République centrafricaine: les détenus reprennent du poids à la maison centrale de Bouar
En République centrafricaine, nous menons un programme nutritionnel unique en son genre à la maison centrale de Bouar. Organisé et mis en place en collaboration avec les autorités pénitentiaires, ce programme a aidé près de 250 détenus malnutris à reprendre du poids et des forces depuis qu'il a démarré en juillet 2017.
Comme chaque matin, Marie-Claire (48 ans) et Raïssa (23 ans) étaient déjà au travail depuis 7h00. Assises sur des tabourets à côté d'un four, elles étaient occupées à préparer le premier des deux repas qu'elles cuisineront ce-jour pour les détenus de la maison centrale de Bouar.
À côté d'elles se trouve Pacôme Ngoto, le superviseur du programme nutritionnel. Il prépare les fûts où sera placée la nourriture cuisinée. Ces fûts seront ensuite transporter à la prison, à l'aide d'un chariot. « J'aime bien ce travail » affirme Marie-Claire, mère de quatre enfants, pendant qu'elle coupe des carottes à l'aide d'un grand couteau. « Nous sommes toutes des volontaires de la Société de Saint Vincent de Paul et amenons des repas à beaucoup de personnes démunies à Bouar. »
« Ça, c'est la nourriture que nous préparons deux fois par jours pour les détenus. » ajoute-t-elle, en ouvrant un cahier avec des recettes. Chaque recette contient les quantités de chaque ingrédient à utiliser pour fournir un total de 3 000 calories par jour aux détenus.
Les recettes ont été élaborées par une nutritionniste du CICR, en tenant compte des produits disponibles au niveau local et des habitudes alimentaires de la population.
« Pour les deux repas d'aujourd'hui, nous allons cuisiner du riz, des haricots, du poisson fumé, des carottes et des feuilles de manioc, » explique Marie-Claire en reprenant le couteau pour continuer son travail.
D'après Marie-Claire et Raïssa, le seul ingrédient que les détenus n'aiment pas est le 'gombo'. C'est une poudre végétale riche en vitamines mais qui devient glutineuse quand elle est mélangée avec de l'eau. « Ils n'aiment pas le fait que ce soit gluant.» explique Raïssa.
Le programme nutritionnel du CICR à la maison centrale de Bouar a été littéralement une bouée de sauvetage pour plusieurs détenus dont les familles vivent trop loin pour leur rendre visite et/ou leur amener de la nourriture. Pour ces détenus, qui parfois se nourrissaient mal bien avant leur arrivée à la maison d'arrêt, rester en bonne santé en consommant uniquement la ration alimentaire fournie par les autorités, relevait presque de l'impossible.
La maison centrale de Bouar est l'un des établissements pénitentiaires que le CICR visite régulièrement en RCA. C'est pendant l'une de ces visites que l'équipe du CICR, vu l'état nutritionnel alarmant de certains détenus, a proposé son aide aux autorités pénitentiaires à travers un programme nutritionnel d'urgence. Cette aide sera maintenue jusqu'à ce que les autorités puissent prendre le relais et assurer une ration alimentaire suffisante pour tous les détenus. Depuis son début, le programme a été planifié et mis en place avec l'accord et la coopération des autorités.
« Une fois introduits dans le programme, les détenus malnutris ont commencé à prendre du poids rapidement et ont retrouvé une bonne santé en l'espace d'un mois et demi. » explique Alice Gadler, déléguée CICR en charge du programme nutritionnel.
« Le défi était de maintenir ce gain une fois sortis du programme. Mais seulement 17 détenus au total ont fait une rechute pendant toute la durée du programme, » affirme-t-elle.
Ce nombre limité de rechutes, et l'absence totale de nouvelles rechutes durant les deux derniers mois, témoignent des efforts mis en place par les autorités pénitentiaires pour améliorer l'alimentation de l'ensemble des détenus de la maison centrale.
Quand Pacôme, Marie-Claire et Raïssa sont arrivées durant l'après-midi avec le deuxième repas de la journée, 10 détenus les attendaient dans une des cellules, assis sur des nattes, dos contre le mur. Une fois servi, ils commencèrent à manger avec entrain. Tandis que certains raclaient le fond de leur bol pour ne laisser aucune miette, d'autres mangeaient rapidement et en redemander plus.
« Je me sens tellement mieux depuis que je mange cette nourriture. » affirma un jeune homme qui se levait pour sortir. « J'ai plus d'énergie et je me sens plus fort que lorsque je suis arrivé ici il y a quelques semaines. »