La terre: un enjeu pour les acteurs humanitaires dans les conflits armés

16-06-2008 Éclairagede Marion Harroff-Tavel

L'accès à la terre, son utilisation, sa gestion, sa propriété et sa transmission sont au cœur des enjeux politiques de maints conflits armés, notamment lorsque le déplacement forcé de population est une stratégie guerrière. La terre est aussi au centre de l'action humanitaire, car son exploitation permet à des communautés affectées par le combat de retrouver une sécurité économique durable.

  L'auteur de ce texte est Conseillère politique du Comité international de la Croix-Rouge. Ces lignes ne reflètent toutefois pas nécessairement les vues du CICR et n'engagent que leur auteur.
  L'objectif des lignes qui suivent est d'évoquer les défis concrets, pratiques, que les querelles foncières posent aux acteurs humanitaires, sur la base de l'expérience du Comité international de la Croix-Rouge dans les conflits armés. Ces défis méritent une réflexion approfondie pour identifier des réponses que ces lignes ne prétendent pas donner, notre objectif, plus modeste, étant de poser les termes du débat. 

       

     
   
    Nombre d'acteurs humanitaires sont confrontées à des problèmes fonciers dans leurs activités : Un canal d'irrigation construit pour assister une communauté en difficulté coupera malencontreusement une route migratoire empruntée par des populations nomades qui revendiquent un droit de passage ancestral. La propriété de points d'eau potable ou de champs irrigués par des acteurs humanitaires sera réclamée par différentes personnes qui avancent des droits de propriété sur une terre dont ils veulent commercialiser les produits. La répartition des sols, plus ou moins fertiles, à des communautés plus ou moins pauvres selon des règles traditionnelles rendra complexe l'assistance impartiale aux personnes les plus en détresse. Tirer des enseignements de ces expériences pour choisir des modes d'intervention appropriés, telle est la tâche à laquelle se sont attelés les responsables de la sécurité économique au CICR.        
           
  Pourquoi choisir de partager quelques réflexions sur les enjeux pour les humanitaires des conflits liés à la terre ? [1]    
    ©ICRC/P. Yazdi/ug-e-00272      
   
    Ouganda, district de Kitgum. Ce paysan avait dû fuir et laisser son champ à l'abandon durant des années. De retour, il s'est remis aux labours et est soutenu par le CICR dans le cadre du programme « argent contre travail ».      
         

     

  • D'abord, c'est une problématique centrale dans de nombreux conflits actuels. Ainsi - et ce n'est là qu'un exemple - les conflits produisent des déplacements de population. Les terres sont abandonnées et occupées par d'autres. Lorsque les hostilités cèdent le pas à une paix volatile et que les réfugiés ou déplacés internes veulent rentrer dans leurs régions d'origine, les difficultés surgissent. Qui a le droit d'exploiter la terre, d'en tirer des revenus ? Les modalités du retour de ceux qui sont partis de gré ou de force peuvent être discutées au niveau du village ou du district. Parfois ces modalités sont controversées ou les populations autochtones refusent le retour des déplacés, ce qui engendre la violence. La situation est encore plus critique lorsque la terre recèle des ressources naturelles.

  • Ensuite, les querelles d'aujourd'hui autour de l'accès à la terre, son usage, sa propriété, sa gestion et sa transmission risquent de s'aggraver dans les années à venir, avec des conséquences humanitaires graves. Les effets du réchauffement climatique (épisodes de sécheresse, avancée du désert, multiplications des catastrophes naturelles) conduisent des populations à migrer ou à emprunter d'autres routes que celles habituellement utilisées. Ceci donne souvent lieu à des tensions entre des populations sédentaires et des nouveaux venus nomades ou semi-nomades qui, contraints de changer de mode de vie, ont besoin de terres pour s'alimenter ou nourrir leurs troupeaux. Ces tensions rendent inopérants les équilibres traditionnels qui prévalaient entre eux. En outre, il y a lieu de craindre que la crise alimentaire mondiale et la croissance démographique dans certains pays d'Afrique subsaharienne ne contri buent à une compétition plus grande pour les terres fertiles et à l'exode de populations appauvries et sans moyen de subsistance.

