L’implication des enfants dans les conflits armés

31-03-1998 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 829, de Stéphane Jeannet et Joël Mermet

  Stéphane Jeannet et Joël Mermet   sont des collaborateurs de la Direction du droit international et de la doctrine du CICR.  

Le Comité international de la Croix-Rouge est vivement préoccupé par le nombre toujours croissant d’enfants recrutés ou se portant volontaires pour prendre part aux hostilités qui se déroulent à travers le monde. Ces enfants se retrouvent ainsi confrontés aux pires dangers et aux souffrances les plus atroces, aussi bien physiques que psychologiques. Par ailleurs, ils peuvent être aisément manipulés et encouragés à commettre des actes dont la gravité leur échappe souvent.

Depuis l’adoption en 1989, puis la ratification quasi universelle de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant [1 ] , une attention soutenue est portée, sur le plan international, aux droits de l’enfant en temps de conflit armé. Ce phénomène a fait en particulier l’objet de plusieurs études, aussi bien au sein du Mouvement [2 ] que dans le cadre des Nations Unies [3 ] . De nombreuses organisations non gouvernementales se sont également penchées sur la question de l’impact des conflits armés sur les enfants, que ce soit au sujet des enfants-soldats [4 ] ou de l’exploitation sexuelle.

Pour la troisième fois consécutive, le CICR, en sa qualité d’expert en matière de droit international humanitaire, a été invité par la Commission des droits de l’homme des Nations Unies à participer, en janvier 1997, à la session du groupe de travail chargé d’élaborer un projet de protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant. Ce projet vise à augmenter l’âge minimum fixé pour le recrutement d’enfants (actuellement de 15 ans, selon l’article 38 de la Convention) et pour leur participation aux hostilités. Le CICR a exprimé son soutien à une élévation de cet âge minimum à 18 ans, conformément au Plan d’action du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en faveur des enfants touchés par les conflits armés. [5 ]

Au vu de l’avancement des travaux relatifs au projet de protocole facultatif, et afin de pouvoir répondre par avance aux questions habituelles des représentants des États, le CICR a préparé pour la session de février 1998 du groupe de travail un document expliquant en détail le raisonnement juridique qui sous-tend sa position. En effet, la crainte d’un affaiblissement de la portée des normes existantes a conduit le CICR à clarifier de nouveau quelques points juridiques essentiels, dans le but d’assurer l’harmonisation du projet de protocole avec les principes et règles du droit international humanitaire. La Revue publie ci-après ce document. [6 ]

En ce qui concerne la portée du projet de protocole, la position du CICR se résume en quatre points principaux :

  • le protocole facultatif devra s’appliquer à toute situation de conflit armé ;

  • il devra lier toutes les parties au conflit ;

  • il devra interdire toute forme de recrutement des enfants de moins de 18 ans ;

  • il devra interdire toute participation de leur part aux hostilités.

Parallèlement à cette prise de position, le CICR continue d’insister sur un des aspects particulièrement préoccupants des conflits armés actuels, à savoir la participation aux hostilités d’enfants de moins de 15 ans. Le CICR tient à rappeler que ceci constitue une violation flagrante des normes internationales existantes, contenues aussi bien dans les instruments du droit international humanitaire que dans la Convention relative aux droits de l’enfant. De tels actes doivent être punis avec toute la sévérité qu’ils méritent. C’est ainsi que le CICR a proposé que le recrutement des enfants de moins de 15 ans dans les forces armées et leur participation aux hostilités soient ajoutés à la liste de crimes de guerre inclus dans le statut de la future cour criminelle internationale.

Il convient cependant d’insister sur le fait que l’adoption de nouvelles normes juridiques n’est jamais une réponse en soi face à un problème d’application des règles existantes. C’est pourquoi le CICR, pour sa part, soutient résolument la mise en œuvre de mesures pratiques, aussi bien préventives que curatives, pour s’attaquer au phénomène des enfants-soldats.

  Notes:  

1. Convention relative aux droits de l’enfant, du 20 novembre 1989. Au 15 décembre 1997, seuls les États-Unis et la Somalie n’avaient pas encore ratifié la Convention.

2. G. Goodwin-Gill et I. Cohn, Enfants soldats — Le rôle des enfants dans les conflits armés , Éditions du Méridien, Montréal, 1995.

3. Document ONU A/51/306 : The Impact of Armed Conflict on Children — Report of the Expert of the Secretary-General, Ms Graça Machel. À la suite de cette étude, M. Olara Otunnu a été nommé représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés.

4. R. Brett et M. McCallin, Children — The invisible soldiers , Rädda Barnen (Swedish Save the Children), Stockholm, 1996, 257 pages.

5. Résolution II C de la XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Genève, 1995), Revue internationale de la Croix-Rouge , n° 817, janvier-février 1996, p. 66 ; résolution 5 du Conseil des Délégués (Genève, 1995), ibid ., pp. 155-156 ; résolution 8.1 du Conseil des Délégués (Séville, 1997), ci-après, p 156.

6. Voir également document ONU E/CN.4/98/WG. 13/2, ou site internet du CICR (h ttp://www.cicr.org), sous le point « enfants dans les conflits armés ».



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