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RD Congo : à Kinshasa, les rumeurs affaiblissent la lutte contre le Covid-19

Une grande partie des 13 millions d’habitants de la capitale Kinshasa ignorent les mesures de prévention qui s’imposent. La sensibilisation aux gestes barrières, menée par des volontaires de la Croix-Rouge déployés à travers la ville, constitue un réel défi.

A Makala, l'une de 24 communes de la ville de Kinshasa, le dispositif de lavage des mains placé devant la maison communale ne suscite pas l'engouement. Le thermomètre infrarouge, disponible pour relever la température, est à peine utilisé. Les affiches de prévention contre la pandémie, pourtant très visibles, n'attirent quasiment personne. L'équipe de secouristes de la Croix-Rouge interpelle en vain la population sur le respect des mesures barrières. « Qu'ai-je mangé pour que je doive me laver les mains ? », lâche une jeune femme pour narguer les sensibilisateurs. « Cette maladie n'est pas mon problème », déclare un autre passant.

Sur cette grande route de terre, parsemée de grosses flaques d'eau malgré la saison sèche, la foule circule mais rares sont ceux qui portent un masque. Les gens discutent à moins d'un mètre les uns des autres. Kilola, volontaire de la Croix-Rouge, ne flanche pas pour autant. Mégaphone à la main, il poursuit sa sensibilisation sans désemparer. « Je ne me sens pas découragé », confie-t-il. « Ils finiront par prendre conscience du danger. » Pour lui, cette négligence est liée à certaines croyances ou légendes urbaines, répandues surtout chez les jeunes : « Beaucoup croient encore qu'en buvant de l'alcool produit localement, ils ne seront jamais atteints par le Covid-19. »

Kinshasa, épicentre de la maladie et des rumeurs

Au début de la pandémie, une plante appelée « Kongo Bololo », dont les feuilles au goût très amer seraient un remède contre le Covid-19, avait inondé les marchés kinois. « Ces rumeurs sont un frein pour nous », estime Kitumua, superviseuse de l'équipe des sensibilisateurs de la Croix-Rouge.

Ces mythes autour de la maladie font que nous sommes parfois traités d'escrocs ou de complices.

Et pourtant, en RDC, Kinshasa est l'épicentre de la maladie. « La pandémie n'est pas finie », indique Kitumua. « Nous sentons qu'il y a un relâchement dans les comportements qui étaient pourtant assez suivis au début de la crise. »

Outre les principaux carrefours et les grandes artères, les volontaires de la Croix-Rouge sont déployés sur les marchés. Là également, la situation est peu reluisante : le respect des gestes barrières n'existe pas.

Sur le marché très fréquenté du Rond-Point Ngaba, au sud de Kinshasa, vendeurs et clients se côtoient quotidiennement de manière si proche qu'ils sont fortement exposés au risque de se contaminer. Dans les allées étroites le long desquelles s'alignent les étalages, les nombreux clients se croisent sans cesse et se touchent pour se frayer un chemin.

« Nous voulons d'abord voir un malade atteint du Covid-19 avant de vous croire », lance une commerçante aux volontaires venus échanger avec elle.

« C'est difficile quand on est en face de quelqu'un qui réfute tout », avoue Kitumua. « Nous faisons de notre mieux pour les écouter et les rassurer. Surtout, ce qu'on leur demande de faire pour se protéger ne doit pas être perçu comme une corvée. »

Ici aussi, le port de masque est l'exception, l'insouciance perceptible, et les gens demeurent sceptiques quant à l'existence de la maladie.

Quelques personnes utilisent la station de lavage des mains mais la pénurie d'eau reste un casse-tête pour les secouristes. « Nous achetons tous les jours de l'eau au forage situé à près de 200 mètres d'ici », indique Kilola. Là-bas, un bidon de 25 litres d'eau coûte 200 francs congolais. A Kinshasa, la grande majorité des gens vivent avec moins de 2000 francs congolais, soit 1 euro par jour.

Faire du porte-à-porte

Face à l'hostilité de la population aux séances de sensibilisation, Kitumua propose d'aller à la rencontre des familles à leur domicile.

« Nous devons innover », dit-elle. « A la Croix-Rouge, nous avons été formés pour effectuer du porte-à-porte, en quelque sorte du bouche-à-oreille ». Selon elle, cette méthode serait plus efficace : « Prendre quelqu'un en aparté aide à mieux faire passer le message. En public, ceux qui sont opposés aux messages influencent ceux qui sont disposés à écouter, accepter et respecter les mesures d'hygiène recommandées. »

En juillet 2020, plus de 7500 cas d'infection au Covid-19 avaient été recensés dans la capitale Kinshasa depuis le début de la pandémie. Si l'état d'urgence sanitaire a été levé le 21 du même mois pour faciliter le redémarrage des activités économiques, de nouveaux cas sont enregistrés chaque jour. Les autorités ont pris des mesures contraignantes pour que la population respecte mieux les gestes barrières, parmi lesquelles le paiement d'une amende pour le non-port du masque dans les lieux publics. La vigilance reste de mise et les efforts de sensibilisation continuent.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19 en RDC, le Comité international de la Croix-Rouge offre son soutien aux activités de prévention menées par la Croix-Rouge de la RDC : formation des bénévoles à travers le pays, fourniture des stations de lavage des mains, de matériels de sensibilisation et de gestion des dépouilles mortelles. Le CICR prend également en charge les indemnités journalières des sensibilisateurs et participe à la production des messages de prévention contenus dans les spots radio et les supports imprimés.