  • Enfin, les querelles foncières peuvent avoir des conséquences humanitaires décuplées par différents facteurs : la disponibilité des armes qui rend les affrontements plus sanglants et difficiles à résoudre; l'affaiblissement des mécanismes de résolution ou régulation des conflits (par exemple, la perte de crédibilité des sages - des aînés - et des traditions dont ils sont les garants) et l'instrumentalisation des tensions autour de la terre par des groupes armés ou des autorités publiques.

 
    ©ICRC/H. Keller/sn-e-00114      
   
    Guinée-Bissau, Tabanca Nova. Autour d'un nouveau puits installé par le CICR, des villageois nettoyent une surface de 1,5 hectares qui sera utilisée pour l'horticulture.      
          La terre n'est pas seulement nourricière, c'est souvent un enjeu symbolique . La terre inclut le sol et la superficie physique, ainsi que toutes les ressources naturelles qui y sont associées comme l'eau, les arbres et les minéraux. Elle est source de nourriture (naturelle et fruit de l'agriculture). Elle offre les ressources nécessaires à une vie dans la dignité (commerce des produits de la terre et exploitation de ses richesses minières et autres). C'est un lieu de vie, le cadre de relations familiales et sociales (c'est le cas, par exemple, lorsque pour se marier il faut pouvoir nourrir une famille et donc cultiver). Enfin, elle peut avoir une dimension symbolique pour des raisons religieuses, historiques, culturelles ou autres (attachement identitaire à la terre).

  Les organisations humanitaires ont un rapport étroit à la terre et ce rapport n'est pas toujours facile . Prenons l'exemple de l'assistance à un groupe nomade ou semi-nomade en difficulté : Les besoins de cette communauté peuvent requérir des interventions plus sophistiquées que la distribution de nourriture, d'eau ou d'articles domestiques, qui s'impose en période de crise aiguë. Il s'agit de faciliter l'accès de la communauté à des régions où la nature offre de la nourriture (cueillette), de lui permettre de se rendre sans danger dans des marchés ou des centres urbains, d'ouvrir les routes migratoires coupées par des lignes de tension interethnique, de réhabiliter des points d'eau, d'améliorer la productivité du bétail, voire de construire des hangars dans lequel entreposer les produits des récoltes ou de l'élevage pour stabiliser les termes du commerce. Toutes ces interventions ont pour but d'assurer la sécurité économique des personnes en difficulté, pour qu'elles puissent faire face de manière durable à leurs besoins économiques et à leurs dépenses essentielles

(nourriture, habitat, accès aux soins de santé et éducation, en particulier). Ces interventions impliquent des démarches qui requièrent des connaissances : Qui a le droit de transiter sur la terre, de la cultiver, d'y planter des arbres et d'ériger une digue ? La terre appartient-elle à des individus? A une communauté ? A l'État ? Est-elle ouverte à tous ? Les réponses sont d'autant moins aisées à trouver qu'elles peuvent différer d'un village à l'autre.

Les prémisses de la réflexion ainsi posées, venons en aux défis que posent les problèmes fonciers aux organisations humanitaires . Sur la base de l'expérience de cadres opérationnels du CICR, partagée notamment lors d'un un atelier organisé par son Unité de sécurité économique à Nairobi en octobre 2007, les principales questions nous semblent être les suivantes :

 
    ©ICRC/J. Björgvinsson/td-e-00198      
   
    Tchad. Village de Hillekep. Des femmes, qui ont reçu du CICR des graines et des outils, cultivent un champ.      
         

  Quelles sont les informations nécessaires avant d'entreprendre un projet d'assistance qui implique un usage de la terre, auprès de qui les recueillir et comment assurer une gestion dynamique de ces informations dans des environnements instables ?  

Il s'agit de comprendre les besoins et intérêts des différents groupes concernés pour assurer leur sécurité économique, le droit applicable et les mécanismes de règlement des différends. Mais est-ce suffisant ? Se pose la question de savoir auprès de qui recueillir ces informations. Parfois, nos interlocuteurs diront avoir la compétence de donner l'accès à la terre et au moment où nous creuserons un puits, un autre groupe se présentera, détenteur d'une autorité informelle, pour contester les autorisations reçues. Enfin, comment - dans une délégation composée de délégués polyvalents, de juristes, d'ingénieurs, d'agronomes, de logisticiens et d'autres spécialistes - s'assurer que tout le monde soit à même d'écouter les interlocuteurs locaux sur les questions liées à la terre pour mener des actions humanitaires impartiales respectueuses du droit, des traditions et de sensibilités diverses ?

