Niger : la leçon de survie de Moussa, agriculteur déplacé par la violence
Au Niger, des millions de personnes subissent les effets combinés de l’insécurité et du changement climatique. Forcées d’abandonner domicile et sources de revenus, elles partent avec le maigre espoir de rebondir ailleurs. C’est le cas de Moussa Alfari*, 45 ans, agriculteur, et désormais déplacé interne.
C'est à Tadress, le site accueillant les personnes déplacées arrivant à Tillabéri, que Moussa a trouvé en 2018 un abri pour sa grande famille. Ce père de 17 enfants vivait auparavant à Tin-Gara; dans le département de Ouallam.
« Nous vivions de l'agriculture et de l'élevage. Mais il y avait trop de violence armée », explique Moussa. « A la fin, on n'en pouvait plus, on avait trop peur, alors on est venus à Tillabéri. »
Chaque famille a pris ce qu'elle pouvait, quelques têtes de bétail, une partie des réserves de céréales. Moussa a dû laisser deux greniers remplis dans son champ de Tin-Gara.
Quatorze jours de marche auront été nécessaires à Moussa et à sa nombreuse famille pour rejoindre Tillabéri.
Après 14 jours de marche, ses enfants, ses trois épouses et lui-même ont atteint le site de Tadress. À leur arrivée, ils ont reçu des nattes et des tentes. Mais pas de nourriture.
« Avoir un abri, c'est bien, mais nourrir ma famille était la priorité. On s'est débrouillé comme on a pu, en économisant nos céréales », explique Moussa.
D'agriculteur à charretier et maçon
Agriculteur aguerri, il travaille un lopin de terre mis à sa disposition sur le site de Tadress. Mais cette terre ne donne pas assez pour nourrir toute la famille. Et les effets du changement climatique impactent les récoltes. Depuis plusieurs années, les pluies se caractérisent par leur abondance subite ou leur rareté, faisant alterner longues périodes de sécheresse et inondations dévastatrices.
Moussa s'organise. Les chèvres et les agneaux qu'il a pu sauver lui sert de fond de commerce. Il les élève, les revends et en achète d'autres. Les bénéfices permettent de couvrir les besoins essentiels.
En août 2021, le CICR a offert des charrettes et des animaux de traction aux familles déplacées. Les familles transportent avec ces attelages des marchandises, du foin ou du bois. Moussa s'en sert aussi pour transporter les marchandises des autres commerçants sur le marché.
Il arrive ainsi à gagner quelques sous supplémentaires. Et quand il le faut, il propose ses services en ville comme aide-maçon sur des chantiers de construction où il est payé entre 2500 et 3000 francs CFA par jour (de 3 à 4 euros).
« Ces charrettes sont nos ambulances », précise-t-il. « Lorsque nos femmes et nos enfants sont malades, c'est avec les charrettes que nous les évacuons vers le centre de santé le plus proche. »
A côté de sa charrette, Moussa se tient droit, le regard rempli d'espoir. Mais sa voix dissimule mal son amertume. « Mon rêve, c'est de vivre dans un endroit calme et dans la paix. Ce sera peut-être Tin-Gara, inch'Allah. »
Violence armée, aléas climatiques, insécurité alimentaire et pression sur les ressources
Le Haut-Commissariat aux réfugiés dénombrait en octobre 2021 plus de 150 000 personnes déplacées internes et réfugiés dans la région de Tillabéri et de Tahoua. L'augmentation de la violence armée le long de la bande frontalière avec le Mali et le Burkina Faso (région du Liptako-Gourma) est une des causes principales du déplacement des populations. A ce phénomène s'ajoutent un rétrécissement de l'espace humanitaire, lié à l'insécurité, mais aussi des aléas climatiques qui perturbent l'agriculture au point que les récoltes deviennent insuffisantes.
Le déplacement forcé d'un grand nombre de personnes vers les centres urbains a un impact certain sur les communautés résidentes, elles-mêmes confrontées à la malnutrition ou à l'accès déjà limité aux services essentiels tels que l'eau, la santé ou l'éducation. Le Niger comptait plus de 500 000 déplacés et réfugiés en 2021.
*Prénom et nom d'emprunt