Les personnes disparues dans les Balkans occidentaux
Contexte historique
Dès que les conflits ont éclaté en ex-Yougoslavie au début des années 1990, le CICR et les autres composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont lancé une vaste opération sur le terrain pour répondre aux besoins humanitaires grandissants. Ensemble, ils ont collecté des demandes de recherches déposées par des personnes signalant la disparition d'un membre de leur famille.
Cette réaction rapide aux cas de disparition, ainsi que la collecte de données sur les personnes disparues et les circonstances de leur disparition, ont permis au CICR d'attirer l'attention des autorités sur cette question et de leur rappeler qu'elles ont l'obligation d'élucider le sort de toutes les personnes disparues.
Au total, le CICR s'est vu notifier la disparition de 34 891 personnes dans le cadre des conflits des années 1990. On connaît aujourd'hui le sort et la localisation de 70 % d'entre elles mais, en mars 2015, les familles de 10 860 personnes disparues dans l'ensemble des Balkans occidentaux vivaient toujours dans l'incertitude et l'attente de nouvelles de leurs proches.
Outre la collecte et le traitement des demandes de recherches, le CICR a mené les activités suivantes :
- encourager et aider les autorités à faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues et l'endroit où elles se trouvent, ainsi qu'à participer au dialogue et à l'échange d'informations ;
- porter assistance aux familles de personnes disparues, notamment en leur offrant un soutien psychosocial et en les aidant à créer des associations et à renforcer leurs capacités en matière de communication et de lobbying ;
- aider les autorités à cerner les besoins des familles et à garantir leurs droits juridiques et administratifs ;
- encourager et aider les partenaires locaux (Croix-Rouge et autres) à renforcer leurs capacités pour ce qui est de soutenir les familles de personnes disparues et de communiquer avec elles ;
- sensibiliser la communauté internationale à la question des personnes disparues et du droit qu'ont leurs proches de savoir ce qu'elles sont devenues, et obtenir l'appui des acteurs internationaux ;
- fournir un appui et des conseils techniques dans les domaines de la médecine légale, de la gestion des données sur les personnes disparues et des cadres juridiques.
C'est aux autorités qu'incombe la responsabilité première de clarifier le sort et la localisation des personnes portées disparues. En vertu du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme, les proches d'une personne disparue ont le droit d'être informés de ce qu'il est advenu d'elle et de l'endroit où elle se trouve (le « droit de savoir »). Les autorités et les anciennes parties aux conflits dans la région sont responsables au premier chef d'apporter des réponses.
Principales activités du CICR dans les Balkans occidentaux
Le CICR maintient un dialogue confidentiel avec les autorités dans toute la région. Il leur rappelle qu'elles sont tenues, en vertu du droit national et international, de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour élucider les disparitions qui se sont produites dans des zones alors placées sous leur contrôle.
Afin de faciliter les recherches, le CICR a remis aux autorités des dossiers bien étayés sur les cas de disparition et les a priées à maintes reprises d'examiner leurs archives relatives aux disparitions et à la gestion des dépouilles mortelles.
Des informations se rapportant à des personnes disparues sont parfois divulguées dans le cadre de procédures pour crimes de guerre. Le CICR coopère donc avec les autorités judiciaires nationales et internationales pour s'assurer que tous les éléments réunis dans le cadre de procédures judiciaires qui pourraient aider à localiser de nouveaux lieux d'inhumation sont transmis aux entités chargées de faire la lumière sur les disparitions.
Le groupe de travail sur les personnes portées disparues en relation avec les événements survenus au Kosovo est un mécanisme strictement humanitaire présidé par le CICR. Le groupe de travail tient régulièrement des réunions au cours desquelles les délégations de Belgrade et de Pristina échangent des informations et planifient des activités visant à retrouver la trace des personnes portées disparues par suite des événements qui ont secoué le Kosovo en 1998 et 1999.
Les réunions se déroulent généralement en présence des familles, de représentants de la Croix Rouge et de parties prenantes internationales. Le groupe de travail s'est réuni à 38 reprises entre sa création en 2004 et la fin de 2014. Ses efforts ont permis de réduire de moitié le nombre de personnes disparues en lien avec les événements survenus au Kosovo en 1998 et 1999 – 3 200 personnes en avril 2004 contre 1 655 à la fin de 2014. Le rôle du CICR en tant que président et qu'intermédiaire neutre consiste principalement à faciliter les rencontres entre Belgrade et Pristina, suivre l'exécution des engagements pris par les deux délégations et assurer le secrétariat du groupe de travail.
