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République démocratique du Congo : la chirurgie de guerre sauve des vies

Dans l'est de la République démocratique du Congo, région ravagée par des décennies de conflits armés, le CICR met à disposition de certaines structures médicales son expérience et son expertise dans la prise en charge des blessés de guerre. Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, il a ainsi déployé deux équipes chirurgicales chargées de sensibiliser les professionnels de la santé aux techniques spécifiques à la chirurgie de guerre.

Le CICR est présent principalement à l'hôpital provincial général de référence de Bukavu et au centre hospitalier Bethesda/Ndosho à Goma. Ces structures médicales doivent régulièrement faire face à un afflux de blessés de guerre avec des moyens très limités et dans des conditions particulièrement difficiles. Le CICR leur apporte son soutien, notamment en formant les membres du personnel médical local et en les assistant dans la prise en charge chirurgicale des patients. Il contribue en outre à la gratuité de telles interventions.

« Notre collaboration avec le CICR a changé positivement notre manière de travailler. Nous utilisons aujourd'hui des techniques simples mais efficaces, qui donnent une meilleure chance de survie et de guérison à nos patients. Malgré ma formation à l'université et mes 30 ans d'expérience en chirurgie, je n'avais jamais imaginé par exemple qu'avec du sucre et du vinaigre, on pouvait soigner les blessures de guerre, et obtenir des résultats aussi impressionnants», reconnaît le docteur Georges Kuyigwa, chef du département de chirurgie à l'hôpital provincial général de référence de Bukavu.

En chirurgie de guerre, le sucre est utilisé en particulier pour panser des plaies très profondes. Il stérilise les blessures et réduit les risques de contamination. Quant au vinaigre, il est employé pour neutraliser le pseudomonas, un germe qui infecte les plaies en leur donnant une coloration verdâtre et une odeur piquante.

Dans le domaine de l'anesthésie, plusieurs pratiques ont également changé à l'hôpital. Le docteur Pierre Kabuya, médecin anesthésiste, se dit favorablement surpris par les nouvelles méthodes apprises. « Je n'avais jamais fait une anesthésie profonde sans recourir à un dispositif comme un respirateur », confie-t-il. Les techniques simples développées par le CICR permettent en effet à un patient sous anesthésie de respirer en toute sécurité sans source d'oxygène additionnelle, au moyen d'un simple embout.

Un soldat, blessé pendant les opérations militaires dans la plaine de la Ruzizi et évacué par le CICR, est opéré par l'équipe chirurgicale du CICR et de l'Hôpital Provincial Général de Référence de Bukavu. CC BY-NC-ND/CICR/Alyona Synenko

Les soins infirmiers ont eux aussi été réorganisés. « Grâce au projet du CICR, on a maintenant, pour chaque patient, une fiche contenant les renseignements nécessaires pour assurer son suivi. Chaque blessé dispose également de son propre set à pansement pour éviter de disperser les germes. Par ailleurs, la solution de dakin, un antiseptique très irritant à base de chlore utilisé pour les pansements, a été abandonnée au profit du sérum physiologique », explique Espérance Mwamini Birindwa, infirmière cheffe de pavillon.

Transfert de responsabilités

Au regard de l'évolution positive de l'encadrement et de la formation du personnel de santé local à Bukavu, le CICR, présent dans cet hôpital depuis février 2013, s'apprête à transférer les responsabilités de la prise en charge chirurgicale des blessés. Ainsi, dès fin juin, c'est une équipe locale qui s'en chargera. Le CICR poursuivra quant à lui ses activités de supervision technique, veillant à ce que les protocoles de chirurgie de guerre et les bonnes pratiques en la matière soient respectés. Il continuera également à apporter son soutien matériel et financier afin de garantir la gratuité des soins pour les blessés de guerre.

« Dans le cadre du projet avec le personnel soignant de l'hôpital, un calendrier de compétences à acquérir a été élaboré. Je pense que le personnel de santé local maîtrise désormais les procédures CICR. Nous restons encore jusqu'en juin pour qu'un certain nombre d'habitudes soient bien ancrées avant que notre équipe chirurgicale ne passe complètement le relais », affirme le docteur Amadou Fadiga, chef de projet chirurgie du CICR à Bukavu. Ce transfert de responsabilités n'implique cependant pas le désengagement du CICR, qui continuera de soutenir l'hôpital dans sa prise en charge des blessés de guerre.

