Questions relatives aux droits de l'homme

08-11-1999 Déclaration

Assemblée générale des Nations Unies, 54e Session, Troisième Commission, point 116 de l'ordre du jour. Déclaration du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), New York, 8 novembre 1999

Monsieur le Président,

  • Refuser la fatalité de la guerre et lutter sans relâche contre ses causes profondes ;

  • exiger de tous ceux qui sont engagés dans des conflits armés, et de tous ceux qui peuvent influer sur leurs cours, d'assurer le respect des principes élémentaires d'humanité et des règles du droit international humanitaire ;

  • épargner aux civils les affres de la guerre ;

  • développer les relations entre individus, peuples et nations sur les fondements des Conventions de Genève, à savoir le respect de la dignité humaine en toute circonstance, la compassion pour ceux qui souffrent, et la solidarité.

Telle est la teneur de l'appel lancé à tous les citoyens, peuples et gouvernements du monde, le 12 août dernier par 14 éminentes personnalités, dont le Secrétaire général des Nations Unies, lors de la commémoration du cinquantenaire des Conventions de Genève.

Monsieur le Président,

L'an dernier c'est le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme que le monde célébrait.

Ces deux jalons de l'histoire sont venus rappeler, si besoin en était, que ces deux branches du droit international se renforcent tout en demeurant distinctes. Nous reprendrons l'image qui décrit le droit humanitaire et le droit des droits de l'homme comme les deux béquilles sur lesquelles doivent pouvoir s'appuyer les victimes des conflits armés.

C'est donc avec grand intérêt que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pris connaissance du rapport de Mme Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme.

Ce rapport met en lumière la nécessaire complémentarité des activités de nos deux organisations. Celles-ci oeuvrent, avec leurs mandats et les modalités de travail qui leur sont propres, à la sauvegarde de la dignité humaine. C'est précisément dans le but de renforcer l'interaction qu'un dialogue à haut niveau avec le Haut Commissaire, second du genre, s'est tenu récemment au siège du CICR.

Ce dialogue a permis d'identifier avec plus de précision les domaines d'activité propres à chaque organisation et ceux dans lesquels une coopération plus étroite devrait permettre de créer, tant à Genève que sur le terrain, des synergies, d'éviter des duplications et d'utiliser de manière optimale les ressources à disposition. Ce type de concertation s'est instauré depuis de plusieurs années avec d'autres partenaires onusiens, tels que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'UNICEF. La complexité croissante des situations et la précarité toujours plus grande des conditions de sécurité dans lesquelles sont appelés à travailler les acteurs humanitaires et les défenseurs de droits de l'homme rendent un tel dialogue d'autant plus utile.

Monsieur le Président,

La mise en oeuvre du droit international humanitaire s'articule selon trois axes complémentaires : la promotion du droit, la protection et l'aide aux victimes et finalement, la dénonciation et la répression des violations.

Le CICR a reçu un mandat spécifique des États au regard des deux premiers domaines. Il se doit d'agir dans l'éventualité d'un conflit armé ou de violence interne afin de persuader les parties impliquées de respecter le droit humanitaire, de cesser de violer ce droit ou de prévenir de telles violations. Cela signifie : faire connaître le droit humanitaire, promouvoir son respect, persuader et superviser. Toutefois, ce mandat n'implique pas la responsabilité de dénoncer, voire de punir les violations ou encore, de prendre part aux mécanismes de répression. Le CICR est fermement convaincu que son action, en particulier en matière de protection et d'assistance aux victimes, serait considérablement entravée s'il devait participer à la dénonciation des violations ou à des enquêtes menées contre des auteurs présumés de crimes.

Dans les conflits armés internationaux, le CICR dispose d'un droit d'accès aux victimes en vertu des Conventions de Genève et de leur premier Protocole additionnel. Cependant, en pratique, l'exercice de ce droit dépend du consentement des parties. Nombre d'activités menées par le CICR dans les conflits armés non internationaux et les situations de violence interne relèvent de son droit d'initiative humanitaire ; ceci revient à dire que les parties n'ont aucune obligation légale, stricto sensu , de l'autoriser à agir. Pour mener à bien les tâches qui lui ont été confiées par la communauté internationale, dans un contexte généralement caractérisé par des tensions et un climat de suspicion, le CICR doit obtenir le consentement et la confiance de toutes les parties impliquées, comme celles des victimes. S'il n'y parvient pas, ses activités risquent d'être partiellement, voire totalement compromises.

Monsieur le Président,

La protection des victimes est au coeur de nos préoccupations. C'est pourquoi, depuis 1996, le CICR a engagé un processus de réflexion, regroupant un certain nombre d'organisations travaillant dans le domaine de l'humanitaire ou des droits de l'homme, y compris le bureau du Haut Commissaire, afin de clarifier le concept de protection et élaborer des principes ou standards professionnels d'action.

De tels instruments devraient permettre, d'une part, une meilleure orientation des décisions opérationnelles de chacun et, d'autre part, un renforcement de la complémentarité. Une des principales conclusions de ces séminaires est que toute activité liée à la protection doit s'inscrire dans le cadre d'une approche globale et cohérente. Par exemple, la nécessité de répondre à des besoins immédiats résultant d'une violation du droit ne saurait faire abstraction de la nécessité de contribuer à la mise en place d'un environnement propre à prévenir la récurrence d'une telle violation.

Comme vous le savez, Monsieur le Président, l'approche du CICR se caractérise par sa volonté de créer, de maintenir et de développer un dialogue constructif avec toutes les parties, dans l'unique but de protéger et d'assister les victimes - toutes les victimes.

Merci, Monsieur le Président.

Réf. LG 1999-188-FRE