  Comment éviter que l'action humanitaire n'aggrave les querelles et tensions liées à la terre ?  

D'abord, quelles précautions prendre pour ne pas cautionner l'appropriation de terres appartenant à d'autres ? Ne risque-t-on pas, par des programmes d'assistance, de sédentariser des communautés sur des terres d'accueil dont les occupants traditionnels ont fui les combats? Comment ces derniers réagiront-ils si, dans les camps de déplacés où ils vivent temporairement, ils apprennent que d'autres s'installent sur leurs terres, dans leur région d'origine, avec l'aide des acteurs humanitaires ? La prudence s'impose. Ainsi, il faudra parfois renoncer à certaines interventions : éviter de distribuer des outils aratoires, des semences et des pompes d'irrigation ou veiller à ne pas s'engager dans l'agro-foresterie (c'est-à-dire à la plantation de buissons ou d'arbres qui améliorent la fertilité des sols) si la plantation d'arbres est considérée comme une appropriation de la terre.

 
    ©ICRC/J. Björgvinsson/cg-e-00031      
   
    Congo, Pool. Champ de multiplication de boutures de manioc résistantes à la maladie de la mosaïque, cultivé par un groupement de paysans soutenu par le CICR.      
        Ensuite, comment s'assurer que les infrastructures créées ne deviennent pas des sources additionnelles de conflits ? A titre d'illustration, les ingénieurs constru iront des points d'eau qui permettent à la fois à des agriculteurs de disposer d'eau potable et d'arroser leurs récoltes et à des éleveurs d'abreuver leur bétail. 

Enfin, comment trouver l'équilibre entre la nécessité de respecter le principe d'impartialité et le besoin d'un certain pragmatisme pour que l'assistance apportée ne soit pas source de tensions entre des communautés adverses ? L'impartialité implique de donner à chacun selon ses besoins, sans discrimination de nationalité, d'appartenance politique, de religion, d'idéologie, de genre. Or, les acteurs humanitaires se trouvent parfois confrontés à des dilemmes éthiques, comme le démontre l'exemple suivant :

Dans le cadre d'un conflit armé, des agriculteurs assistés par le CICR lui ont fait part de leurs craintes d'être attaqués. Ils appréhendaient le risque de pillage par des nomades sédentarisés sur des terres voisines des leurs. Ils souhaitaient qu'une assistance soit apportée aux nouveaux venus qu'ils considéraient comme des ennemis potentiels – mais pas une assistance qui contribuerait à leur établissement définitif sur des terres contestées. Ils acceptaient que des terres soient partagées – mais pas les plus fertiles. L'impartialité, stricto sensu , impliquait de concentrer l'assistance du CICR en faveur des fermiers dont la détresse était plus grande. Cela dit, chez leurs voisins se trouvaient aussi des personnes en difficulté, s'est-on dit. Alors, que faire ? Des campagnes de vaccination ou un soutien à des soins de santé primaires plutôt que des distributions de semence ? La créativité s'impose, dans des contextes où la sécurité des acteurs humanitaires peut être aléatoire, mais elle a ses limites. Faut-il porter alors ses efforts ailleurs ?

  Quand et jusqu'à quel point est-il opportun de faire des démarches (que les humanitaires qualifient "de protection") pour que des populations qui ne peuvent satisfaire leurs besoins économiques essentiels dans un conflit armé puissent accéder à la terre, la cultiver, voire conserver les droits qu'elles ont sur elle – par exemple lorsque le fait de ne pas la cultiver pendant quelques années les prive de ces droits ?  

Il est souvent reproché aux organisations humanitaires de se borner à répondre à des besoins, alors que des droits devraient être défendus. C'est oublier que la réponse aux besoins n'est pas purement matérielle (distribution de colis familiaux, par exemple). Il s'agit parfois de solliciter les autorisations requises pour que des personnes affectées par un conflit armé puissent accéder à des moyens de production et satisfaire leurs besoins économiques essentiels de manière durable. Se posent alors des défis particuliers : par exemple, quelle est la nature du blocage d'une route migratoire, qui entrave le passage des troupeaux pour des pâturages saisonniers ? Est-il physique (absence de points d'eau), sécuritaire ou politique ? Quels autorités, groupes, ONG faut-il approcher pour en discuter ? Comment les différentes parties locales impliquées voient-elles l'avenir de ces routes ?

