Liban : rendre aux blessés leur visage et leur dignité

25 novembre 2015

Grièvement brûlé dans une explosion en 2014, Moussa ne pouvait plus parler ni manger correctement et souffrait le martyre. Après une lourde intervention chirurgicale pratiquée par le docteur Steiger, il devrait pouvoir retrouver une vie normale.

En octobre dernier, Moussa et neuf autres patients ont été opérés par le docteur Enrique Steiger au Centre de formation en traumatologie balistique géré par le CICR à Tripoli. Ce spécialiste en chirurgie maxillo-faciale traite les blessures au visage, à la tête, au cou et à la mâchoire.

Pouvez-vous nous en dire plus sur Moussa, l'un des patients que vous avez opéré ?

Moussa a 52 ans. Il a été blessé au cours des affrontements qui ont eu lieu à Tripoli l'an dernier. Il y a eu une explosion tout près d'un réservoir d'essence et il a été grièvement brûlé au visage et sur le haut du corps par des projections d'essence. Il a reçu plusieurs fois un traitement superficiel qui n'a pas eu beaucoup d'effet. Et comme il n'avait plus les moyens de le payer, il s'est rendu au Centre de formation en traumatologie balistique sur les conseils de personnes de son entourage qui y avaient été soignées.

Sous l'effet de la brûlure, sa lèvre inférieure s'était totalement rétractée, l'empêchant de retenir sa salive et laissant voir ses dents, qu'il allait perdre tôt ou tard. Il ne pouvait pas manger correctement ni parler de manière intelligible, ce qui le faisait manifestement beaucoup souffrir. C'est le cas de la plupart des personnes blessées au visage. Elles souffrent sur le plan physique mais aussi psychologique.

Nous espérons que Moussa pourra rapidement recommencer à mâcher et manger normalement, et qu'il retrouvera à terme une vie normale. Par mon travail de chirurgien, je rends aux blessés leur visage et par là même leur dignité ; je leur redonne une chance de vivre normalement.

En quoi consiste la chirurgie maxillo-faciale ?

C'est une spécialité chirurgicale d'une grande complexité ; elle consiste à reconstruire la structure osseuse et la peau du visage. Cela requiert une extrême précision, surtout dans le cas de blessures par armes.

La difficulté tient notamment au fait que les blessures sont rarement fraîches. Elles datent souvent de plusieurs semaines voire de plusieurs mois, comme dans le cas de Moussa, et elles n'ont pas toujours été correctement soignées dans l'intervalle.

Il nous a fallu sept ou huit heures pour fixer les os du visage de Moussa à l'aide de plaques et de vis et pour remplacer la peau abîmée de son cou par de la peau saine prélevée sur d'autres parties de son corps.

Vous êtes resté au Liban une semaine seulement, pour opérer Moussa et d'autres patients. Que pensez-vous du Centre de formation en traumatologie balistique de Tripoli ?

C'est une excellente idée d'avoir créé ce centre car il devient de plus en plus difficile, pour des raisons de sécurité, de s'approcher des zones de conflit, notamment en Syrie.

Un grand nombre de ces zones sont quasiment hors de la portée des organisations humanitaires qui fournissent des soins de santé. Les médecins locaux qui soignent les blessés par armes ne sont pas toujours des spécialistes et, très souvent, en dépit de leur bonne volonté, ils ne sont pas en mesure de fournir aux patients les soins d'urgence et le traitement à plus long terme dont ils ont besoin. Cela entraîne des complications qui sont encore plus difficiles à soigner.

Néanmoins, notre objectif n'est pas de remplacer les médecins locaux mais au contraire de les former à la chirurgie maxillo-faciale, orthopédique ou encore de la main, afin qu'ils soient en mesure de traiter seuls la plupart des cas de blessures par armes, notre rôle se limitant à les soutenir en cas de besoin. Ils parlent la même langue que les patients ; ils connaissent leurs us et coutumes. C'est essentiel pour la réussite du traitement.

Le Centre de formation en traumatologie balistique a été ouvert en septembre 2014 pour fournir aux blessés par armes des services de chirurgie d'urgence et reconstructive ainsi que de réadaptation physique. Au sein de cette structure, le CICR met aussi ses compétences en chirurgie et en réadaptation physique au service des chirurgiens locaux et autres professionnels de santé. L'accès aux services est gratuit pour tous les patients blessés par armes, quels que soient leur nationalité et leurs antécédents.

Avertissement : certaines images peuvent être choquantes.