Le CICR tient à jour une liste provisoire de personnes disparues, validée par les délégations de Belgrade et de Pristina auprès du groupe de travail, et fournit régulièrement des versions actualisées aux deux parties. Il négocie, pour le compte des deux délégations, un accès aux archives des organisations internationales qui ont mené ou mènent encore des opérations au Kosovo, et qui sont susceptibles de posséder des documents portant sur des lieux d'inhumation ou des exhumations effectuées au Kosovo juste après les événements de 1998 et 1999.
En 2005, le groupe de travail a établi un sous-groupe de travail sur les questions de médecine légale, qui a tenu 25 séances à ce jour. Son objectif est de réunir des experts médico-légaux de Belgrade, de Pristina et d'ailleurs pour examiner des questions liées à l'exhumation et à l'identification des dépouilles.
Un mécanisme de dialogue bilatéral est en place entre la Serbie et la Croatie ; la liste de référence utilisée dans ce cadre est le livre des personnes disparues (Book of Missing Persons), reconnu conjointement par les autorités, les organisations de la Croix-Rouge et le CICR. En tant qu'observateur au sein de cette instance, le CICR prend note des engagements mutuellement consentis et suit leur mise en œuvre par chaque partie.
Conscients de leur responsabilité, les différents gouvernements des Balkans occidentaux ont créé des commissions pour s'attaquer au problème des personnes disparues. De telles commissions existent à Belgrade, Zagreb, Pristina et Podgorica. En Bosnie-Herzégovine, conformément à la loi sur les personnes disparues, les autorités ont fondé l'Institut pour les personnes disparues (Missing Persons Institute ou MPI), organe national permanent entré en activité en 2008. Ces différentes structures fournissent un soutien et des informations aux familles, centralisent les données sur les personnes disparues, coordonnent les recherches, mènent à bien les activités d'exhumation et d'identification et coopèrent avec leurs homologues dans la région.
Dans le cadre de ses relations avec les mécanismes nationaux chargés des personnes disparues dans les Balkans occidentaux, le CICR collabore étroitement avec le MPI sur les plans technique et politique et continue d'appuyer sa transformation progressive en institution nationale efficace et viable. Plus particulièrement, le CICR a contribué à la création du Registre central des personnes disparues de la Bosnie-Herzégovine en transférant des données sur les personnes disparues, les circonstances de leur disparition et les coordonnées des proches à leur recherche.
À la demande de la Commission gouvernementale du Kosovo pour les personnes disparues (GCMP), le CICR et la GCMP ont signé en juin 2012 un accord de remise de logiciel pour la base de données ante mortem et post mortem. Une fois que la saisie des données sera terminée et que les institutions compétentes auront mis à disposition les outils et ressources nécessaires, ce logiciel permettra à la GCMP d'établir un registre central des personnes disparues, de le gérer et de le tenir à jour sur le long terme.
Le CICR fournit un appui et des conseils techniques dans les domaines de la médecine légale (par ex. renforcement des capacités médico-légales locales, fourniture de matériel, procédures opérationnelles, traitement des restes humains) et du cadre juridique régissant les droits et les besoins des familles de personnes disparues (par ex. rédaction et mise en œuvre de lois sur les personnes disparues).
De plus, le CICR informe régulièrement la communauté internationale sur les progrès accomplis et les défis à relever.
Soutien apporté par le CICR et la Croix-Rouge aux familles de personnes disparues
Les organisations de la Croix-Rouge des Balkans occidentaux portent assistance aux familles de personnes disparues. Dans la plupart des contextes, elles endossent des responsabilités dans le processus de recherches. Leur rôle principal (et indispensable) est de rester aux côtés des familles et de les accompagner à travers les épreuves que sont pour elles la recherche d'un proche disparu, son identification et la clôture de son dossier.
Les associations de familles de personnes disparues jouent un rôle crucial. En particulier, elles offrent un répit à leurs membres en les représentant dans les démarches entreprises auprès des autorités et d'autres acteurs pour obtenir des réponses. Afin de renforcer les associations de familles, le CICR appuie un certain nombre de projets de soutien psychosocial, souvent mis en œuvre avec les organisations locales de la Croix-Rouge. L'institution organise aussi, dans toute la région, des ateliers dont l'un des buts est d'aider les participants à sensibiliser les autorités, les médias et la société en général aux besoins des familles de personnes disparues.
Le CICR invite instamment les autorités à : fournir des informations qui pourraient permettre de clarifier le sort et la localisation des personnes portées disparues, donner à leurs services nationaux compétents les moyens nécessaires pour rechercher activement ces personnes, allouer des fonds suffisants à cette problématique, et adopter et mettre en œuvre des législations qui répondent aux besoins des familles de personnes disparues.
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