Une certaine prudence s'impose. Nombre de démarches visant à défendre des droits impliqueraient d'intervenir dans des systèmes informels qui ne sont pas familiers aux acteurs humanitaires, où prévalent des relations de pouvoir fluctuantes, sur une base juridique peu claire. De surcroît quels types de droits entrent – ou n'entrent pas – dans le champ de compétences des différentes organisations? Faut-il intervenir, par exemple, si d es femmes affectées par un conflit armé se voient privées de leurs droits sur la terre par l'application du droit coutumier? Enfin, quels sont les risques que peuvent faire peser certaines démarches sur la perception du CICR comme organisation humanitaire, neutre et indépendante ?

  Dans le cadre d'un conflit armé ou de ses suites, jusqu'où les acteurs humanitaires peuvent-ils aller dans leur protection de communautés affectées par des questions foncières sans mettre en danger leur neutralité ?  

Peuvent-ils, par exemple offrir un espace neutre pour la discussion et la résolution de querelles liées au régime foncier, lorsqu'elles affectent la sécurité économique des plus pauvres ? Serait-il approprié de sensibiliser les parties qui négocient un accord de paix aux problèmes humanitaires engendrés par les conflits fonciers ? De telles décisions doivent-elles être prises de cas en cas ou de façon globale ? Si la réponse est négative à certaines de ces questions, les organisations humanitaires devraient-elles mobiliser d'autres acteurs ? Si la réponse est positive, de quel type de compétences institutionnelles les organisations humanitaires doivent-elles être dotées (elles-mêmes ou avec l'aide de consultants externes) avant d'entreprendre de telles activités - par exemple, des compétences en matière de médiation ou une compréhension des mécanismes du post-conflit ?

  Lorsqu'il y a divergences de vues à propos du système normatif applicable dans une querelle foncière qui nuit à la sécurité économique de personnes affectées par un conflit, les acteurs humanitaires devraient-ils dans certains cas (lesquels ?) s'abstenir d'engager une action d'assistance ou décider de considérer comme source d'obligations pour eux le droit reconnu comme légitime par la population dans un endroit donné à un moment précis ?  
 

La question est très complexe et les écrits sur le pluralisme juridique ne manquent pas. En bref, plusieurs systèmes juridiques peuvent coexister pour réglementer les droits de gestion, d'usage, d'accès et de propriété de la terre (droit international public, droit national, droit coutumier/traditionnel, droit religieux). Chaque système juridique a ses institutions, ses systèmes d'arbitrage, (administration locale, cours, chefs locaux, acteurs religieux et comités de villages) et des degrés différents de pouvoir et de légitimité. Ces systèmes entretiennent entre eux des relations dynamiques et complexes. Ils peuvent s'exercer sur des microcosmes locaux – un système prévaudra dans une contrée, un autre dix kilomètres plus loin. Comment savoir dans quel cadre juridique opérer, en particulier lorsque c'est un objet de controverse local ou national ?

L'acteur humanitaire court-il le risque d'être accusé de manquer de neutralité en choisissant d'inscrire son projet humanitaire dans un système normatif plutôt qu'un autre ? Risque-t-il d'être perçu comme privilégiant un groupe ethnique ou favorisant les nomades qui vivent du bétail et de la transhumance au détriment des paysans ou vice versa ? En choisissant de respecter le droit coutumier/traditionnel, peut-il - dans certains pays – se voir reprocher de porter atteinte aux efforts de l'État pour restaurer une règle de droit uniforme sur l'ensemble du territoire national, en particulier les zones rurales ? Mais, pourrait-on rétorquer, bien souvent la légalité et la légitimité du pouvoir en place sont contestées et les systèmes juridiques en vigueur à l'échelle du village ou de la région jouissent de la confiance de la population. De surcroît, le pluralisme juridique, malgré sa complexité, peut être accepté par l'État. Comment alors faire le meilleur usage, à des fins humanitaires, d'une coexistence de normes qui peuvent se révéler contradictoires - ce que certains ne manqueront pas d'exploiter pour nier les droits d'un autre groupe et s'approprier des terres ?

