Liban : panser les plaies du conflit, qu’elles soient physiques ou psychologiques

21 octobre 2015

Au Centre de formation en traumatologie balistique de Tripoli, dans le nord du Liban, on ne se contente pas d'équiper les patients de prothèses, mais on leur apporte aussi un soutien psychosocial pour les aider à surmonter le traumatisme qu'ils ont vécu en raison du conflit en Syrie.

Les personnes prises en charge au centre de Tripoli, pour la plupart des Syriens, des Palestiniens et des Libanais, ont vu leur existence bouleversée à jamais par le conflit sanglant qui fait rage en Syrie. En plus d'avoir été mutilées par des engins explosifs, elles souffrent de traumatismes psychologiques profonds.

Réadaptation psychologique pour faciliter la guérison

« Dans le cadre des séances de réadaptation psychologique que nous organisons, nous expliquons aux patients que les pensées et les sentiments qui les habitent sont normaux compte tenu des épreuves qu'ils ont traversées », fait remarquer Nercesse Armani, psychologue au centre de Tripoli. « La santé mentale est un défi majeur pour nous, au vu des horizons culturels différents dont sont issues ces personnes. C'est pourquoi nous structurons les séances de manière dynamique et selon une approche participative. »

Centre de formation en traumatologie balistique de Tripoli. Des psychologues conduisent des séances de psychothérapie de groupe avec des patients ainsi que des consultations privées.

Le soutien psychosocial apporte soulagement et réconfort

Une psychologue du CICR s'entretient avec des patients lors d'une séance de soutien psychosocial au Centre de formation en traumatologie balistique de Tripoli. CC BY-NC-ND / CICR / Ghayth Tahtah

« Lorsqu'une personne est amputée d'un membre, elle a le sentiment que son corps tout entier a été fracassé et qu'elle ne s'en remettra jamais », poursuit Nercesse Armani.

« Dans la réalité, ces personnes récupèrent beaucoup plus facilement que ce qu'on pourrait imaginer. Ce dont elles ont besoin, c'est de temps pour accepter leur nouvelle situation. À un moment donné, elles se remettent et reprennent une vie active. »

Maram participe de manière particulièrement active aux séances de groupe organisées au centre. Elle est attentive à chaque question et elle a toujours quelque chose à dire pour alimenter les discussions. CC BY-NC-ND / CICR / Ghayth Tahtah

« J'aimerais que les séances durent plus longtemps ; je n'aime pas quand elles s'arrêtent », regrette Maram en remettant de l'ordre dans un bouquet de fleur dans sa chambre. « Lorsque nous sommes tous réunis, les patients et les membres du personnel, c'est comme si nous étions à la maison, et pas dans un hôpital. J'ai l'impression que nous formons une grande famille, un peu hétéroclite, mais une famille quand même. Qui n'aimerait pas passer du temps entouré des siens ? »

« Quand j'arrive à la séance, je n'ai généralement pas le moral ; mais j'en ressors toujours ragaillardie. Ça me permet de m'échapper des choses difficiles que je vis, ne serait-ce que pendant une heure ou deux. »

Hussein est l'un des nombreux blessés par arme bénéficiant des services de réadaptation physique offerts par le centre de Tripoli. CC BY-NC-ND / CICR / Ghayth Tahtah

« Ces séances m'ont permis de me rendre compte combien il est important de pouvoir parler pour récupérer complètement, et pas juste sur le plan physique. En échangeant avec les autres patients, je me suis rendu compte qu'ils ressentaient les mêmes choses que moi », explique Hussein, qui vient d'être équipé d'une prothèse.

« Aujourd'hui, je peux parler de ce que j'ai vécu avec d'autres personnes qui sont dans la même situation et qui peuvent comprendre ce que je ressens. Elles ont traversé les mêmes épreuves et je me sens écouté et compris. »

Hamda, avec un des médecins qui s'occupent d'elle, lors d'une séance de psychothérapie de groupe au centre de Tripoli. . CC BY-NC-ND / CICR / Ghayth Tahtah

Hamda a perdu une jambe et elle a dû fuir de chez elle en raison des combats, laissant derrière elle ses enfants et petits-enfants. Elle n'en a pas perdu pour autant son sens de l'humour et son goût immodéré du rire. Elle ne manque jamais une occasion de faire des plaisanteries, qu'elle ponctue de gros éclats de rire.

« Il y a encore deux mois, je passais mes journées et mes nuits à pleurer. Aujourd'hui, je suis à nouveau la personne que j'étais avant, se réjouit Hamda. Je souffre toujours, physiquement et psychiquement, mais je ne garde plus toutes ces souffrances pour moi. Ma douleur se dissipe en grande partie lorsque j'ai quelqu'un à mes côtés qui me dit : "Je t'écoute". »

Toute personne ayant été blessée par un engin explosif peut bénéficier gratuitement des services offerts par le Centre de formation en traumatologie balistique de Tripoli, quelle que soit son origine ou sa nationalité.