Les soins de santé en danger : il reste encore beaucoup à faire en matière de sensibilisation
Depuis le début du conflit en décembre 2013, la Croix-Rouge du Soudan du Sud, le CICR, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et d'autres partenaires du Mouvement travaillent d'arrache-pied pour porter secours à des centaines de milliers de personnes en détresse. En mai 2014, une épidémie de choléra est venue aggraver encore les choses. Nous avons demandé à Veronica Kenyi, responsable des programmes de santé, de nous expliquer comment sa Société nationale gère une situation aussi difficile.
En quoi la violence qui sévit au Soudan du Sud compromet-elle la fourniture des soins de santé ? Les structures de soins sont pillées et incendiées et les stocks de matériel et de médicaments volés. Les employés comme les patients ne peuvent plus accéder aux établissements médicaux et l'acheminement des médicaments est souvent entravé. Beaucoup de personnels ont peur de se rendre sur leur lieu de travail, ce qui engendre des souffrances supplémentaires pour les patients. |
S'agissant de la fourniture des soins, quels sont les principaux défis auxquels font face les employés et les volontaires de la Croix-Rouge ?
Avant tout, l'insécurité. C'est un problème majeur. Les porteurs d'armes ignorent souvent tout des droits des personnels de santé, notamment le fait qu'ils sont protégés par la loi. Par exemple, ils n'hésitent pas à attaquer des structures médicales ou à les occuper. De plus, comme des médecins et des infirmiers désertent leurs postes de travail, le ministère de la Santé doit faire appel à des secouristes volontaires. Je vous laisse imaginer l'impact que cela a sur la qualité des soins. Le mauvais état des routes et la rareté des moyens de transport compliquent encore la tâche des gens qui ont besoin de soins. Les tensions ethniques sont aussi un obstacle de taille : parfois, l'appartenance des volontaires à telle ou telle ethnie passe avant leur qualité de soignants.
Comment les employés et les volontaires de la Croix-Rouge gèrent-ils l'épidémie de choléra ?
Nous nous sommes d'abord rendu compte qu'il y avait des problèmes de coordination et de partage de l'information entre les différentes organisations humanitaires associées à la cellule nationale de crise, en particulier pour la circulation des informations en provenance et à destination des États touchés par l'épidémie. Nous avons donc mis en place un groupe d'intervention du Mouvement présidé par la Société nationale. Nous avons aussi dû trouver un moyen de protéger les employés et les volontaires qui transportent les malades vers les centres de réhydratation, pour éviter qu'ils soient eux-mêmes contaminés. Nous avons résolu ce problème en nous assurant que tous les véhicules soient désinfectés après utilisation.
Quelles mesures avez-vous prises jusqu'ici pour rendre la fourniture de soins plus sûre ? Et quelles sont les prochaines étapes ?
Nous nous sommes notamment efforcés d'améliorer nos services sur la base de l'expérience que nous avons acquise. En cas d'incident touchant un employé ou un volontaire de la Société nationale, celui-ci doit remplir un formulaire de rapport d'incident. Ensuite, selon la gravité de chaque cas, il nous arrive de rencontrer les communautés pour leur faire comprendre le rôle et la mission de notre organisation. Un jour, par exemple, des volontaires de la Croix-Rouge ont été attaqués par un groupe de déplacés internes. Nous avons eu une entrevue avec leurs chefs et leur avons expliqué qu'il était vital de respecter les personnels de santé. Nous envisageons également de fusionner les formulaires de rapport d'incident du CICR et de la Société nationale afin que tous les éléments ayant trait à la sécurité des soins de santé soient pris en compte lorsqu'un problème survient. Nous sommes conscients que le Soudan du Sud constitue un contexte très particulier et que nous avons encore beaucoup à faire. Grâce à notre réseau de volontaires très étendu, nous pouvons mieux sensibiliser les communautés au problème de la violence contre les soins. Nous sommes d'ailleurs en train de monter un projet autour de cette problématique pour l'intégrer à la formation que les volontaires de la Croix‑Rouge dispensent déjà aux agents de santé avant qu'ils participent à des programmes de santé communautaire. Nous avons aussi l'intention d'organiser des rencontres avec les autorités compétentes pour obtenir que chacun ait accès à des soins en toute sécurité.
Que peut-on faire pour renforcer la protection des personnels de santé, des patients et des structures et véhicules médicaux ?
Je pense que nous avons encore beaucoup à faire en termes de diffusion et de sensibilisation, aux niveaux tant local qu'international. Les volontaires doivent veiller à ce que les communautés comprennent qu'elles ont la responsabilité de protéger les structures de santé et les personnes qui y travaillent : c'est vital. De la même manière, il est essentiel que les personnels de santé connaissent exactement leur rôle et leurs responsabilités. Nous devons aussi associer davantage les autorités et les porteurs d'armes. Au niveau international, il faut renforcer la coopération avec toutes les parties concernées. Enfin, il serait bon que les instituts de formation incluent des éléments du projet « Les soins de santé en danger » dans leurs programmes de cours.