A cela s'ajoute une difficulté supplémentaire : comment opérer de façon respectueuse du droit et des cultures locales lorsque les institutions politiques, législatives et/ou judiciaires sont détruites, contestées, ou sans moyens d'agir (insécurité sur le territoire, manque de volonté ou de ressources financières, volonté prédatrice, distribution de terres à ceux qui les soutiennent) ?

  Qui devrait invoquer la norme coutumière internationale   [2]   selon laquelle les droits de propriété des personnes déplacées doivent être respectées (règle 133 de l'étude du CICR sur le droit international humanitaire coutumier) lorsque l'invocation de cette norme a des incidences politiques très grandes ? Quel est le rôle des organisations humanitaires à cet égard ?  

Dans un régime de droit, cette règle doit être respectée par les autorités et, en cas de litige, il appartient aux tribunaux de l'invoquer. Incombe-t-il aux acteurs humanitaires de la promouvoir auprès des autorités et du système judiciaire, voire de faire des démarches spécifiques auprès des autorités de droit ou de fait lorsque cette règle est violée dans un conflit actif ? D'un côté, son non respect a des conséquences humanitaires graves pour les déplacés et ne pas invoquer une règle de droit conduit à son affaiblissement, ce qui est regrettable. D'un autre côté, il y a un danger pour les acteurs humanitaires à invoquer un principe par légalisme si ceci les conduit au cœur des enjeux politiques du conflit. Sachant à quel point le déplacement de population est, dans les conflits actuels une stratégie de guerre, il peut y avoir des risques sécuritaires pour les déplacés, ainsi que des risques pour leur propriété – sans parler des dangers qu'une immixtion dans des sujets brûlants peut faire courir aux acteurs humanitaires. Où sont, de surcroît, les priorités des organisations humanitaires ?

Chaque organisation humanitaire sera encline à faire des pesées d'intérêts en tenant compte de son mandat, de la spécificité du contexte et de l'action d'autres acteurs pour choisir les stratégies les mieux à même de secourir les personnes en détresse.

  Comment devrait s'opérer la coordination des interventions des acteurs humanitaires lorsque ces interventions impliquent un accès, un usage, une modification ou une gestion de la terre ?  

Cette question se posera avec une acuité proportionnelle à l'aggravation des affrontements liés à la terre que le réchauffement climatique, les évolutions démographiques et la crise alimentaire nous laissent entrevoir.

  Les acteurs humanitaires, dans leurs programmes de soutien agricole à des populations affectées par des conflits armés, intègrent-ils suffisamment les impératifs du développement durable dans le choix de leurs projets ?  

Mieux vaut s'abstenir, par exemple, de soutenir des programmes de sécurité économique qui permettraient à des communautés d'exploiter des essences de bois précieuses, si cela peut avoir un effet dévastateur en termes écologique. Cela parait évident, mais cette dimension environnementale est-elle toujours intégrée dans les projets d'assistance des acteurs humanitaires ?

Somme toute, les questions liées à la terre sont compl exes, denses, évolutives et souvent méconnues. On ne peut que se féliciter que des fora réunissant milieux académiques et praticiens de l'humanitaire s'en soient saisis, par exemple le Humanitarian Policy Group   [3] de l'Overseas Development Institute de Londres. Les thèmes de réflexion à creuser ne manquent pas - par exemple :  
  • la question foncière (agriculture, élevage et habitat) dans des villes en conflit ou à forte croissance démographique en raison d'un afflux de déplacés.

  • la problématique des camps de déplacés ou de réfugiés, sous l'angle foncier (par exemple, le coût environnemental de telles structures, mais aussi les défis fonciers et écologiques posés par l'établissement anarchique de personnes en mouvement sur des terres qui ne sont pas les leurs)

  • les problèmes humanitaires des individus ou communautés qui ont occupé des terres durant un conflit et qui sont contraintes de les quitter une fois les hostilités terminées.

Puisse le partage des connaissances académiques et des expériences pratiques contribuer à des actions humanitaires plus efficaces, dans le respect des communautés pour lesquelles la terre est source de vie, mais aussi de violence. 

     
 

  Notes  

1. Voir aussi la brochure : Farming Through Conflict (en anglais) 2. Voir aussi la  présentation de l'étude du CICR sur le droit coutumier

  3. Voir aussi sur le site du Humanitarian Policy Group : Uncharted territory: Land, conflict and humanitarian action (en anglais)