Philippines : de jeunes rescapés du typhon Bopha surmontent leur traumatisme par le dessin

10-05-2013 Éclairage

Le typhon Bopha qui a ravagé le sud des Philippines a bouleversé la vie de milliers d’habitants et traumatisé de nombreux enfants. Marie-Claire Feghali, déléguée du CICR chargée de la communication, s’intéresse au rôle décisif qu’a joué le soutien psychosocial pour les enfants d’une des régions les plus durement touchées.

De la tente blanche où elles sont installées, Kati Partanen regarde en direction de l’abri en toile où vivent plusieurs de « ses enfants », tandis que Malou Rodriguez met tout en place pour la séance de dessin. Ici, à l’unité de soins de santé primaires de la Croix-Rouge à Baganga, dans la province du Davao oriental, les jeunes victimes du typhon Bopha viennent pour parler, trouver du réconfort et dessiner.

Pour la première fois, le soutien psychosocial a été inclus dans le programme de soins de santé d’urgence déployé par le CICR après le passage du typhon qui a ravagé l’est de Mindanao début décembre 2012. Ce soutien spécifique a été apporté aux rescapés afin de les aider à surmonter le traumatisme qu’ils ont subi.

Kati et Malou, toutes deux infirmières diplômées, sont fières de participer aux opérations de secours mises en place à Baganga, l’une des zones les plus durement touchées que le CICR et la Croix-Rouge philippine continuent d’aider. Elles sont entourées de centaines de dessins qui témoignent de ce que les enfants ont vécu pendant et après le passage du typhon.

« Nous avons tous des émotions et des pensées à exprimer », déclare Malou, qui a été l’une des premières à rejoindre l’équipe soignante de la Croix-Rouge qui apporte un soutien psychosocial aux victimes. « Mais quand les enfants n’arrivent pas à parler, le dessin remplace les mots. »

Une offre de soins diversifiée

Entre janvier et mars 2013, la tente dédiée au soutien psychosocial a accueilli plus de 900 patients sur les quelque 7 000 qui sont passés par l’unité de soins de santé primaires mise en place par le CICR en partenariat avec la Croix-Rouge philippine. Outre le soutien psychosocial, l’unité a proposé des consultations et des soins ambulatoires, des vaccinations et des soins de santé maternelle et infantile.

L’objectif de ce dispositif d’urgence, également soutenu par la Croix-Rouge japonaise, était de répondre aux besoins en matière de santé primaire, les structures de santé locales ayant été gravement endommagées par le typhon. Le personnel de l’unité de soins de santé primaires était composé de professionnels de la santé issus des Sociétés nationales de la Croix-Rouge du Japon, du Canada, de la Finlande, de l’Allemagne, de la Norvège et des Philippines, soutenus par des professionnels philippins hautement qualifiés.

Le dessin comme moyen d’expression

Dans le cadre d’un projet intitulé « Comment j’ai vécu le passage du typhon Pablo », mené dans deux écoles de Baganga, les enfants ont été invités à dessiner ce qu’ils ressentaient. Kati commente le dessin de Roylan Echonar, un jeune garçon de 11 ans : « Ici, il a dessiné des nuages noirs, des cocotiers déracinés et des maisons en ruine, reflet de ce que son jeune esprit a retenu de l’événement. On remarque aussi, et c’est intéressant, qu’il a ajouté des hélicoptères et une tente de la Croix-Rouge sur laquelle il a écrit “Secours”. »

Un autre dessin montre des gens faisant la queue pour recevoir l’aide qui est distribuée, tandis qu’un troisième représente une maison et une miche de pain. Intriguée, Malou interroge le garçon qui en est l’auteur : « C’est ta maison ? Pourquoi as-tu dessiné un morceau de pain ? » Il a sans doute faim, songe-t-elle. Après avoir mangé et trouvé du réconfort dans les bras de Malou, l’enfant se confie à elle : chez lui, ils sont six et n’ont qu’une boîte de sardines à se partager chaque jour car sa mère met de côté l’aide alimentaire « au cas où un autre typhon arriverait ».

Kati, que les enfants appellent « Lola » (« grand-mère » en filipino), explique ce comportement : « Les gens ont été profondément traumatisés par le typhon. Désormais, chaque fois qu’il pleut à torrents, ils ont peur que leurs maisons s’effondrent, que leurs arbres soient déracinés et que leurs moyens de subsistance soient de nouveau détruits. »

« Notre objectif était de guider la communauté sur la voie du rétablissement. Nous y sommes parvenus en formant 120 professeurs et directeurs d’établissements scolaires aux principes de la thérapie cognitivo-comportementale, ajoute Kati. Aujourd’hui, ils mettent en pratique ce qu’ils ont appris pour venir en aide à leurs élèves, qui nous envoient des dessins et des prières en témoignage de leur gratitude. »

Mais est-ce suffisant alors que nombre de rescapés luttent encore pour retrouver une vie normale ? « Lola » Kati sourit : « Je sais que je ne peux pas sauver tous les enfants du monde, mais si je parviens à transformer la vie d’un ou deux d’entre eux, j’aurai tout de même accompli quelque chose. »

La tente dédiée au soutien psychosocial a accueilli son dernier patient le 22 mars 2013, jour où l’unité de soins de santé primaires de la Croix-Rouge a fermé ses portes. Le centre de soins rural de Baganga ayant été remis en état par les autorités philippines, avec l’appui du CICR, le personnel local peut de nouveau y accueillir les patients. Grâce au soutien du CICR, les écoles de Baganga aident désormais des centaines d’enfants à surmonter leur traumatisme par le dessin.

 

 * Autre nom donné par les Philippins au typhon Bopha

Photos

Des professeurs et directeurs d’établissements scolaires apprennent à aider les enfants à surmonter leur traumatisme par le dessin lors d’une séance de formation du CICR. 

Des professeurs et directeurs d’établissements scolaires apprennent à aider les enfants à surmonter leur traumatisme par le dessin lors d’une séance de formation du CICR.
© CICR / Marie Claire Feghali

Dessin de Roylan Echolar, un garçon de 11 ans, qui traduit son ressenti pendant et après le passage du typhon Pablo : il a représenté des arbres déracinés près de sa maison, un véhicule de la Croix-Rouge, des tentes du CICR, et un soleil qui sourit, satisfait de la distribution des secours. 

Dessin de Roylan Echolar, un garçon de 11 ans, qui traduit son ressenti pendant et après le passage du typhon Pablo : il a représenté des arbres déracinés près de sa maison, un véhicule de la Croix-Rouge, des tentes du CICR, et un soleil qui sourit, satisfait de la distribution des secours.
© CICR / Ben Lavisurez

 

Des enfants enlacent « Lola » (grand-mère) Kati à l’intérieur de la tente dédiée au soutien psychosocial.
© CICR / Marie Claire Feghali

Un élève de l’école San Victor a dessiné des gens dans des tentes après le passage dévastateur du typhon Pablo. 

Un élève de l’école San Victor a dessiné des gens dans des tentes après le passage dévastateur du typhon Pablo.
© CICR / Marie Claire Feghali

Des enfants dessinent à l’intérieur de la tente dédiée au soutien psychosocial. 

Des enfants dessinent à l’intérieur de la tente dédiée au soutien psychosocial.
© CICR / Ben Lavisurez

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