Le CICR a également réalisé des travaux pour stabiliser l'approvisionnement électrique du bloc opératoire, du laboratoire et de la banque du sang. Il a en outre offert un groupe électrogène pour assurer l'autonomie en courant électrique du bloc opératoire.

Au centre hospitalier Bethesda/Ndosho de Goma, où il s'est installé depuis novembre 2012, le CICR maintient encore une équipe chirurgicale complète, composée d'un chef de projet, d'un chirurgien, d'un anesthésiste, d'une infirmière cheffe, d'une infirmière de bloc opératoire, d'un infirmier post-opératoire et d'un physiothérapeute. L'hôpital a une capacité d'accueil de 169 lits, dont 69 sont réservés aux blessés soignés gratuitement par le CICR.

Outre la formation et l'assistance qu'il assure sur place à Ndosho, le CICR forme également les membres du personnel des centres de santé environnants, afin qu'ils acquièrent les capacités nécessaires pour stabiliser les blessés de guerre qu'ils prennent en charge avant de les orienter vers l'hôpital.

« Nous enseignons des techniques spécifiques à la chirurgie de guerre. Aujourd'hui, le personnel médical local a compris, par exemple, qu'une blessure de guerre ne doit pas être suturée immédiatement après le débridement, un processus consistant à retirer tous les tissus morts d'une plaie afin de permettre une régénération des cellules pour favoriser la cicatrisation. Nous restons sur place pour nous assurer que ces techniques fraîchement acquises deviennent des habitudes. Mais nous ne cherchons pas à nous substituer aux locaux, surtout lorsqu'ils ont les compétences requises. Notre but est de pouvoir nous retirer le plus rapidement possible », explique le docteur Ali Touati, chirurgien du CICR, pour qui les efforts déployés ces dernières années ont contribué à réduire sensiblement le taux de mortalité dans la région.

Une des grandes innovations techniques apportée à Goma est l'introduction d'une attelle de nouvelle génération par le docteur Hassan Nasreddine, chirurgien consultant pour le CICR. Il s'agit d'un dispositif métallique utilisé pour traiter les fractures du fémur, qui permet de bien immobiliser le patient et de réduire la fracture de manière satisfaisante. Fabriquée en Suisse, cette attelle se démarque nettement des autres dispositifs utilisés jusque-là : elle est moins coûteuse, son montage est aisé (3 à 5 minutes), son poids de 10 kg permet d'assurer une bonne stabilité du blessé alité et elle ne rouille pas, car elle est faite d'acier galvanisé.

Au centre hospitalier Bethesda/Ndosho, afin d'optimiser la prise en charge des patients, le CICR a également travaillé à remettre en état les infrastructures et à renforcer les équipements existants. Les conditions de travail dans le bloc opératoire ont été améliorées, et l'hôpital est désormais raccordé aux réseaux d'eau potable et d'électricité. Le CICR a aussi créé une zone de gestion des déchets (alimentaires et hospitaliers) et mis en place une cuisine et un local de lessive à l'intention des blessés de guerre. « C'est actuellement l'hôpital le plus propre de Goma », se réjouit le docteur Bose Semanengu, médecin directeur à Bethesda/Ndosho.

Province du Nord-Kivu, Goma, Hôpital CBCA de Ndosho où travaille une équipe chirurgicale du CICR. Le CICR a facilité l'accès à l'eau en installant un réservoir. CC BY-NC-ND/CICR/Elodie Schindler

De janvier à mars 2015, ces deux hôpitaux ont pris en charge 159 personnes blessées dans le cadre du conflit, dont 66 à Bukavu et 93 à Goma.

Province du Nord-Kivu, Goma, Hôpital CBCA de Ndosho. L'équipe des cuisiniers de l'hôpital dans la cuisine réhabilitée par le CICR en 2014. CC BY-NC-ND/CICR/Elodie Schindler