la guerre

Déclaration de la présidente du CICR, Mirjana Spoljaric, au sujet de la déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’emploi d’armes explosives dans les zones peuplées. Dublin, 18 novembre 2022.
Déclaration 18 novembre 2022

Mesdames et Messieurs,

Chères et chers collègues,

C'est avec grand plaisir que je me joins à vous aujourd'hui pour marquer l'adoption d'une déclaration majeure issue de notre objectif commun d'améliorer la protection des civils contre l'emploi d'armes explosives dans les zones peuplées.

Je tiens tout d'abord à remercier l'Irlande pour le leadership exemplaire qui nous a permis d'aboutir – malgré les nombreuses difficultés – à ce résultat positif.

Cette déclaration politique est une réalisation collective qui a le potentiel de changer le sort de centaines de milliers de personnes touchées par les conflits armés dans le monde.

C'est un pas important vers le renforcement de la protection des civils et le respect du droit international humanitaire là où les besoins sont les plus criants.

L'utilisation d'armes explosives lourdes en zones peuplées est l'une des principales causes des dommages causés aux civils dans les conflits armés contemporains.

Lorsque les combats ont lieu dans les villes, les hommes, les femmes et les enfants sont exposés à un niveau de risque inacceptable.

Que ce soit au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie, en Amérique latine et maintenant aussi en Europe, nous continuons à être témoins des souffrances et des destructions dévastatrices qu'ils provoquent.

Tant de vies sont brisées, tant de victimes se retrouvent handicapées et traumatisées parce qu'elles ont eu le malheur de se trouver dans la zone couverte par ces armes à large rayon d'impact.

Un nombre incalculable de personnes souffrent, tombent malades ou meurent lorsqu'une bombe, un missile ou un mortier endommage les infrastructures vitales, coupant les services essentiels tels que l'eau, l'électricité, l'assainissement et les soins de santé.

Des populations entières fuient pour échapper aux bombardements et aux pilonnages ou parce que la vie dans les ruines devient insupportable. Ces déplacements peuvent se prolonger pendant des mois, voire des années. De vastes régions sont contaminées par des munitions non explosées longtemps après la fin des hostilités. En fin de compte, des générations entières sont meurtries et les progrès en matière de développement retardés de plusieurs décennies.

Lorsque les bombes tombent en milieu urbain, la douleur est multipliée. Des vies sacrifiées. Des membres arrachés. Des maisons détruites. Des rêves pulvérisés. Voilà pourquoi la déclaration adoptée aujourd'hui est si importante. Elle permet d'espérer que les immenses souffrances des civils ne seront plus acceptées comme une conséquence inévitable de la guerre.

Pour la première fois dans un instrument de ce type, les États reconnaissent la gravité du problème et s'engagent à prendre des mesures concrètes pour y remédier, notamment en limitant ou en évitant le recours à des armes explosives dans les zones peuplées, dont on peut s'attendre qu'il cause des dommages aux civils.

Le CICR se félicite de cet engagement et des autres engagements importants figurant dans la déclaration.

Depuis 2011, nous demandons à l'ensemble des États et des parties à un conflit armé de s'abstenir par principe d'employer des armes explosives à large rayon d'impact dans les zones peuplées, compte tenu de la forte probabilité que ces armes entraînent des effets indiscriminés.

C'est pour cette raison que cette déclaration est si importante aux yeux du CICR.

Elle affirme avec force que les belligérants ne peuvent pas continuer à combattre dans les zones peuplées comme ils l'ont fait jusqu'à présent. Ce changement de mentalité et de perspective est crucial, même si nous ne sommes qu'au début d'un long processus.

Nous devons maintenant travailler ensemble pour élargir le soutien à la déclaration et la mettre en œuvre efficacement, en transformant des engagements ambitieux en mesures, en politiques et en bonnes pratiques significatives qui contribueront à atténuer les souffrances humaines pendant et après les conflits armés.

Tous les États ont un rôle à jouer dans cet effort. Nous félicitons les nombreux gouvernements qui ont déjà approuvé le document et encourageons vivement tous les autres à le faire sans délai.

Premièrement, l'urbanisation de la guerre étant un phénomène mondial, ses conséquences le sont aussi. Qu'il s'agisse des personnes déplacées par les conflits armés ou des répercussions de l'interruption des services essentiels sur la sécurité alimentaire, les effets de l'emploi d'armes explosives lourdes dans les zones peuplées transcendent les frontières.

Deuxièmement, la déclaration vise à renforcer le respect du droit international humanitaire, qui est plus que jamais indispensable. Tous les États ont non seulement un intérêt à le faire, mais aussi une obligation juridique.

Troisièmement, la déclaration crée une norme internationale de comportement. Plus le nombre d'États adhérant à la déclaration sera grand, plus cette norme deviendra forte. N'oublions pas que, de nos jours, personne ne se bat seul. Les opérations militaires en partenariat et les autres relations de soutien influencent le cours des conflits armés dans le monde entier.

Dès lors que de plus en plus d'États acceptent de restreindre l'emploi ou de s'abstenir d'utiliser des armes explosives en zones peuplées, les partenaires et ceux qu'ils soutiennent finiront par être tenus à la même norme.

Nous pouvons donc saluer le succès remporté aujourd'hui, sachant que demain, nous devrons redoubler d'efforts pour convertir ces engagements importants en actes. Nous le devons aux innombrables victimes de la guerre urbaine, et à notre humanité commune. J'attends avec impatience le processus de suivi et l'échange de bonnes pratiques entre les États, auxquels participeront les Nations Unies, le CICR et la société civile.

Au CICR, nous sommes prêts à partager notre expertise : cette année, nous avons publié un important rapport présentant des recommandations pratiques détaillées aux autorités politiques et aux forces armées sur les mesures qu'elles peuvent – et doivent – prendre pour limiter l'emploi d'armes explosives lourdes dans les zones peuplées. Nous espérons que ces recommandations contribueront utilement à la mise en œuvre de la déclaration politique.

Les immenses défis humanitaires auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui exigent une action collective. Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec les autres composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour prévenir et atténuer les conséquences humanitaires dévastatrices de la guerre urbaine et de l'emploi d'armes explosives lourdes dans les zones peuplées. À cet égard, nous continuons à compter sur votre soutien inestimable.

Tous mes vœux de succès pour cette conférence.